Trop gâtés par les Dieux du hockey qui leur ont permis de voler une victoire qu’ils ne méritaient pas le moins du monde, vendredi soir, aux dépens des Flames de Calgary, les joueurs du Canadien ont décidé de jouer plus mal encore, samedi, en espérant que deux autres points tombent tout bonnement du plafond du Centre Bell.

Pour être bien honnête, je ne croyais pas possible que le Canadien trouve le moyen d’être plus mauvais contre Ottawa qu’il ne l’avait été contre Calgary.

Je me suis trompé. Royalement!

Le plus inquiétant dans la défaite de samedi contre Ottawa n’est pas que le Canadien ait été blanchi pour la deuxième fois en cinq matchs; pour la quatrième fois cette saison.

Ce n’est pas qu’il ait perdu en temps réglementaire pour la sixième fois à ses neuf derniers matchs.

Ce n’est pas qu’il ait perdu pour cinquième fois en huit parties contre un club dont la seule motivation est de jouer les trouble-fête. Contre un club qui n’a gagné que six fois sur la route depuis le début de la saison dont trois, oui trois, au Centre Bell.

Ce n’est pas qu’il vient de perdre pour une 12e fois en 22 matchs à domicile et qu’il ait encaissé autant de revers en temps réglementaire Centre Bell (10) qu’il a signé de victoires.

Le plus inquiétant, c’est que le Canadien ait joué et perdu dans l’indifférence la plus complète samedi contre Ottawa.

Pas une fois au cours de cette partie, on a senti le Tricolore être fouetté par la gêne, voire la honte, de se faire planter par des petits gars qui n’ont rien d’autre à faire sur la patinoire que de s’y amuser.

Pas une fois dans cette partie, on a vu le coach secouer son club en prenant des décisions susceptibles de rappeler aux joueurs vedettes qu’ils ont des comptent à rendre. Comment diable Jonathan Drouin et Eric Staal ont pu mettre les patins sur la patinoire lors du quatrième avantage numérique du match? Ça me dépasse totalement.

C’était facile d’envoyer Paul Byron au sein du 4e trio pour le remplacer par Corey Perry à la droite de Phillip Danault et Tomas Tatar. Mais hier, il fallait un coup de barre plus senti de la part du coach pour redresser les choses un brin ou deux. Ou trois!

Je sais que Dominique Ducharme occupe une position inconfortable à titre d’entraîneur-chef par intérim. Mais s’il veut se donner la chance d’utiliser cet intérim comme tremplin pour obtenir le poste à temps plein, il ne peut rester impassible devant autant d’indifférence de la part de ses joueurs.

Car un coach qui reste impassible devant autant d’indifférence donne l’impression de cautionner une telle indifférence.

Et ça, c’est dangereux.

Claude Julien a été congédié après un revers aux mains des Sénateurs le 23 février dernier. Un revers de 5-4 encaissé en tirs de barrage. Un revers beaucoup moins gênant que celui encaissé samedi au Centre Bell.

Pas question ici de réclamer la tête de Ducharme. Mais si Julien a été congédié alors que son club avait récolté 22 points sur les 36 à l’enjeu (9-5-2-2), Ducharme ne peut se permettre de laisser son club s’enliser comme il l’a fait lors des deux derniers matchs. Il ne peut accepter – ou donner l’impression qu’il accepte – de jouer pour ,500 et des poussières (10-9-4-1).

Où sont Price et Weber?

Avec Carey Price de retour après une absence de six matchs, on s’attendait à mieux de tout le monde. À commencer du gardien qui, il me semble, devait afficher au moins un brin d’entrain devant sa cage.

Je n’ai pas blâmé Price pour le premier but des Sens alors que le grand défenseur Artem Zub s’est retrouvé fin seul dans l’enclave d’où il a décoché un bon tir qui a surpris Price sur le côté du bouclier.

Surtout qu’après ce but, Price a connu ses meilleurs moments avec trois ou quatre arrêts solides de suite.

Mais sur le deuxième but, peu importe le très haut niveau de responsabilité de Byron et Shea Weber à l’autre bout de la patinoire, Price ne peut être surpris entre les jambes comme il l’a été.

