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TORONTO - Le Canadien devait remplir trois conditions gagnantes pour s’offrir des chances de surprendre les Maple Leafs dans le cadre du premier match de la série opposant les grands rivaux de Montréal et Toronto.

Il avait besoin que Carey Price joue comme le Carey Price qui intimide l’adversaire avec des arrêts solides et difficiles qu’il semble réaliser avec une aisance déconcertante quand il est au sommet de sa forme. Il avait besoin du « vrai » Carey Price et non de celui qui mine la confiance de ses coéquipiers en accordant un vilain but ici et deux autres là et en se dressant nonchalamment devant la cage qu’il défend. Un Carey Price qu’on a vu trop souvent devant le filet du Tricolore la saison dernière.

Il avait besoin que Shea Weber et la défense soient agressifs et efficaces pour réduire au minimum les risques de voir Auston Matthews et Mitchell Marner combiner leurs efforts pour remplir le filet.

Il avait aussi besoin que les quatre trios offrent du hockey de grande qualité aux deux bouts de la patinoire. Autant en matière d’implication que d’exécution.

Sans que cela soit une obligation, gagner la bataille des unités spéciales représentait aussi une très bonne idée.

Le Canadien a rempli ces trois conditions. En prime, il a gagné la bataille des unités spéciales. Bon! Il n’a pas été fort en attaque massive. Vraiment pas alors qu’il a bousillé les cinq avantages numériques que les Leafs lui ont offerts, dont trois, en dégageant la rondelle directement dans les gradins. Mais les Leafs n’ont pas été beaucoup meilleurs. En plus, Paul Byron a marqué un but sensationnel lors du troisième des quatre « Power Play » offerts aux Leafs. Un but qui redonnait les devants 2-1 au Canadien. Un but qui a finalement confirmé la victoire.

Tout cela explique pourquoi Carey Price et ses coéquipiers se réveillent avec une avance de 1-0 dans une série qui sera peut-être un brin ou deux plus longues que plein de partisans et de détracteurs du Tricolore l’anticipaient.

Avec les 35 arrêts qu’il a multipliés du début à la fin du match, des arrêts solides, difficiles et quelques-uns sensationnels comme celui aux dépens de Mitch Marner qu’il a réalisé sur un déplacement rapide et efficace vers sa droite en troisième période au terme d’une descente menaçante à deux contre un des Leafs, Carey Price a effacé la grande majorité des doutes – et ils sont nombreux – qu’il a lui-même soulevés au cours de la dernière saison. 

Des doutes que sa sortie dans l’uniforme du Rocket dans le cadre de ce qui n’était pourtant qu’un entraînement avait amplifiés 48 heures avant d’effectuer son retour de la cage du grand club.

Avec ses arrêts, bien sûr, avec son implication dans la gestion de la rondelle en fond de territoire du Canadien, avec l’attitude qu’il affichait dès les premiers arrêts qu’il a effectués lors de la période d’échauffement, Price a dominé la rencontre comme cela faisait très longtemps, peut-être même trop, qu’il ne l’avait fait.

Et il devra le faire encore pour que cette victoire soit plus qu’une simple anecdote ou une erreur de parcours dans cette série face aux Leafs qui s’annonce vraiment intéressante.

Anderson donne le ton

Carey Price et ses coéquipiers ont étourdi les Leafs jeudi soir. Le premier avec ses arrêts nombreux. Les autres avec le jeu soutenu, rapide, incisif et physique qu’ils ont imposé dès la mise en jeu initiale. 

Ce ton, c’est Josh Anderson qui l’a donné alors qu’il a profité du fait qu’il a amorcé la rencontre en compagnie de Phillip Danault et Brendan Gallagher pour frapper rondement Mitchell Marner avec la première des 28 mises en échec distribuées par le Tricolore au cours de la seule première période. Des 55 coups d’épaule assénés au fil de la rencontre.

L’aspect physique n’est pas toujours un gage de succès pour le Canadien. Le Tricolore a d’ailleurs perdu 25 des 35 matchs (10-17-5-3) qu’il a disputés cette année au cours desquels il a frappé l’adversaire plus souvent qu’il n’a été frappé.

Mais jeudi, les 55 coups d’épaule assénés – un sommet cette saison – étaient bien plus qu’une simple statistique que le Canadien tentait de mousser. Ils témoignaient une volonté de s’imposer physiquement pour maximiser les chances de victoire. Avec les résultats obtenus.

