Ils sont peut-être nombreux à réclamer le départ de Michel Therrien, mais chaque fois qu'on procède à un sondage pas très officiel, il y a toujours plus de gens qui se prononcent en sa faveur que le contraire.

Je suis persuadé que si Therrien perdait son poste, cela ne ferait qu'ajouter au vent de critiques qui déferle actuellement sur Marc Bergevin. Parce que cette démotion serait injuste dans les circonstances. Parce que Bergevin doit d'abord commencer par faire une évaluation objective de son propre travail.

C'est désolant ce qui se passe. Comment le Canadien en est-il arrivé à tomber aussi bas? On pensait vraiment que les années de misère étaient terminées. Après des saisons de 100 et de 110 points, une deuxième place dans la Ligue nationale et une première dans l'Est l'an dernier et un début de saison époustouflant cette saison, il y avait lieu d'espérer de bien belles choses. Ce n'était pas très réaliste d'imaginer une coupe Stanley dès ce printemps, mais on s'en approchait graduellement. Disons qu'après une profonde disette de 22 ans sans défilé, c'était plus facile de patienter encore un an ou deux avant la 25e coupe.

L'avenir était prometteur. Le Canadien alignait le joueur numéro un de la ligue en Carey Price, le premier gardien dans l'histoire du hockey à avoir gagné quatre trophées prestigieux la même année. D'ailleurs, Price et Mario Lemieux sont les seuls à avoir mérité quatre honneurs en saison régulière. Avec Price, on était vraiment en voiture, mais on ne pouvait pas deviner qu'il serait blessé gravement quelques mois plus tard. Imaginez, après avoir établi une marque d'équipe de 44 victoires l'an dernier, Price ne disputera même pas 25 matchs cette saison. Le Canadien ne pouvait pas être frappé plus durement. On ne se contera pas d'histoire, l'organisation a perdu le seul joueur qui lui permettait de gagner avec régularité.

Durant son absence, ils sont très rares, ceux qui n'ont rien eu à se reprocher. Therrien, tout comme ses joueurs, a commis des erreurs. Bergevin travaille peut-être très fort pour porter un grand coup, mais le constat est brutal. Pendant que l'équipe perdait tous ses moyens, il ne lui a offert aucune ressource. Il ne lui a pas lancé la moindre bouée de sauvetage. En ne posant aucun geste d'éclat, il est bien possible que Bergevin ait joué injustement avec le job de son entraîneur qui est aujourd'hui beaucoup plus près de la porte que du trophée Jack-Adams.

On ne pourra jamais reprocher à l'entraîneur d'avoir baissé les bras dans la tourmente. Mardi soir, devant la presse, Therrien y est allé d'un vibrant plaidoyer, presqu'un cri du coeur, à l'endroit de ses joueurs dont il a vanté les efforts dans une période où plus rien ne va, se permettant même de critiquer au passage les gens qui manifestent un mécontentement pleinement justifié sur sa troupe et qui se sont permis de huer un Andreï Markok au bout du rouleau. Pourtant, s'il y a un match où les joueurs auraient dû sortir le couteau entre les dents, c'est bien celui-là. Et ça, on ne l'a pas vu.

De son côté, Bergevin, par son inaction, a fourni à ses joueurs une certaine excuse pour se cacher. Pendant que le Québec tout entier réclame une transaction qui pourrait permettre de stopper l'hémorragie tout en relançant l'équipe, les joueurs qui s'attendent à ce qu'on les aide semblent en mode attente certains soirs. On les imagine à la merci des décisions de leur directeur général. Or, tant que Bergevin refusera de disposer d'un joueur d'avenir, d'un choix au repêchage ou d'un joueur appartenant au noyau dur de l'équipe, il n'y aura pas de transaction possible.

Bergevin est un homme patient de nature. Il ne panique pas et ne laisse pas l'opinion publique influencer sa façon de faire les choses. C'est correct, c'est lui le boss. Il jouit de surcroît de l'entière confiance de son propriétaire. Si jamais il a convaincu Geoff Molson de l'importance de ne rien détruire en attendant le retour de Price, il y a de fortes chances que celui qui signe les chèques ne lui adresse pas le moindre reproche. Molson a sans doute de fréquentes questions pour lui, mais des reproches, ça m'étonnerait beaucoup.

