Qui ne se souvient pas du moment où Marc Bergevin a pris place sur le podium escorté par son président et propriétaire, Geoff Molson, il y a plus de cinq ans? Ces deux-là transpiraient la confiance. Il y avait de l’optimisme à revendre sur l’estrade.

Bergevin se voyait offrir le rôle de directeur général d’une organisation de la Ligue nationale et pas n’importe laquelle : l’équipe qui avait empilé des coupes Stanley à quelques kilomètres de la maison familiale, à Pointe-Saint-Charles.

Les gens ont cru en lui avant même qu’il se mette au boulot. Il provenait d’une organisation qui lui avait appris à gagner, les Blackhawks de Chicago. Il avait déjà sa bague de la coupe Stanley. S’il se voyait confier la relance du Canadien, il le devait beaucoup à Serge Savard qui avait suggéré à Molson de lui faire confiance. Savard voyait en lui un jeune homme assez solide pour ne pas laisser la pression du public et des médias influencer ses décisions. Ce qu’il a été, d’ailleurs.

Il y avait tant à faire, mais en même temps, Bergevin recevait une équipe qui ne pouvait que remonter au classement. Le Canadien était bon dernier dans l’Est et 28e au classement général et ce, même si Carey Price avait participé à 65 matchs sans avoir pu faire la moindre différence. Devant lui évoluait une défense sans grand éclat. Andrei Markov, qui avait manqué 69 parties à la suite d’une opération à un genou, était secondé par P.K. Subban, Alexei Emelin, Tomas Kaberle, Raphael Diaz, Josh Gorges, Chris Campoli et Yannick Weber. Tout comme aujourd’hui, cette défense avait d’énormes faiblesses.

La saison avait même connu deux entraîneurs, Jacques Martin et Randy Cunneyworth. La dernière trouvaille de Pierre Gauthier, celle d’un entraîneur unilingue anglophone, avait convaincu le grand patron qu’il était à bout de ressources. D’où l’embauche de Bergevin.

Le nouveau venu avait carte blanche pour apporter des changements. Dieu sait qu’il en a fait. Des bons et des beaucoup moins bons. Seulement trois joueurs ont survécu à plus d’une quarantaine de transactions depuis qu’il est là : Pacioretty, Price et Plekanec. N’eût été son extrême générosité envers Plekanec, il n’en resterait plus que deux, probablement. En revanche, il a acquis cinq joueurs d’impact en autant d’années : Vanek, Petry, Shaw, Weber et Drouin. Vanek, lui, a duré le temps des roses.

Bergevin a connu un succès instantané. Ses trois premières saisons sont parvenues à générer beaucoup d’espoir: un championnat de division dans une saison écourtée à 48 parties, une deuxième saison de 100 points et un autre championnat de division grâce à une récolte de 110 points à sa troisième année. Aux deux premières occasions, il a été finaliste au titre de directeur général de l’année.

Ce beau party est en train de s’essouffler. Il y a deux ans, il n’y a pas eu de séries éliminatoires à Montréal. Le printemps dernier, l’équipe a procédé à un changement d’entraîneur à la mi-saison avant de se faire moucher d’une façon gênante par les Rangers en séries. Depuis, plus rien ne va. Ce ne sont pas les deux dernières victoires qui changent quoi que ce soit à la situation. La réalité, c’est qu’à l’Halloween, le Canadien est déjà menacé d’une seconde exclusion des séries en trois ans. Des contrats béton accordés au directeur général et à l’entraîneur coûteraient très cher au propriétaire s’il s’avisait de procéder à un traitement-choc. On doute néanmoins que M. Molson, qui croit toujours que son architecte de hockey est l’un des plus brillants de la ligue, ait songé un seul instant à passer aux actes.

La responsabilité des joueurs

Par ailleurs, avant de penser à faire sauter des têtes de hockey, ne devrait-on pas se pencher sur le degré de responsabilité des patineurs? Comment expliquer qu’ils puissent exploser contre une formation comme les Sénateurs et jouer d’une façon aussi lamentable contre Washington (défaite de 6-1), contre les Rangers (jeu blanc de 2-0) et face aux trois formations du récent périple dans l’ouest contre lesquelles ils ont marqué cinq fois et concédé 16 buts.

Dans ce début de saison catastrophique, qui devrait coûter des millions de dollars au groupe de Geoff Molson le printemps prochain, on ne peut pas exonérer les joueurs de tout blâme. La flamme, qui brûlait naguère dans le coeur des vrais Glorieux, est rarement ressentie au sein de ce groupe difficile à suivre. Faut dire que le hockey, à l’instar des autres circuits professionnels majeurs, n’est plus uniquement un sport. C’est une vaste entreprise à l’intérieur de laquelle chaque joueur est une PME qui établit sa valeur en comparant son rendement à celui de son entourage. Si un coéquipier empoche cinq millions de dollars après avoir marqué 20 buts, celui qui en a obtenu 18 désire le même traitement salarial. La compétition qui existe à l’intérieur de l’équipe est très loin de celle qu’on souhaiterait. Cette compétition n’est pas animée par la fierté d’être le meilleur. Elle se traduit par l’ambition d’être le mieux rémunéré.

Il y a des situations difficiles à accepter. Par exemple, je n’aime pas voir Carey Price incapable de repousser un ballon de plage dans les derniers moments du règne de Michel Therrien et redevenir un grand gardien de but dès le premier match de Claude Julien. Cela m’agace de constater que Jeff Petry n’a pas toujours le coeur à l’ouvrage. Ça me dérange que Max Pacioretty ne semble pas à l’aise dans ses responsabilités de capitaine. Même si Alex Galchenyuk démontre actuellement de meilleures intentions, je n’ai pas aimé le voir se traîner les pieds durant les huit premiers matchs après avoir obtenu un contrat démesuré qu’il ne méritait pas. Ça m’inquiète aussi de constater que Shea Weber, obtenu notamment pour faire le ménage devant le gardien, fasse aussi peu usage de ses épaules. Il est où le défenseur qui devait faire peur à tout le monde?

Ça me désole que Jonathan Drouin, l’un des rares à proclamer publiquement sa fierté de porter cet uniforme, se présente à Montréal dans un moment aussi peu inspirant. Il avait de grandes aspirations pour l’équipe et pour lui-même quand Bergevin a procédé à son acquisition. On disait que sa venue ferait une énorme différence en permettant notamment à Pacioretty de connaître une première saison de 40 buts. Ce duo au potentiel explosif s’est plutôt avéré un pétard mouillé.

Bergevin a créé un espace considérable sous le plafond salarial en connaissant un très mauvais été. De son côté, Julien est en train de provoquer une situation qui obligera éventuellement son patron à se débarrasser de Galchenyuk, comme Therrien l’a fait dans le cas de P.K. Subban. Un joueur qui sort graduellement de sa coquille en y allant d’efforts plus soutenus mériterait que l’entraîneur le reconnaisse en le sortant de la boîte à chats où il a peu de chance de se justifier. Julien choisit de regarder ailleurs.

Finalement, le comportement général d’une équipe qui manque aussi souvent d’entrain doit être analysé sérieusement. Ne revient-il pas à Bergevin et à Julien de créer une ambiance dans laquelle les athlètes retrouveraient le plaisir de jouer. Un plaisir qui semble souvent inexistant en ce début de saison.