Il serait injuste et un brin insensé de reprocher au Canadien et à son directeur général Marc Bergevin d’avoir tenté de frapper un coup de circuit en présentant une offre hostile à Sebastian Aho.

 

Car non seulement Bergevin a tenté d’améliorer son équipe en utilisant la démarche la plus impopulaire qui soit autour de la LNH, une démarche qui risque d’ailleurs de lui attirer les foudres de quelques collègues, mais l’offre qu’il a présentée était suffisamment alléchante pour que le joueur qu’il avait dans la mire la signe illico au lieu de s’offrir les jours de réflexion auxquels il avait droit.

 

Mais maintenant que les Hurricanes de la Caroline ont égalé cette offre, il est permis de se demander si Bergevin et le Tricolore ont été assez agressifs dans l’offre déposée. Si elle était assez hostile.

 

Ce que plusieurs reprochaient déjà lundi au Canadien et à son directeur général.

 

Parce que la Caroline a rapidement et facilement répliqué à l’attaque du Canadien qui se retrouve aujourd’hui les mains vides, la réaction normale serait de répondre oui à cette question. Et bien qu’il soit impossible de savoir si Tom Dundon aurait égalé une offre supérieure, c’est peut-être la bonne réponse. On ne le saura jamais.

 

Un peu plus haut, un peu plus loin

 

Mais ce qu’on sait toutefois, c’est que Bergevin et le Canadien s’étaient imposé des limites qu’ils refusaient de dépasser autant en compensations qu’en millions $ et ce même si Aho les intéressait au point de «profiter» du droit de déposer une offre hostile et ô combien impopulaire.

 

Parce que le Canadien est très bien nanti en fait de choix au repêchage avec un total de 26 sélections lors des trois prochaines années – 12 en 2020 (repêchage à Montréal) dont huit lors des quatre premières rondes, et sept en 2021 et 2022 – le Canadien pouvait facilement perdre les trois choix qui seraient passés aux Hurricanes si ces derniers avaient laissé Aho migrer vers Montréal.

 

À mes yeux, il aurait aussi pu se passer d’un choix de première ronde de plus. Et c’est ce qu’une offre légèrement supérieure lui aurait coûté en guise de compensation si les Canes avaient reculé au lieu de répliquer à l’offre du Tricolore.

 

Les quelques millions de plus auraient certainement déséquilibré un brin la structure financière du Canadien, mais pas au point de la mettre en péril. Pas au point de ne pas être en mesure de payer Max Domi, Jesperi Kotkaniemi et les autres vedettes en devenir lorsque viendra le temps de passer à la caisse dans quelques années.

 

Cela dit, parce que Gerry Johannson l’agent de Sebastian Aho était incapable d’obtenir des Canes une offre qu’ils ont finalement égalée mardi, le Canadien pouvait très certainement croire en ses chances d’obtenir Aho avec le contrat de cinq ans et de 42,27 millions qu’il a déposé lundi.

 

Surtout qu’avec une structure financière garantissant au jeune finlandais une récolte de 21,87 millions $ dès la première année, il était loin d’être acquis que le Caroline accepterait de se montrer aussi généreuse au cours des premiers 12 mois.

 

Dundon forcé d’agir

 

Je sais : Dundon a assuré le contraire en conférence téléphonique mardi. Son DG et bras droit Don Waddell l’avait fait lui aussi dès lundi.

 

« Le grand gagnant c'est Sebastian Aho »

Le proprio des Canes s’est même permis de rappeler à l’ordre ceux et celles qui croyaient son organisation trop fragile et son porte-monnaie trop calé dans le survêtement aux couleurs de son équipe qu’il porte chaque fois qu’on le voit en public pour se dresser et surtout résister à l’attaque du Canadien, mais dans les faits, et c’est connu de tous autour de la LNH, l’organisation des Canes est fragile sur le plan financier et son propriétaire, aussi riche soit-il, coupe les dépenses au minimum dans les opérations de son équipe.

 

Et s’il était aussi facile d’égaler l’offre après s’être fait forcer la main par le Canadien, pourquoi alors faire poireauter son meilleur joueur en assurant que ses demandes étaient démesurées dans le cadre des discussions qui stagnaient depuis des mois?

 

Juste une stratégie de négociations?

 

Je n’en crois rien.

 

Je crois à l’opposé que le Canadien a fouetté son orgueil lundi et que c’est justement pour sauver la face – et c’est loin d’être un reproche, puisque j’aurais fait exactement la même chose si j’avais été à sa place – et l’image de son organisation que Dundon a répliqué si vite.

 

Cela dit, après une saison et surtout des séries éliminatoires marquées de surprises agréables qui ont fait des «pauvres» Hurricanes une bande de «Jerks» très sympathiques, il aussi est clair que le propriétaire ne pouvait se permettre de ternir les derniers mois fastes de son club en laissant partir son meilleur joueur vers une équipe plus riche sans même répliquer.

