MONTRÉAL - Parce que son équipe ne générait rien de rien en attaque, parce qu’elle s’acheminait lentement, mais sûrement vers l’affront d’un deuxième jeu blanc consécutif aux mains des Flyers, un blanchissage qui de surcroît allait placer le Canadien à un revers d’une élimination rapide, Kirk Muller a fait ce que tout entraîneur-chef fait lorsqu’il perd patience et confiance à l’endroit de son club.

 

Il a brassé ses trios.

 

Au nombre de combinaisons tentées par Muller, le mot « brassé » n’est pas vraiment suffisant. Car non seulement Coach Kirk a jonglé avec ses trios, mais il s’est aussi permis de clouer des joueurs aussi importants – ou qui devraient l’être – que Brendan Gallagher et Jonathan Drouin sur le banc.

 

Des décisions qui s’expliquent considérant le manque de production de Gallagher et le manque d’implication de Drouin qui a pas mal de la compagnie à ce chapitre tant le Canadien a fait piètre figure, du moins offensivement, lors des deux derniers matchs. Lors de trois des quatre parties disputées jusqu’ici en fait.

 

Car au-delà sa victoire de 5-0 dans le cadre d’une sortie qui a surpris les Flyers et la planète hockey au grand complet, le Canadien s’est contenté de marquer un but dans les trois matchs qu’il a perdus.

 

Rien que ça!

 

Et pour ceux et celles qui n’auraient pas assisté à ces matchs, on parle bien ici d’un but en trois matchs et non d’un petit par match. Ce qui aurait déjà été un peu mieux, mais quand même insuffisant pour s’offrir des chances réelles de victoire.

 

Une patate, ça reste une patate!

 

Je suis convaincu qu’il l’avait déjà réalisé à titre d’adjoint à Claude Julien. Mais plus le match avançait mercredi, plus il était clair que son équipe allait perdre, plus il a semblé évident que Muller réalisait dans son nouveau rôle d’entraîneur-chef par intérim que les permutations apportées aux trios et les tours sautés par les vedettes ne changeaient rien à la réalité du Canadien.

 

Car tu as beau jongler avec tous les joueurs à ta disposition, s’ils sont tous pareils, s’ils sont tous bons quand les choses vont bien, mais qu’ils s’éteignent tous de la même façon quand les choses vont mal, les résultats ne viendront jamais.

Peu importe les permutations.

 

C’est comme des patates : qu’elles soient bouillies, frites, pilées, cuites au four ou rissolées, qu’elles soient tranchées, coupées en dés ou en juliennes, des patates demeurent des patates!

 

Pas question ici de ridiculiser les joueurs du Canadien, les coachs ou les autres membres de l’état-major. Tout ce que cette comparaison implique c’est que peu importe où, et autour de qui, un coach place Drouin, Domi, Armia, Gallagher, Tatar, Lehkonen, Byron et les autres ailiers disponibles, il est condamné à récolter offensivement ce que l’adversaire voudra bien qu’il récolte.

 

Pourquoi? Parce que un à un, les joueurs du Canadien sont à peu près tous pareils. Ou semblables. Trop pareils. Trop semblables. Ils ne sont pas capables de changer le cours d’un match avec ici, une mise en échec percutante, là un gros but.

 

Oui ça arrive de temps en temps. Mais ça arrive rarement quand c’est le temps. Surtout trop rarement quand c’est difficile de faire tourner le cours d’un match.

 

Les Penguins n’ont pas pris le Canadien au sérieux en ronde de qualification. Ils ont ouvert le jeu en se disant qu’ils avaient une meilleure force de frappe et que leur gardien saurait les protéger. Carey Price a volé les Penguins. Matt Murray les a mal protégés. Les Penguins sont en vacances.

 

Les Flyers ont pris congé lors du deuxième match. Ils ont abandonné leur jeune gardien Carter Hart. Le Canadien a gagné facilement, un match qui était facile à gagner.

 

« Ce deuxième match nous a réveillés », a d’ailleurs assuré Philippe Myers, le défenseur acadien des Flyers.

 

Lors du premier match, lors du troisième disputé dimanche, lors du quatrième disputé mardi, il fallait trimer dur pour résister aux poussées des Flyers et encore plus durs pour tenter d’établir un brin d’attaque en zone ennemie. Qu’est-ce qui est arrivé? Le Canadien a fait patate!

