MONTRÉAL - Il y a de ça très longtemps, lorsque Chris Phillips dont le chandail numéro 4 a été immortalisé par les Sénateurs, lundi soir, à Ottawa, et Daniel Alfredsson dont le chandail numéro 11 a accueilli celui du gros défenseur sous le toit du Centre Canadian Tire, étaient de tout jeunes joueurs, « Alfie » m’avait glissé, au lendemain d’une des nombreuses défaites encaissées par les Sens à cette époque, qu’il fallait tirer le meilleur de ces revers.

 

« C’est plate perdre, mais c’est nécessaire. L’important est de comprendre pourquoi on perd afin d’apporter les correctifs nécessaires qui nous permettront un jour de gagner. En perdant comme on le fait là, on va apprendre à gagner », que le Suédois a défilé le plus sérieusement du monde.

 

Sur le coup, je m’étais demandé si Alfie était vraiment sérieux; s’il avait chiqué du tabac trop fort pour son jeune âge; s’il tentait seulement de se débarrasser d’un journaliste trop insistant dans sa quête de comprendre comment un club pouvait perdre si souvent tout en s’assurant d’inventer soir après soir de nouvelles manières de perdre.

 

Quelques années plus tard, lorsque Alfredsson est devenu le capitaine des Sénateurs, lorsque Chris Phillips est devenu la pierre d’assise à la ligne bleue de cette équipe qui n’était plus la risée de la LNH, mais bien l’une des puissances du circuit, j’ai compris la portée du message qu’Alfie m’avait un jour servi.

 

En regardant le Canadien bousiller deux avances de deux buts mardi soir, à Detroit, en regardant le Canadien bousiller des avances deux buts dans un deuxième match de suite, en regardant le Canadien bousiller une avance de 2-0 pour la deuxième fois en cinq matchs et la septième fois cette saison en 16 parties – le Tricolore a une fiche de 9-6-1 dans les matchs au cours desquels il s’est offert une avance de 2-0 – je me suis rappelé les sages propos de Daniel Alfredsson.

 

Des propos qui ont pris plus de sens encore lorsque le capitaine «miraculé» du Tricolore, Shea Weber a été incapable de fournir un semblant de motif qui permettrait d’au moins tenter de comprendre comment le Canadien s’y prend pour gaspiller autant d’avance.

 

Le Canadien a encaissé sa 10e défaite de la saison (15-7-3) lorsqu’il profite d’une avance après une période de jeu.

 

C’est poche? Mettez-en que c’est poche!

 

Seuls les Red Wings de Detroit (9) et les Kings de Los Angeles (8) ont fait pire que le Canadien jusqu’ici cette année en temps réglementaire. Mais si on ajoute les revers encaissés en prolongation et tirs de barrage le Canadien est bon dernier avec ses 10 défaites : une de plus que les Wings, les Kings et les Devils du New Jersey.

 

Mais il y a pire. Eh oui!

 

Le Canadien a perdu neuf fois alors qu’il menait après deux périodes de jeu. Cinq fois en temps réglementaire, quatre fois en prolongation ou tirs de barrage. Ce sont les pires résultats de la LNH au grand complet derrière les Devils qui ont perdu huit fois (14-3-5), le Wild sept fois (15-3-4) et les Wings à cinq reprises (8-4-1).

 

Le Tricolore pourra toujours offrir, en guise de défense, qu’il s’est retrouvé plus souvent (26 fois) avec une avance à défendre après deux périodes que les Devils et le Wild (22 fois) ou les Wings (13 fois), mais quand même. Il y a des limites à gaspiller des avances.

 

Des limites que le Canadien a largement dépassées déjà cette année.

 

Suzuki dans la foulée de Makar et Hughes

 

Claude Julien et les partisans du Canadien ont donc mille et une raisons – peut-être même mille et deux – de détester leur équipe; de critiquer plusieurs joueurs pour leur manque de talent évident; de critiquer plusieurs autres pour leur manque d’implication et de combativité tout aussi évident; de défiler jurons et doléances pour tenter de faire passer le mélange de colère et de déception associé à cette quatrième défaite consécutive cette saison aux mains des Red Wings de Detroit qui n’ont gagné que 15 fois cette année et qui auront de la difficulté à franchir le plateau des 40 points.

 

Mais à ce stade-ci de la saison, rendu aussi bas que le Canadien est rendu, il est temps de mettre en application les paroles de Daniel Alfredsson.

 

C’est pour cette raison qu’il faut applaudir le fait que Nick Suzuki ait atteint le plateau des 40 points (13 buts) dans la défaite d’hier, mais qu’il faut aussi applaudir le fait que le petit gars a confessé dans ses commentaires d’après-partie l’erreur bête commise sur le but qui a donné la victoire aux Wings.

