Quand André Savard a succédé à Réjean Houle dans le fauteuil de directeur général du Canadien, il a tôt fait de constater que le talent mis à sa disposition n'allait pas lui permettre d'accomplir des miracles. Financièrement, l'organisation roulait dans le rouge. Elle n'avait pas les moyens de se payer quelques hauts salariés.

Saku Koivu et Oleg Petrov étaient les deux premiers marqueurs de l'équipe avec une maigre récolte de 47 points chacun. Suivaient dans l'ordre dans la colonne des marqueurs Brian Savage, Richard Zednik, Martin Rucinsky, Patrice Brisebois, Chad Kilger et Craig Darby. Dans son for intérieur, Savard savait qu'il ne pouvait pas aller à la guerre avec si peu de munitions.

L'équipe venait de rater une participation aux séries pour une troisième saison de suite. C'était une période au cours de laquelle la clientèle du Canadien avait très peu d'occasions de se réjouir. Justement, Savard s'est inquiété de la réaction des amateurs. Il fallait lui offrir le plus rapidement possible une tête d'affiche capable de faire oublier les carences de l'équipe et de créer un peu d'excitation dans le Centre Bell. Un spécialiste du recrutement, il a imaginé le seul scénario pouvant lui permettre de concrétiser cette ambition. Il lui fallait porter le grand coup en essayant de convaincre les Thrashers d'Atlanta de lui céder leur premier choix, le tout premier de la ligue, en 2001.

Il a talonné leur directeur général Don Waddell. Il est revenu plusieurs fois à la charge. Il n'y est pas arrivé, mais Waddell lui a confirmé que de tous les directeurs généraux qui lui avaient fait des propositions dans l'espoir de lui arracher son premier choix, il est celui qui lui avait fait l'offre la plus intéressante.

«Nous avions vraiment besoin d'un joueur excitant durant cette période difficile. C'était assez évident que Ilya Kovalchuk, premier choix assuré, allait devenir une grande vedette,» explique l'ex-directeur général aujourd'hui à l'emploi des Penguins à titre de recruteur professionnel.

En 2001, les deux meilleurs joueurs disponibles étaient Kovalchuk et Jason Spezza. Au deuxième rang, Spezza a été réclamé par les Sénateurs d'Ottawa.

Savard a offert aux Thrashers le défenseur Ron Hainsey, l'attaquant Marcel Hossa, un échange de premiers choix (celui du Canadien était le septième de la ligue) et le gardien Mathieu Garon. Waddell exigeait plutôt José Théodore.

Si André Savard lui avait cédé Théodore, Kovalchuk, qui a connu jusqu'ici sept saisons de 37 buts et plus, dont deux récoltes de plus de 50 buts, serait-il devenu assurément un Canadien?

André Savard

«Je n'y ai pas pensé une seule seconde, rappelle-t-il. José était notre gardien numéro un. Or, on n'échange jamais un gardien numéro un. J'ai essayé de rendre ma proposition la plus intéressante possible pour Waddell. Hainsey pouvait avoir de l'attrait pour lui parce qu'il était Américain. Hossa et Hainsey avaient été les choix de première ronde du Canadien la saison précédente et, en vertu d'un échange de nos choix durant cette première ronde, Weddell avait la possibilité d'obtenir trois joueurs sélectionnés en première ronde.»

Savard était donc prêt à céder quatre joueurs en retour du premier choix d'Atlanta. Considérant ce qui s'est passé depuis, Hainsey, Hossa, Theodore et un premier choix en retour de Kovalchuk lui auraient sans doute permis de réaliser la plus éclatante transaction de sa brève carrière de directeur général.

Heureusement, dès la saison suivante, Théodore a répondu avec une saison phénoménale qui lui a valu de mériter les trophées Hart et Vézina, un double exploit digne de Jacques Plante. Savard n'a pas tout perdu parce que le joueur excitant qu'il cherchait à ajouter au Canadien, il l'avait déjà dans sa formation.

N'empêche que le Canadien n'a jamais mis la main sur un attaquant aussi excitant que Kovalchuk depuis cette tentative ratée de Savard. L'ancien directeur général, qui sera l'invité de L'antichambre ce soir, pourra peut-être élaborer là-dessus.

Monsieur Gauthier

Pierre Gauthier en était déjà à sa deuxième présence sur la passerelle du Centre Bell, samedi, à l'occasion du match contre les Flyers. On ne croyait jamais voir ce citoyen du Vermont se pointer aussi rapidement en ville. Faut croire que les Blackhawks de Chicago, dont il est le directeur du personnel des joueurs, lui ont préparé un itinéraire pas toujours agréable. À moins que Gauthier ait suffisamment de front pour désirer retourner aussi tôt dans un édifice où il s'est fait montrer la porte.

Je me demande ce qui lui trottait dans la tête quand il avait les yeux rivés sur la patinoire. L'équipe qu'il a vue plonger en 15e place sous sa gouverne, est méconnaissable quelques mois à peine après son départ. L'atmosphère est moins lourde, les joueurs travaillent avec plus d'entrain et les dirigeants, qui chapeautent maintenant l'organisation, laissent leurs soldats respirer et s'exprimer.

Gauthier, lui, n'a pas changé d'un iota. Toujours aussi distant, aussi hermétique et aussi peu enclin à faire la conversation. Lors de sa première visite, il avait refusé toute forme d'entrevue. Samedi, personne ne lui a rien demandé.

Dans les circonstances, qu'aurait-il pu dire, sinon de rendre hommage à son successeur?

Si jamais le Canadien connaît une saison à l'image de son départ et parvient à se glisser dans les séries éliminatoires, le séjour soporifique de Gauthier à la tête de l'équipe ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

Pascal ne change pas

Il y a longtemps qu'on attend un combat comme celui-là. Jean Pascal et Lucian Bute, les plus belles bêtes de la boxe locale, vont faire un malheur quand cela se produira. Ces deux ex-champions pourraient éventuellement reprendre leur titre mondial, mais d'ici là, ils pourraient remplir le Centre Bell jusqu'au plafond. Il me semble qu'on voit un peu grand avec le Stade olympique, mais bon, ça les regarde.

L'un est populaire, l'autre l'est moins. Compte tenu de son parcours, Pascal doit parfois se demander ce qu'il doit faire pour avoir le public montréalais massivement de son côté. Il a son style. Il a une grande gueule. C'est de cette façon qu'il a choisi de se vendre. C'est correct, mais ça lui coûte des partisans.

Ce qui l'est moins, c'est quand Pascal manque de respect envers Bute comme il l'a fait quand on lui a appris qu'un combat entre les deux était sur la table. «Bute devra prendre un numéro», a-t-il dit.

C'était tellement irrespectueux comme réaction. Quand Pascal courait après Bute pour qu'il l'affronte, avez-vous déjà entendu le boxeur d'InterBox lui conseiller de prendre un numéro? Il ne serait jamais venu à l'esprit de Bute de le dire.

C'est une chose que d'être fort en gueule. C'en est une autre que de savoir s'en servir.