Le troisième? Ce sont surtout Weber, Ben Chiarot, Danault et Artturi Lehkonen qui encadraient Drake Batherson campé dans l’enclave pendant une attaque massive des Sens qui devraient s’en vouloir. Comment diable ces quatre joueurs ont pu se contenter de regarder tirer dans la lucarne alors qu’ils étaient à une longueur de bâton de pouvoir intervenir?

Peu importe son niveau de responsabilité, Price a accordé trois buts sur 14 tirs. Le quatrième but est venu sur le 15e tir décoché vers une cage déserte.

Accorder quatre buts sur 15 tirs, c’est gênant! Et pas juste pour le gardien qui est le seul à écoper – et chèrement à part ça – sur le plan statistique après une telle défaite.

Je veux bien croire que le Canadien disputait un deuxième match en moins de 24 heures.

Mais quand même. Où était la fierté? Où était le leadership? Cette fierté et ce leadership n’étaient pas sur la patinoire alors que le Canadien jouait comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Weber n’est pas l’ombre de lui-même. Ça saute aux yeux. Et s’il semble se retenir pour décocher de solides tirs frappés et que ses rares tentatives frappent plus souvent ses coéquipiers que la cible, Ducharme a assuré que son capitaine n’était pas blessé. Du moins que rien ne l’empêchait de décocher des tirs frappés.

Je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne nouvelle cela dit.

Si Weber ne peut jouer à la hauteur de sa réputation, il doit malgré tout offrir la dose de leadership nécessaire pour venir à bout de l’indifférence affichée samedi.

Une indifférence qui semble se propager depuis que Brendan Gallagher est tombé au combat. Comme quoi ce diable de petit Gallagher est vraiment le cœur et l’âme de cette équipe.

Dommage que les gradins n’étaient pas remplis samedi. À défaut de puiser dans leur fierté pour offrir un meilleur effort, à défaut de pouvoir compter sur du leadership capable de secouer des joueurs qui semblaient avoir grand besoin d’être secoués, la foule aurait pu donner aux joueurs du Canadien ce qu’ils méritaient.

C’est à dire des huées tellement nourries qu’elles auraient résonné dans l’avion à bord duquel le Canadien a effectué l’envolée en direction d’Edmonton toujours juste après cet autre match affreux, cette autre défaite affreuse.

Pinto et les autres

Pendant que le Canadien tarde à faire une place à Cole Caufield au sein de sa formation – un rappel qui n’est pas aussi simple qu’il en a l’air comme je l’explique dans la chronique suivante – les Sénateurs ouvrent toutes grandes les portes de leur vestiaire et celles donnant accès à la patinoire à leurs jeunes.

Samedi après-midi, c’était au tour de Shane Pinto de donner ses premiers coups de patin dans la LNH.

Choix de deuxième ronde (32e sélection) au repêchage de 2019, Pinto a terminé tout juste derrière Caufield dans la course au trophée Hobey Baker remis au joueur de l’année dans les rangs universitaires américains.

Pinto n’a pas raté sa rentrée : en 15 présences totalisant 9 min 24 s d’utilisation, l’Américain de 20 ans a récolté une passe, il a volé trois rondelles aux joueurs du Canadien, a gagné quatre des six mises en jeu qu’il a disputées et s’est signalé par la qualité d’ensemble de son jeu.

« Son sens du hockey sautait aux yeux du début à la fin de la partie », a souligné avec fierté l’entraîneur-chef D.J. Smith après la victoire. À son premier match en carrière, Pinto a même passé plus d’une minute sur la patinoire pour éteindre l’attaque massive du Canadien.

Pinto était l’un des six joueurs âgés de moins de 22 ans – Brady Tkachuk, Josh Norris, Tim Stützle, Erik Brannstrom et Alex Formenton sont les autres – dans l’uniforme des Sénateurs samedi. L’un des huit – ajoutez les noms de Drake Batherson et Victor Mete – âgés de moins de 23 ans. Une liste à laquelle on peut ajouter le nom de Jacob Bernard-Docker (20 ans) qui a suivi la rencontre des gradins après avoir disputé un premier match en carrière mercredi contre les Jets.

