Est-ce que le Wayne Gretzky des directeurs généraux a tenté il y a 44 ans en fin de semaine de jeter les bases d’un plan lui permettant de mettre la main sur La Merveille?

 

Un ancien dépisteur du Canadien pense que Sam Pollock, l’ancien DG de Montréal qui a remporté un record de neuf coupes Stanley, a élaboré un astucieux plan pour repêcher Gretzky quand il a complété une transaction mineure le 13 septembre 1976.

 

À l’époque, l’échange a été résumé en à peine deux phrases dans le Montreal Gazette, mais il aurait pu changer le cours de l’histoire du hockey.

 

Cette possibilité a fait surface il y a un peu plus de quatre décennies après que Pollock eut échangé les méconnus attaquants Sean Shanahan et Ron Andruff aux Rockies du Colorado en retour d’une somme d’argent – et plus important – le droit d’échanger leurs choix de première ronde en 1980.

 

« Je crois que Sam a fait cette transaction en espérant d’obtenir Gretzky », a affirmé Gerry O’Flaherty, qui a été embauché comme dépisteur sur la côte ouest en 1980. « Il était tellement en avance sur son temps en ce qui a trait à comment le Canadien abordait le repêchage et élaborait ses plans. »

 

Âgé de 70 ans, O’Flaherty continue de travailler à titre de dépisteur professionnel pour le Lightning de Tampa Bay après 23 ans de service pour le Canadien au cours desquels il n’a toutefois jamais obtenu la confirmation des intentions de Pollock.

 

Nous ne saurons alors jamais ce que le DG pensait précisément, mais l’homme qui est parvenu à repêcher Guy Lafleur en 1971, un an après avoir préparé le terrain en échangeant son choix de première ronde contre celui des Golden Seals de la Californie, tentait peut-être de réaliser un autre tour de magie.

 

Voici ce que nous savons assurément :

 

- Au moment de la transaction, Gretzky était à l’avant-plan du monde du hockey en tant que prodige de 15 ans évoluant pour les Nationals de Seneca dans la Toronto Metro Junior Hockey League.

 

- L’admissibilité au repêchage fixée à 20 ans à l’époque, Gretzky allait pouvoir être repêché en 1981. Mais puisque Pollock était très impliqué dans l’élaboration de l’expansion de la LNH et le repêchage amateur depuis le milieu des années 1960, il est raisonnable de penser qu’il prévoyait que l’âge d’admissibilité au repêchage allait être abaissé à 19 ans en 1979. Gretzky aurait ainsi été admissible au repêchage de 1980.

 

Corroborer la version des faits d’O’Flaherty est difficile.

 

Doug Robinson, maintenant retraité après avoir servi pendant 30 ans (1972 à 2002) à titre de dépisteur-chef du Canadien, a indiqué que Pollock gardait ses stratégies pour lui et ne les partageait pas avec son personnel de dépisteurs.

 

« Je ne peux pas dire que je me souviens que Gretzky était visé par cette transaction où qu’il était un sujet de conversation, mais rien de me surprendrait »,  a confié l’homme de 79 ans de son domicile de St. Catharines en Ontario. « On parlait régulièrement de joueurs admissibles au repêchage d’ici un ou deux ans. »

 

« [Pollock] ne disait jamais rien à personne, même moi. Il ne croyait pas à ça. Il nous disait simplement : "Dis-moi ce que tu vois. Peut-il jouer dans notre équipe avant ce gars ou ce gars-là?" Nous répondions oui ou non, il nous remerciait et c’était tout. Il poursuivait son travail et prenait ses décisions. Il a toujours su qui nous voulions. »

 

Quand tout est remarquablement tombé en place pour le Canadien – Colorado a terminé dernier au classement général en 1979-1980 au dernier jour de la saison régulière – Gretzky n’était pas disponible et Pollock avait pris sa retraite, cédant sa place à Irving Grundman, qui a sélectionné Doug Wickenheiser avant le favori local, Denis Savard.

 

À ce moment, la fusion entre la LNH et l’Association mondiale de hockey (AMH) en 1979 a permis aux Oilers d’Edmonton de conserver les droits de Gretzky.

 

À 19 ans, Gretzky est rapidement devenu une superstar de la LNH, terminant la saison au sommet des meilleurs pointeurs à égalité avec Marcel Dionne et remportant le Trophée Hart.

 

Lorsque mis au parfum de cette possibilité au cours d’une entrevue téléphonique, le no 99 s’est dit surpris.

 

« Wow. Je n’ai jamais entendu ça. »

 

« Ç’aurait été un plaisir absolu. Après avoir grandi en tant que partisan des Maple Leafs, il aurait été difficile de changer mon allégeance, mais regarder le hockey chaque samedi soir enracine ces deux équipes dans ton esprit. Il s’agissait de franchises impeccables, pas seulement visibles, mais aussi auréolées de succès. »

 

Le Canadien a remporté la coupe Stanley à 24 reprises, un record de la LNH. Selon le Guide de la LNH et le Livre des records, Pollock participé à la moitié de ces conquêtes : neuf à titre de DG, deux à titre de directeur du personnel et une en tant que directeur.

 

Comptant déjà sur Guy Lafleur, Steve Shutt, Bob Gainey et Larry Robinson dans sa formation, à quoi le Canadien aurait-il ressemblé avec Gretzky en plus?

 

« Ces joueurs étoiles du Canadien ont fait partie de la dynastie de la fin des années 1970, mais je parie qu’avec Gretzky en plus, ils auraient pu s’accrocher et gagner quelques coupes Stanley supplémentaires », estime O’Flaherty, qui réside désormais à Vancouver.

 

« Sam était toujours en train de bâtir », ajoute Doug Robinson. « Il avait constamment une liste des joueurs et de leur âge et il avait une idée du meilleur moment pour échanger un gars. Il échangeait des joueurs de la LNH établis pouvant aider une équipe immédiatement en retour de choix futurs afin d’avoir toujours des minutions. Il échangeait un joueur de ta formation peut-être un an avant que tu ne t’en attendes, mais il y avait un plan derrière. »

 

Imaginez pour un seul moment La Merveille en bleu-blanc-rouge plutôt que trempé d’huile. Ou encore le no 99, dans son bureau, derrière le filet au Forum de Montréal plutôt qu’au Northlands Coliseum.

 

Même après ses débuts professionnels, Gretzky avait l’habitude de marcher dans le Forum et de s’imprégner des environs. Il dit se souvenir où chaque photo était accrochée à chaque porte près des vestiaires.

 

« J’ai du mal à trouver les mots pour décrire à quel point il aurait été un plaisir de jouer dans un endroit comme le Forum », a confié Gretzky. « C’est amusant de penser ce que ç’aurait été, mais je suis ravi de la façon dont les choses se sont déroulées. »