 

Suzuki doit commettre des erreurs comme celle qui a coûté le match en troisième période, pour mieux apprendre à gagner un jour.

 

Le petit gars a les mains pour réussir. Il a aussi la tête, la vision, le sixième sens dont les bons passeurs héritent et ont simplement besoin de peaufiner au lieu de tenter de trouver. Il en a fait la preuve en jouant un rôle de premier plan sur les deux buts en avantage numérique du Canadien mardi soir.

 

En passant, Suzuki (13 points, 5 buts) a rejoint Tomas Tatar (13 points, 8 buts) au premier rang des marqueurs du Tricolore en avantage numérique.

 

Mieux encore, Suzuki se rapproche de Cale Makar et Quinn Hughes non seulement dans la course au meilleur marqueur chez les recrues, mais aussi dans la course au trophée Calder.

 

Suzuki a encore un brin de retard dans les deux courses, mais le simple fait qu’il soit dans la foulée des deux défenseurs qui sont aussi les favoris pour mettre la main sur le titre de recrue de l’année nous oblige à mettre la déception de revers de côté en souhaitant que ces défaites permettent vraiment à Suzuki d’apprendre à gagner et de s’en souvenir encore dans deux ou trois ans lorsque le Canadien sera – peut-être – un prétendant sérieux aux séries et aux grands honneurs.

 

Mais d’ici là, il faudra prendre notre mal en patience!

 

Les messages de Weber

 

Shea Weber est non seulement revenu au jeu beaucoup plus vite que prévu, mais le capitaine du Tricolore a effectué un total de 26 présences totalisant près de 22 minutes de temps d’utilisation. Pas mal pour un gars dont la carrière était semble-t-il menacé!

 

Weber, comme ses coéquipiers, n’a pas disputé un grand match mardi. Il ne semblait pas complètement à l’aise. Et vous savez quoi? Peut-être aurait-il dû attendre un brin ou deux avant de revenir.

 

Mais le capitaine avait des messages à livrer. Des messages à ses coéquipiers d’abord afin de leur rappeler que même si les rêves d’accéder aux séries sont évanouis, il reste encore 20 matchs à disputer. Vingt matchs qui devront être utilisés pour apprendre à mieux gagner l’an prochain.

 

Weber a certainement aussi servi un autre message : celui de rasseoir tous ceux et celles qui ont profité de l’incertitude entourant son état de santé, la semaine dernière, pour remettre une fois encore en cause ses capacités à aider le Canadien – ou une autre équipe – cette saison, la saison prochaine et les autres qui suivront...

 

Où se cachent Domi, Drouin et Kovalchuk?

 

Peut-être que Jonathan Drouin est toujours incommodé par les contrecoups de sa blessure au poignet. Peut-être que son seuil de tolérance à la douleur n’est pas aussi élevé que celui de son capitaine. Et ce n’est pas une flèche à l’endroit de Drouin, car rares sont les joueurs capables de composer avec la douleur comme Shea Weber semble être en mesure d’y arriver.

 

Mais peu importe la ou les raisons, le Québécois peine de reprendre sa place et à retrouver son rythme depuis son retour au jeu.

 

Ce qui est vrai pour Drouin, l’est aussi pour Max Domi et Ilya Kovalchuk qui, au-delà des statistiques timides lors des derniers matchs – cinq matchs de suite sans point pour Kovalchuk, une passe en sept matchs et un but et quatre points en 18 rencontres pour Domi – jouent du hockey plus que décevant.

 

Dans le cas de Kovalchuk, il offre d’ailleurs le même genre de hockey qu’il offrait avec les Kings en début de saison. Du moins statistiquement.

 

Avant le match de mardi, Kovalchuk revendiquait une moyenne de 1,45 point par 60 minutes de temps d’utilisation à cinq contre cinq avec le Canadien. Une moyenne identique à celle qu’il affichait à Los Angeles.

 

Kovalchuk était même meilleur à Los Angeles avec une moyenne de 2,06 points récoltés par 60 minutes de jeu – à forces égales, en avantages et désavantages numériques – qu’avec le Canadien (1,96 / 60 minutes de jeu).

 

Des statistiques qui ont baissé légèrement hier avec un cinquième match consécutif sans point.

 

Non seulement ne contribuent-ils pas offensivement, mais Kovalchuk et Domi ont mal paru sur des replis défensifs approximatifs. Vous direz qu’ils ne sont pas là pour leurs qualités défensives. Ce qui est en partie vrai. Mais on les a aussi vu bousiller, encore hier, des entrées en zone ennemie dont une fois en troisième période lors d’une attaque massive du Canadien lorsque qu’une poussée amorcée par Kovalchuk s’est traduite par un hors-jeu et non une occasion de marquer.

 

Rien pour aider Marc Bergevin à faire fluctuer à la hausse la valeur du joueur russe qu’il pourrait échanger d’ici lundi prochain.