 

Limites à ne pas dépasser

 

Sachant tout ça, pourquoi alors Bergevin et son propriétaire n’ont pas poussé plus loin et pris les moyens pour que Dundon ne puisse carrément pas répliquer?

 

Les Canes n'ont jamais voulu laisser partir Aho

Parce qu’en se rendant à l’extrême limite, Bergevin et le Canadien auraient fait grandement plaisir à leurs partisans à court terme. Mais en dépassant ainsi ce qu’il reste du gros bon sens financier dans la LNH d’aujourd’hui, ils se seraient rendus vulnérables à moyen terme et très vulnérables à long terme.

 

Sebastian Aho est un très bon joueur. Il deviendra peut-être même excellent un jour pas si lointain.

 

Mais il n’est pas – du moins pas encore – de la trempe des Mitch Marner (Toronto), Mikko Rantanen (Colorado), Zach Werensky (Columbus) ou même Brayden Point (Tampa Bay) qui pourraient convaincre une équipe de perdre ses quatre prochains premiers choix au repêchage et de verser plus de 10 568 590 millions $ en moyenne par année pour faire leur acquisition.

 

Le Canadien ne pouvait donc pas – du moins c’est mon avis – perdre quatre choix au repêchage et amputer l’espace disponible sous le plafond pour les prochaines années et risquer d’être obligé de larguer des contrats devenus trop lourds.

 

Aho le grand gagnant

 

Le Canadien sort grand perdant du coup qu’il a tenté en servant une offre hostile à Aho.

 

Non seulement les Canes ont égalé l’offre hostile, mais ils attendront jusqu’à la dernière minute – ils ont sept jours pour réagir officiellement en signant le contrat – pour officialiser la transaction. Pendant cette période, le Canadien ne peut déposer d’autres offres.

 

Oui! Tomas Dundon et les Canes peuvent quant à eux crier victoire. Du moins pour l’instant. Car en égalant l’offre, ils ne peuvent échanger Aho pour une période d’un an ce qui veut dire qu’ils sont «condamnés» à lui verser la moitié de la valeur du contrat de 42,27 millions $ au cours des 12 prochains mois. Ils verseront ce magot sans même avoir comme compensation le fait d’avoir «acheté» quelques années d’autonomie complète. C’est clair que ça leur fera mal. Ça ferait mal à 25 des 31 équipes de la Ligue. Peut-être plus.

 

Mais, comme je vous le suggérais lundi, le vrai gagnant est Sebastian Aho. De fait, c’est le grand gagnant. Il était bien en Caroline. Il ne rechignera donc pas parce que les Canes ont égalé l’offre. Il est le rouage important d’une belle équipe qui tentera se surprendre encore l’an prochain. Il est non seulement plus riche de 42 millions $, mais a obtenu le contrat d’une durée parfaite, puisque dans cinq ans, il pourra profiter de son autonomie complète.

 

Status Quo inacceptable

 

Après avoir encaissé une grosse prise au lieu d’en réaliser une grosse, Marc Bergevin doit redoubler d’ardeur pour éviter de se faire passer dans la mitaine.

 

Il doit vite passer au plan B.

 

Il doit vite adopter le scénario qu’il aime le moins : celui des transactions qui l’obligeront à oui, perdre des choix au repêchage et mettre dans l’équation des espoirs qu’il aime et qu’il ne veut pas voir partir.

 

Mais avec des équipes qui sont déjà bien meilleures que la sienne autour de lui, et d’autres qui se sont grandement améliorées au cours des derniers jours, Bergevin ne peut croire que l’embauche de Keith Kinkaid et la progression normale de ses jeunes lui donneront les moyens d’accéder aux séries l’an prochain.

 

Le statu quo est inacceptable.

 

L’arrivée de Sebastian Aho aurait grandement facilité son été. Mais là. Il s’annonce difficile. Car il devra prendre d’autres risques, de plus gros risques, pour tenter de convaincre les autres clubs de transiger avec lui.

 

Les Maple Leafs l’ont fait lundi. Deux fois plutôt qu’une. Les Sénateurs aussi. Les Devils, les Penguins, les Predators, l’Avalanche l’ont fait également.

 

Comme quoi il est non seulement encore possible de conclure de grosses transactions dans la LNH, mais qu’à certains moments donnés il est même nécessaire de transiger.

 

Chez le Canadien, c’est maintenant rendu très nécessaire.

 

Car la pire chose qui pourrait arriver maintenant serait qu’après avoir respecté des limites dans la quête de Sebastian Aho, le Canadien les dépasse avec l’acquisition de joueurs qui sont loin d’avoir sa valeur.

 

Bon été M. Bergevin.

 

Bon été à vous tous. Bon golf. Bon repos. Bon vélo. Bonnes vacances.

 

On reconnecte en septembre.

 

« Bergevin ne s'est pas fait d'amis »
« On ne peut pas reprocher à Bergevin de ne pas essayer »