Pourquoi Therrien mérite-t-il la clémence de son directeur général en ce moment? Parce qu'à défaut d'une bombe, Bergevin ne lui a donné que des pétards à mèches jusqu'ici. Nous ne sommes qu'à la mi-janvier et l'équipe a déjà utilisé 32 joueurs, dont huit de la filiale qu'on n'aurait jamais dû voir au Centre Bell. Le Canadien a aussi utilisé quatre gardiens de but, ne l'oublions pas.

Tout cela pendant qu'un nombre effarant de membres réguliers de l'équipe connaît une saison embarrassante. Pas moins de sept attaquants ont marqué un but ou deux en plus d'une vingtaine de parties. Plekanec, par exemple, est dans une séquence de deux buts en 31 matchs, Desharnais (deux en 28),  Fleischmann (un but en 23), Eller (2 en 28), Weise (2 en 21), Flynn (2 en 30) Mitchell (un en 25) et Galchenyuk, sur qui repose une bonne partie de l'attaque, (3 en 22). Et on explore maintenant une autre piste de solution en Jacob De La Rose, qui a raté son entrée l'an dernier, qui a connu un camp d'entraînement futile, qui n'a rien brisé dans le club-école cette saison et qui est resté invisible en deux matchs la fin de semaine dernière.

Cela explique en bonne partie pourquoi le Canadien est passé de l'excellence à la déroute complète. Le premier décembre, le Canadien jouissait d'une avance quasi insurmontable de 15 points sur les Panthers de la Floride. Les Panthers sont actuellement sept points devant. Une différence de 22 points entre les deux équipes en l'espace d'un mois et demi. Ne me dites pas qu'on n'aurait pas pu faire quelque chose pour éviter pareille dégringolade.

Le cas Jonathan Drouin

Je me demande pourquoi on accorde autant d'importance à la rumeur voulant que Jonathan Drouin devienne prochainement un membre du Canadien. Voilà un joueur qui coûterait très cher parce que Steve Yzerman n'est pas sans connaître la valeur d'un athlète francophone dans le marché de Montréal. Et pourquoi risquerait-il d'envoyer à Montréal l'un de ses plus beaux espoirs quand son équipe est en train de développer une grande rivalité avec le Canadien?

De toute façon, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un joueur de 20 ans sorte de la Ligue américaine pour venir sauver la saison d'une organisation comme celle du Canadien. Là où Drouin vaudrait son pesant d'or, cependant, c'est la présence qu'il pourrait exercer ici dans l'avenir. David Desharnais a 29 ans. Qui sera le prochain Québécois francophone d'impact à se produire à Montréal après son départ? En arrivera-t-on éventuellement à applaudir des « Flying Frenchmen » sans un seul franco dans ce chandail historique?

Mais ça, c'est une question pour plus tard. Pour l'instant, cette équipe a besoin d'un vrai joueur d'impact. Point à la ligne.

Un grand s'en va

Vendredi, le journaliste Dave Stubbs publiera son dernier papier dans The Gazette. Profondément humain, Stubbs laisse sa plume traduire une belle émotion, surtout quand il se plait à rappeler les exploits des grands Glorieux du passé, ceux qui ont écrit les plus belles pages d'histoire et qu'on a malheureusement tendance à oublier. Il en a fait une spécialité.

En s'attardant sur cet aspect bien précis de sa carrière, la Ligue nationale a eu l'idée de créer un poste juste pour lui sur son site web. Une décision qui permettra de rendre hommage aux athlètes qui ont contribué à faire du meilleur circuit de hockey ce qu'il est devenu. Ce sera la prochaine mission de Stubbs.

Après 28 années passées à ce journal, après la couverture de 10 Jeux olympiques et après avoir travaillé sous la direction de 10 directeurs des sports, dont lui-même, Stubbs s'en va redonner vie aux archives de la Ligue nationale.

Well done, mon ami.

30 Minutes Chrono - les efforts et les résultats du Canadien