Anderson ne s’est pas contenté de donner le ton physiquement. Il l’a aussi donné par son implication et la vitesse affichée à chacune de ses présences. C’est d’ailleurs grâce à cette vitesse qu’il a filé entre deux défenseurs des Leafs pour ensuite déjouer Jack Campbell et marquer le premier but du match, le premier de la série. Un but qui lui revenait de plein droit. Meilleur joueur du Canadien avec Price, Anderson n’a pas marqué ensuite. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé alors qu’il a généré quelques très bonnes occasions de marquer.

ContentId(3.1389290):LNH : Scène très inquiétante, Tavares frappé durement à la tête (hockey)
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Tavares en détresse

Secoués rondement par le Canadien, les Leafs ont aussi été perturbés par la perte de John Tavares. 

Initialement mis en échec aux côtes par Ben Chiarot, le capitaine des Leafs a essuyé un impact terrible à la tête lorsque le genou de Corey Perry a heurté violemment son casque alors qu’il tentait de se relever.

Tavares s’est alors retrouvé en situation de détresse sur la patinoire. Quelques coéquipiers d’abord, puis les soigneurs, ensuite les médecins des deux équipes et les ambulanciers sont venus à son secours. Au cours de cette intervention qui a duré plusieurs minutes, on a craint le pire pour Tavares.

Le capitaine a offert un signe encourageant en soulevant le pouce alors qu’il était évacué de la patinoire sur une civière avant d’être conduit à l’hôpital pour y être examiné.

« Les nouvelles sont positives. John est conscient. Il communique avec le personnel médical. Les examens effectués jusqu’à maintenant n’ont rien révélé de grave. Il passera la nuit à l’hôpital par mesure préventive et nous en saurons plus au cours des prochaines heures », a indiqué l’entraîneur-chef des Leafs Sheldon Keefe après la défaite de son équipe.

Foligno défend Tavares et sa réaction

Bien que le coup porté par Corey Perry était totalement accidentel, Nick Foligno – qui évoluait à la gauche de Tavares au sein du deuxième trio des Leafs – a jeté les gants devant Corey Perry dès la reprise du jeu.

C’était orchestré : après que Tavares eut quitté la patinoire, Foligno est allé voir Perry et a même « négocié » avec Shea Weber alors qu’il semblait justifier le fait qu’il devait venir à la défense de son capitaine. 

Perry qui avait déjà les gants au bout des doigts avant que la mise en jeu soit déposée a accepté ce duel aussi absurde qu’inutile. Car non seulement Foligno est loin d’avoir secoué le gros attaquant du Canadien, mais en plus, il a privé les Leafs des deux tiers du deuxième trio pendant cinq minutes.

Après le match, Nick Foligno a mis autant d’énergie à défendre sa décision de se battre avec Corey Perry qu’il en a mis lors du combat. « Le geste de Perry n’était pas intentionnel. Du moins, je ne crois pas. Mais ça ne change rien. Je n’avais pas d’autre choix. Notre capitaine venait d’être blessé. Il avait passé de longues minutes sur la patinoire. Ces images me donnaient des hauts le cœur. Je devais répliquer. Nous sommes en séries. Nous formons une famille. Quand une chose comme ça arrive en séries, tu n’as pas le droit de reculer. Je crois vraiment que c’était la bonne décision. Il fallait régler ça tout de suite et quelqu’un chez le Canadien aurait fait la même chose si c’était leur capitaine qui s’était retrouvé étendu sur la patinoire », a plaidé Foligno.

Au-delà cette plaidoirie un brin ou deux préhistorique, Foligno a reconnu que lui et ses coéquipiers avaient toutefois raté la meilleure façon de venger Tavares : soit en lui offrant une victoire.

Combien de temps le capitaine des Leafs sera à l’écart en raison de ce qui a toutes les allures d’une très sévère commotion cérébrale? Combien de matchs ratera-t-il?

Les réponses à ces questions viendront plus tard. Mais les Leafs ont du renfort disponible. « C’est une très grosse perte pour nous, c’est clair, mais nous devrons composer avec cette situation et demander à un de nos joueurs de venir en relève. Peu importe qui ce sera, il faudra que collectivement nous soyons meilleurs lors du prochain match que nous l’avons été ce soir », a ajouté Sheldon Keefe.

Les Leafs ont perdu. C’est vrai. Mais ils sont loin d’avoir disputé un mauvais match. Déstabilisés par un début de rencontre endiablé du Canadien et par la perte de leur capitaine, ils ont ensuite connu une très bonne période médiane qu’ils ont passé pratiquement au complet en zone du Tricolore. Ils ont aussi été solides en troisième.