 

Le voilà à un revers d’être expulsé de la bulle. D’être évincé des séries.

 

Travail et exécution

 

Alain Vigneault a été très généreux à l’endroit du Canadien après la victoire de ses Flyers mercredi.

 

« Les deux équipes travaillent très fort. C’est intense sur la patinoire. C’est physique. Nous savons que nous devons y aller de deuxièmes efforts pour contrer une équipe très rapide et très talentueuse », que le coach des Flyers a assuré.

 

Je soupçonne Alain Vigneault d’avoir joué un brin ou deux avec la vérité pour éviter d’offrir des munitions au Canadien qui devra trouver une façon de se motiver mercredi soir s’il veut éliminer l’élimination.

 

Une source de motivation que Vigneault aurait pu offrir s’il avait parlé d’une nette domination de son équipe, ou si Carter Hart avait soutenu que son deuxième jeu blanc avait été très facile à signer.

 

Ce que le coach et son jeune gardien n’ont pas fait. Bien sûr.

 

La grande vérité qu’Alain Vigneault a établie lors de son point de presse est que la différence entre la victoire et la défaite dans le cadre de la série opposant son club au Canadien repose sur les notions de travail et d’exécution.

 

« Nous avons apporté quelques changements mineurs à nos trios – Michael Raffl s’est retrouvé avec Sean Couturier et Jakub Voracek – afin d’obtenir un meilleur équilibre. Mais peu importe les ajustements apportés, c’est le travail et l’exécution qui font la différence. »

 

Bien qu’on attende encore l’éclosion des gros attaquants des Flyers, la qualité d’exécution des joueurs d’Alain Vigneault a été de beaucoup supérieure à celle offerte par ceux du Canadien.

 

Car en dépit la discrétion offensive des canons des Flyers, les joueurs de soutien ont su tuer dans l’œuf toutes les poussées du Canadien qui a très rarement été vraiment menaçant dans la défaite de mercredi.

 

Michael Raffl et Robert Hagg ont grandement aidé la cause de Carter Hart en bloquant des frappes de Shea Weber. «Tu espères faire avorter leur attaque avant qu’il n’obtienne une occasion de tirer. Mais quand tu vois Weber s’apprêter à tirer, tu te dis que le coup de canon s’en vient et que tu dois prendre un coup pour le bien de l’équipe», a indiqué Raffl qui a aussi marqué le but de la victoire.

 

« Une chance que la rondelle a frappé mon casque », a ajouté Hagg que Weber a atteint derrière la tête après que son adversaire se soit interposé dans sa ligne de tir.

 

Carter Hart s’est occupé du reste.

 

À l’autre bout de la patinoire, Carey Price a mal paru sur le deuxième but du match. Un cadeau offert à Philippe Myers sur un tir que le gardien du Canadien aurait dû bloquer.

 

Confinés au silence depuis la reprise des activités en raison du brio du gardien du Canadien, les détracteurs de Carey Price ont murmuré quelques doléances après ce vilain but.

 

Il faudrait quand même se garder une petite gêne vous ne trouvez pas. Après les vols qu’il a réalisés aux dépens des Penguins, Price n’a donné que cinq buts en quatre matchs aux Flyers. C’est ce qu’on appelle donner une chance réelle de gagner à son équipe ça.

 

Et si ses coéquipiers avaient trouvé le moyen de marquer ne serait-ce qu’un but mercredi après-midi, on pourrait dire que la générosité de Price à l’endroit de Myers a fait mal.

 

Mais comme le Canadien a été blanchi pour un deuxième match de suite – et pour la cinquième fois dans les neuf derniers matchs des séries opposant les deux équipes, séquence amorcée en finale d’association en 2010 – le cadeau offert par Price n’a rien changé.

 

Qu’arrivera-t-il mercredi soir dans le cadre du cinquième match?

 

Si les Flyers décident de donner de l’espace et du temps au Canadien en prenant les choses trop aisément, le Tricolore marquera quelques buts et donnera l’impression qu’il n’est pas loin de la respectabilité en dépit tout ce qu’on pense, dit et écrit de mal sur lui.

 

Si les Flyers obligent le Canadien à se battre chèrement pour tenter de prolonger la série, les chances du Tricolore seront minces, peu importe le nombre de combinaisons jouées par Kirk Muller à la recherche du gros lot.

 

Et il ne pourra pas même se replier sur l’Extra en guise de consolation...