Malgré leur âge et leur manque d’expérience, ce sont les jeunes Sénateurs qui ont affiché le plus de maturité samedi.

Surtout en troisième période alors que tirant de l’arrière 0-2, on croyait le Canadien toujours en mesure de marquer rapidement pour déstabiliser ses jeunes adversaires et orchestrer une remontée gagnante.

Erreur!

« Nos joueurs m’ont grandement impressionné par la maturité affichée en troisième période. Lors de notre dernier match, mercredi, à Ottawa, les Jets nous ont complètement emboités en troisième période. Ils ont marqué le but qui leur a donné la victoire et nous ont neutralisés. Ce soir, nos gars ont fait subir au Canadien ce qu’ils ont subi face aux Jets. Ils ont joué du gros hockey pour empêcher une très bonne équipe de revenir dans le match », a louangé l’entraîneur-chef des Sens.

Bon! Pas sûr que le Canadien a joué comme une très bonne équipe. Mais on ne reprochera certainement pas à Smith de vouloir auréoler la performance de son équipe de quelques superlatifs bien choisis.

À Ottawa, Smith mousse l’utilisation de ses jeunes joueurs parce qu’il a le mandat de les développer afin de faire des Sénateurs un club qui gagnant dans quelques années.

À Montréal, Ducharme gère un club qui doit non seulement se rendre en séries, mais doit y connaître du succès.

C’est différent. Mais si le Canadien mise sur l’expérience à défaut de miser sur la jeune – exception faite de Nick Suzuki, Jesperi Kotkaniemi et Alexander Romanov – il est crucial de s’assurer que cette expérience serve positivement la cause de l’équipe.

Depuis quelques matchs, depuis trop de matchs, cette expérience a l’effet d’un boulet à la cheville de l’équipe. Elle ralentit le club au lieu de le hisser au classement.

Oui il y a eu cette première partie de Staal. Cette première partie au cours de laquelle il a marqué le but gagnant en prolongation et au cours de laquelle les autres « petits vieux » du club, Weber et Perry, ont connu un fort match eux aussi.

Mais depuis cette partie : les petits vieux sont devenus bien vieux. Très vieux. Trop vieux!

Avec les conséquences qu’on connaît.

Entre les lignes

-Le Canadien affiche des dossiers gagnants contre seulement deux de ses six adversaires de la division canadienne : 4-1-0-0 contre Edmonton, et 6-0-1-1 contre Vancouver. Pour le reste : 3-3-1-1 contre Ottawa, 2-3-1-0 contre Toronto, 2-3-3-0 contre Winnipeg, 2-4-0-0, contre Calgary...

-Avec sa performance de deux buts et une passe samedi, Batherson affiche cinq buts et 11 points en huit duels contre le Canadien cette saison...

-Complice sur deux des quatre buts de son équipe, Tkachuk affiche quatre buts et sept points en huit matchs contre Montréal cette année...

-À sa deuxième sortie après une absence de 14 parties en raison d’une blessure, Matt Murray a signé son premier jeu blanc dans l’uniforme des Sénateurs, son 12e en carrière. Des 23 arrêts qu’il a réalisés, Murray s’est dressé devant Drouin qui a obtenu une occasion en or en fin de première période après un revirement des Sénateurs en sortie de zone...

-L’attaque massive des Sénateurs a marqué dans un quatrième match de suite (4 en 13). Les Sens ont d’ailleurs marqué au moins un but en supériorité numérique dans sept de leurs neuf derniers matchs (7 en 25)...

-Inversement, l’attaque à cinq du Canadien en arrache. Blanchie en quatre occasions samedi, elle n’a donné qu’un but en 19 occasions lors des huit derniers matchs et seulement deux filets en en 31 occasions lors des 11 dernières parties...

-Le Canadien devrait s’entraîner à Edmonton dimanche à la veille de son sixième match de la saison contre les Oilers. Après avoir muselé Connor McDavid et Leon Draisaitl comme il a réussi à le faire lors des cinq premiers matchs, le Canadien est mieux d’être sur ses gardes lundi. Car un moment donné, ils vont se venger...

Bon dimanche!