BROSSARD, Qc – Pendant deux étés consécutifs, Samuel Harvey a suivi le repêchage de la Ligue nationale de hockey, puis a étudié la liste des joueurs non sélectionnés qui avaient reçu une invitation à un camp d’une équipe du circuit Bettman.

Chaque fois, il croyait mériter une chance, mais son nom n’est apparu nulle part.

À sa première année admissibilité au repêchage, à 18 ans, Harvey a terminé sa deuxième saison avec les Huskies de Rouyn-Noranda avec seulement trois défaites en 32 matchs dans un rôle d’auxiliaire à Chase Marchand. Comme pari, on a déjà vu plus risqué, mais aucune équipe n’a osé.

« Avant Noël, ça avait bien été, sauf que je gagnais des matchs 6-4, 4-3 et j’avais un pourcentage d’efficacité assez bas, se rappelait en toute franchise le sympathique gardien samedi. Mais après Noël, ça avait été extraordinaire, j’avais vraiment eu une bonne fin de saison. Chase avait été blessé pendant une dizaine de parties et ça avait fait du bien à mes stats et à ma confiance. Cette année-là, peut-être que si j’avais eu un mois de plus, ou juste cinq matchs de plus, j’aurais pu avoir une invitation. C’est peut-être la fois où je suis passé le plus proche. »

La saison suivante, sa première dans un rôle de numéro 1, Harvey avait affiché une moyenne de buts alloués de 2,62 et un taux d’efficacité de ,900 en 43 départs. Encore une fois, pas d’intérêt en provenance de la LNH.

« J’ai des chiffres qui ont été quand même corrects. C’était pas pire, sauf que j’avais tout le temps, dans mes saisons, des petits creux de vague qui me faisaient vraiment mal », réalise-t-il avec un regard lucide.

Puis à 19 ans, un déclic. L’expression vient de Joël Bouchard, qui a eu le cerbère comme adversaire à l’époque où il était encore l’entraîneur de l’Armada de Blainville-Boisbriand. Sommé d’en expliquer l’origine, Harvey confirme en identifiant Dany Sabourin, l’ancien gardien de la LNH devenu entraîneur chez les Huskies, comme le catalyseur de sa transformation.

« J’ai toujours été un gardien rapide, bon avec mes pieds et tout ça. Sauf que je perdais beaucoup le contrôle. J’essayais de trop en faire, j’essayais d’être trop agressif. Avec [Dany], on a vraiment décidé de calmer mon jeu. Je suis encore un gardien rapide et agressif, mais je suis plus calme. Je suis prêt pour toutes les situations. Avant, je pouvais me sortir d’une situation et ouvrir une ligne de passe de l’autre côté, quelque chose comme ça... Cette année, je suis vraiment plus en contrôle. »

L’ajustement a été payant. Harvey a été tellement dominant l’an dernier que l’état-major d’Équipe Canada junior l’a invité à son camp de sélection final en décembre. En 46 départs de saison régulière, il a affiché un dossier de 30-9-2, une moyenne de buts alloués de 2,10 et un taux d’arrêts de ,930.

« Pour moi, il était l’un des meilleurs joueurs de la LHJMQ », tranche Bouchard, qui côtoie aujourd’hui Harvey dans l’organisation du Canadien. Après avoir été invité au camp de développement de l’équipe en juillet, l’homme masqué originaire du Lac-Saint-Jean tente présentement de faire sa marque au camp des recrues. Vendredi soir, il a donné trois buts aux espoirs des Sénateurs d’Ottawa dans une défaite de 4-0.

« J’ai vécu l’expérience, j’ai vécu un peu c’était quoi la game pro. Pour moi, c’est de l’apprentissage. Jour après jour, je vais devenir meilleur et le match d’hier, c’est un pas dans la bonne direction », s’encourage-t-il.

« Ce n’était pas un test facile pour lui non plus et je trouve qu’il a été excellent », évalue Bouchard.

Aucune garantie

Le Canadien n’a fait aucune promesse à Samuel Harvey en l’invitant à ses activités estivales. Dans un monde idéal, le jeune homme se ferait appeler dans le bureau du boss, où on lui présenterait un contrat et un stylo pour y inscrire sa signature. Une offre arrivée du champ gauche l’inciterait certainement à revoir son plan de retourner à Rouyn comme joueur de 20 ans.

« Si j’ai un contrat, on va s’asseoir ensemble et on va voir c’est quoi leur plan, c’est quoi mon plan. Je suis ouvert à toutes les possibilités », met-il au clair.

Et si jamais la direction du Canadien n’est pas encore tout à fait convaincue, Harvey retournera avec un grand sourire en Abitibi. La région occupe une place spéciale dans son cœur et avec l’arrivée de Mario Pouliot derrière le banc des Huskies, le vétéran se permet de rêver à une sortie sous les confettis.

« J’ai gagné une coupe en tant que deuxième gardien, je veux maintenant en gagner une en tant que premier et j’aimerais le faire à Rouyn. Cette équipe m’a tellement donné que c’est vraiment mon but de pouvoir lui redonner une coupe. »

Parce qu’après tout, que serait une année supplémentaire dans un parcours déjà ponctué de quelques détours.

« Je n’en veux pas aux équipes qui m’ont ignoré dans le passé. Si j’ai à me rendre dans la Ligue nationale, je vais me rendre par un autre chemin. Il y a le chemin de ‘gravel’ qui passe à côté, je vais le prendre, il n’y a pas de problème. Moi je suis drivé pour ça », promet Harvey.​