 

Weal, Cousins et le «P P »

 

Quand on se demande pourquoi Claude Julien offre du temps d’utilisation à Jordan Weal et Nick Cousins au détriment d’autres joueurs qui devraient y être à leur place – lire ici Drouin et Domi – du moins en raison de leur réputation respective, les joueurs impliqués répondent eux-mêmes aux questions.

 

Weal et Cousins justifient leur utilisation en trimant dur sur la patinoire. En prime, ils ont récolté des points mardi soir à Detroit.

 

Je conviens que Drouin et Domi devraient quand même y être à leur place. Mais comme l’a fait Suzuki qui a obtenu du meilleur temps d’utilisation que Domi en jouant du meilleur hockey que lui et surtout en s’impliquant davantage malgré le fait qu’il ne soit qu’une recrue, Weal et Cousins forcent la main du coach.

 

Sans compter que le coach se sert peut-être aussi d’eux pour passer un message aux deux autres.

 

Mais si Drouin et Domi sont tellement meilleurs que Weal et Cousins – eh oui ils le sont – ils devraient les déloger facilement s’ils s’en donnaient simplement un peu la peine.

 

Vous ne croyez pas?

 

Scandella : une offre que le CH ne pouvait refuser

 

Le Canadien a offert un contrat à Marco Scandella pour garder le défenseur québécois à Montréal. Mais l’offre n’était pas assez intéressante – je crois comprendre que le Tricolore a offert deux ans et que l’arrière demandait trois saisons – pour convaincre Scandella de tourner le dos à l’autonomie complète dont il pourra profiter l’été prochain.

 

Inversement, quand l’offre des Blues de St.Louis qui s’intéressaient à Scandella est passée sous le nez de Marc Bergevin, il n’a pas pu résister.

 

Avec raison!

 

Parce que les Sabres et leur DG Jason Botterill voulaient se défaire de Scandella, ils l’ont cédé au Canadien en retour d’un choix de 4e ronde. En fait, ils l’ont donné.

 

Comment alors, 47 jours plus tard, Marc Bergevin a pu obtenir non seulement un choix de deuxième ronde, mais un potentiel choix supplémentaire de quatrième ronde, pour le même joueur?

 

En raison des besoins des Blues.

 

La perte de Jay Bouwmeester dans les circonstances qu’on connaît a forcé la main de Doug Armstrong. Les équipes de la LNH voyaient le DG des Blues arriver comme un train. Elles pouvaient donc être plus gourmandes et Armstrong devait en mettre davantage sur la table.

 

C’est ce qui est arrivé.

 

Si Scandella profite de son séjour avec les Blues pour mieux jouer qu’il ne l’a fait avec le Canadien – il n’a pas été mauvais, mais je m’attendais à un brin plus de sa part – les offres qui lui seront présentées, par les Blues avant le premier juillet ou par les autres équipes après, seront sans l’ombre d’un doute plus généreuses que celle que lui a offerte le Canadien pour le garder à la «maison».

 

Mais en affichant un intérêt à l’endroit du défenseur italo-québécois, les Blues ont rendu service au principal intéressé, au Canadien et il ne leur reste maintenant qu’à espérer qu’ils tireront aussi profit de cette transaction.

 

En bref

  • À Detroit, mardi soir, le Canadien a laissé ses adversaires combler un recul de deux buts dans une 11e rencontre jusqu’ici cette saison. Le Tricolore n’a survécu que trois fois à ces débandades comme le confirme sa fiche en pareilles circonstances de 3-6-2...
     
  • Le Tricolore a marqué deux buts en avantage numérique aux dépens des Wings. C’était la cinquième fois seulement cette saison qu’il réalisait un doublé du genre. La première depuis le match du 29 décembre dernier en Floride. S’il a signé des victoires aux dépens des Blues, des Kings et des Canucks, le Canadien s’était incliné en Floride face aux Panthers et il l’a fait encore lundi à Detroit...
     
  • Pour ceux qui se poseraient la question, le Canadien n’a pas encore marqué trois buts – ou quatre, ou cinq – en avantage numérique dans un même match jusqu’ici cette saison...
     
  • C’était que la sixième fois, mardi, à Detroit, que le Canadien profitait d’une avance de deux buts après deux périodes de jeu : deux fois des avances de 2-0, quatre fois des avances de 3-1. Il a encaissé un premier revers après cinq gains consécutifs...
     
  • Le Canadien a mis le cap sur Washington où il croisera les Capitals jeudi soir. Est-ce que je suis le seul à croire qu’Alexander Ovechkin, blanchi à ses cinq dernières parties, profitera de l’escale du Tricolore pour non seulement marquer ses 699e et 700e buts en carrière, mais en ajoutera peut-être même un ou deux autres?
« Je ne peux pas mettre mes patins et jouer pour eux »