« Nous sommes déçus du résultat, mais devons quand même être satisfaits de la façon dont on a joué », a indiqué Mitch Marner après le match au cours duquel il a réussi cinq tirs sur les huit qu’il a tentés. Son centre Auston Matthews a été meilleur encore avec huit tirs cadrés sur les 13 décochés.

Outre les très gros arrêts réalisés par Price à ses dépens, Auston Matthews a aussi frappé la barre transversale au cours d’une des quatre attaques massives bousillées par les Leafs.

Blanchis en quatre occasions, les Leafs ont quand même obtenu 11 tirs au but. Le Canadien devra donc afficher plus de discipline. Car bien qu’ils aient fait chou blanc jeudi et qu’ils se soient contentés de six buts en 73 occasions lors des 29 derniers matchs de la saison régulière (8,2 % d’efficacité), les Leafs ont les moyens d’exploser à tout moment.

Solides performances

Les images terrifiantes de la blessure subie par John Tavares et les images très peu édifiantes de la vengeance orchestrée par Foligno marquent le premier match de la série.

Elles portent aussi ombrage à de solides performances individuelles chez le Canadien. Bien que Paul Byron ait marqué le but de la victoire alors que son équipe se défendait à quatre contre cinq, Phillip Danault et Artturi Lehkonen ont disputé des matchs impressionnants en défense. Autant lors des pénalités qu’ils ont contribué à écouler qu’à cinq contre cinq.

Danault s’est aussi distingué en gagnant 15 des 27 mises en jeu qu’il a disputées. Il a été particulièrement solide en fin de match alors qu’il a été confronté à Jason Spezza. Le Québécois et Lehkonen se sont vraiment distingués en fin de rencontre alors que le Canadien se défendait contre six patineurs de Leafs après le rappel de Jack Campbell au banc.

Shea Weber a disputé un match solide à son retour au jeu. Il a réalisé quelques bons jeux défensifs pour aider la cause de son gardien et il a obtenu quelques très bons tirs frappés en zone ennemie.

Au sein d’un duo complété par Jon Merrill, le capitaine et son nouveau partenaire ont offert de bonnes performances dans l’ensemble.

Eric Staal a disputé son meilleur match depuis qu’il s’est joint au Canadien. Il a contribué au but de son nouveau compagnon de jeu Josh Anderson, mais a aussi été plus efficace dans le seul match de jeudi que dans toutes les rencontres de saison régulière qu’il a disputées réunies.

Au lendemain du premier match, personne ne peut reprocher à l’état-major de l’avoir préféré à Jesperi Kotkaniemi.

Nick Suzuki – 12 mises en jeu gagnées sur les 23 disputées – a aussi eu fort à faire contre les gros centres de Leafs surtout après que Jake Evans eut quitté la rencontre en raison d’une blessure subie à une jambe alors qu’il a été atteint par un tir.

Il sera intéressant de voir si Evans sera en mesure de disputer le prochain match. Car s’il doit déclarer forfait, son absence ouvrira la porte à Jesperi Kotkaniemi ou Cole Caufield.

Les insuccès du Canadien lors de ses cinq attaques massives ont attisé les critiques associées à l’absence de Caufield au sein de la formation pour le premier match.

Vrai que Caufield serait particulièrement utile dans ces situations. Mais bien qu’il n’ait pas marqué sur les sept tirs obtenus jeudi, c’est bien davantage par son incapacité de pénétrer en zone ennemie et de s’y installer que par des occasions ratées que le Canadien s’est tiré dans le pied lors du premier match.

On verra quels ajustements seront apportés en vue de la deuxième partie alors que le Canadien aura la chance de prendre les devants 2-0 dans la série.

D’ici là, on peut lancer sans risque de se tromper que Carey Price et ses coéquipiers ont rassuré ceux et celles qui croyaient en leurs chances de surprendre les Maple Leafs en première ronde des séries.

Qu’ils ont soulevé des doutes chez ceux et celles qui croyaient que cette première ronde n’était qu’une formalité tant les Leafs sont supérieurs au Canadien... du moins sur papier.

Et en prime, ils ont forcé au silence tous les autres qui claironnaient que le Tricolore serait balayé en quatre petites parties.

Pas question ici de partir en peur au lendemain d’une première victoire. Car cette série est loin d’être terminée. Mais il faut reconnaître que le Canadien l’a très bien amorcée. C’est au moins ça de gagné...