Carey Price semble totalement pardonné par l’ensemble des partisans de l’équipe qui voient maintenant, dans son spectaculaire réveil, un quelconque espoir d’une participation aux séries. Contre les Blues de St. Louis, il en a accompli suffisamment pour réussir un sixième triomphe de suite, mais face à un adversaire trop grand, trop lourd et nettement plus talentueux, le Canadien n’a pas fait le poids pendant une bonne partie de la soirée.

Toutefois, on le sent, le jour n’est pas loin où l’expression « meilleur gardien de but du monde » sera une nouvelle fois utilisée à toutes les sauces, parfois à outrance. Faut s’y attendre.

La saison dernière, il fallait être aveuglément partisan pour imaginer Price devant les Braden Holtby, Sergei Bobrovsky et Devan Dubnyk dans la hiérarchie des meilleurs gardiens du circuit. Il y a même eu quelques autres gardiens meilleurs que lui durant la saison. On pense notamment à Jimmy Howard, Cam Talbot, Craig Anderson, John Gibson et même Peter Budaj, et oui Budaj, dont la moyenne de buts accordés (2,18) a été nettement supérieure à celle de Price (2,94). Disons que cette saison ne lui a pas permis de maintenir le statut parfois trop flatteur de meilleur du monde qui lui colle à la peau depuis son éblouissante campagne 2015.

Le compliment lui allait comme un gant quand il a mérité le trophée Vézina, raflé les trophées Hart et Ted Lindsay et terminé bon premier pour la moyenne de buts par match (1,96), le pourcentage d’efficacité (93,3) et le total de victoires (44).

Ce fut une saison historique, car jamais un gardien n’avait jusque-là dominé dans autant de secteurs. Aucun des trois autres gardiens à avoir gagné les trophées Hart et Vézina la même année, Jacques Plante, Dominik Hasek (en deux occasions) et Jose Théodore, n’avait remporté autant de victoires et dominé aussi outrageusement sur le plan des statistiques personnelles.

Néanmoins, malgré sa récolte de 110 points en 2015, on ne peut pas dire que le Canadien représentait une puissance dans la ligue. Les matchs volés par Price avaient faussé les données, comme cela se produit encore à l’occasion. Après tout, Price n’avait pas devant lui les puissantes formations de Ken Dryden ou les équipes équilibrées de Patrick Roy qui, en 1986 et 1993, s’étaient classées respectivement au septième et sixième rangs dans le circuit.

Cette éblouissante saison de Price avait contribué à générer beaucoup d’espoir. Faut dire qu’il avait annoncé clairement ses couleurs l’année précédente en aidant le Canada à remporter la médaille d’or aux Jeux olympiques de Sotchi et en conduisant les siens à une troisième série contre les Rangers de New York après avoir écarté brillamment le Lightning de Tampa et les Bruins de Boston.

Pour toutes ces raisons, il a vite été considéré par la majorité des experts en la matière comme le meilleur de tous. Ça explique aussi pourquoi la fenêtre d’opportunité pour la coupe est devenue une expression à la mode. Expression que plus personne n’ose utiliser, du moins dans le cas du Canadien. La fenêtre d’opportunité a plutôt fait place à une analyse des probabilités en vue d’une participation aux séries.

Price a déjà 30 ans. Même s’il est encore capable d’insuffler chez ses coéquipiers la confiance dont ils ont besoin pour pouvoir s’exprimer avec succès et même s’il est toujours capable de transformer une défaite prévisible en victoire, il est permis de s’interroger sur la place qu’il occupera dans la riche histoire du Canadien et dans celle du hockey en général quand il remisera son chandail à jamais. N’oublions pas qu’on a établi très tôt, probablement à tort, des traits de ressemblance entre Patrick Roy et lui. Or, Roy a gagné une première coupe Stanley à 21 ans et une seconde à 28 ans. À 36 ans, son parcours indiquait quatre coupes Stanley, trois trophées Conn Smythe, trois Vézina et cinq Bill Jennings. Price n’est toujours pas dans la même ligue.

Même s’il est impossible de comparer les époques, Ken Dryden s’est retiré à 32 ans après avoir emmagasiné six coupes Stanley, cinq trophées Vézina, un trophée Conn Smythe et un titre de recrue de l’année en huit saisons seulement.

Bien sûr, Price, qui est lié au Canadien pour huit autres saisons, a encore beaucoup de temps devant lui pour se faire justice. Pour y arriver, cependant, il aura besoin d’une contribution plus active du directeur général actuel ou de son éventuel successeur, car l’équipe actuelle est loin de posséder les éléments pouvant lui permettre de tout balayer dans la ligue.

Pour le moment, on a du mal à imaginer le numéro 31 se balançant dans les hauteurs du Centre Bell aux côtés de ceux de Jacques Plante, de Dryden et de Roy. Comme on n’imagine aucun autre chandail retiré parmi les joueurs actuels, d’ailleurs.