Comme plusieurs observateurs et partisans, l'ancien défenseur et directeur général du Canadien Serge Savard a été déçu de voir Montréal ne repêcher aucun Québécois au sein d'une cuvée de la LHJMQ pourtant bien garnie lors du dernier repêchage.

En entrevue au 5 à 7, le membre du Temple de la renommée – qui a toujours priorisé le recrutement de joueurs québécois lors de son règne comme DG du Canadien de 1983 à 1995 – a dénoncé une négligence ou une mauvaise foi du directeur général Marc Bergevin et du recruteur en chef Trevor Timmins face aux espoirs québécois. Selon lui, Timmins n'est pas animé par la même fibre qui le poussait à se tourner souvent vers la LHJMQ à l'époque.

« Pour Trevor Timmins, amener un gars de Rimouski, ce n'est pas plus important que Moose Jaw. Il n'a pas la fibre que moi j'avais.

« C'est très très très décevant, a ajouté Savard au sujet du dernier repêchage. Ce n'est pas parce qu'ils ne le savent pas et qu'ils ne se le font pas fait dire. C'est presque volontaire ce qu'ils ont fait. C'est un avantage que le Canadien a par rapport à la LHJMQ. Surtout dans mon temps, peut-être un peu moins aujourd'hui, on sous-évaluait tellement la LHJMQ que ça nous donnait un avantage. Des gars comme Claude Lemieux ou Stéphane Richer, que je suis allé chercher en deuxième ronde, auraient dû être cotés en première ronde. Ou encore Patrick Roy en troisième ronde, ça n'a aucun bon sens. »

Savard s'est rappelé à quel point la présence des Nordiques de Québec a mis de la pression sur le Tricolore pour renouveler sa banque de joueurs québécois lorsqu'il est devenu DG. Il doute que le CH aurait snobé autant le Circuit Courteau si Québec détenait toujours une équipe de la LNH.

« Quand je suis arrivé avec le Canadien, les Nordiques de Québec devenaient l'équipe du Québec. On s'est dit que le Canadien était l'équipe du Québec, on ne les laissera pas faire. On est alors allé chercher tout le talent qu'il y avait au Québec et on ne s'est pas trompés, on a gagné avec ça », s'est rappelé Savard en soulignant les conquêtes du Canadien en 1986 et 1993.

Savard, qui a participé au processus d'embauche de Marc Bergevin par le Canadien en 2012, se souvient pourtant lui avoir souligné l'importance de recruter des Québécois.

« Je lui ai dit, mais j'imagine qu'il ne m'a pas écouté. Je lui ai dit 'le peuple va te laisser gagner en anglais, mais il ne te laissera pas perdre en anglais'. »

Savard est d'ailleurs critique envers la feuille de route de Bergevin lors des repêchages depuis son arrivée en constatant que bien peu de joueurs issus du repêchage évoluent actuellement avec l'équipe.

« Quand on dit qu'on va bâtir par la base, ça c'est un échec total. L'an passé, seulement quatre joueurs sur l'équipe ont été repêchés par Marc Bergevin : KK, Lehkonen, Mete et Fleury. Et Mete et Fleury seront peut-être des joueurs de la Ligue américaine l'année prochaine. »

Savard voit d'un plus bon oeil les dernières acquisitions du Canadien, les robustes marqueurs Josh Anderson et Tyler Toffoli.

« Je pense que c'est très positif. Une chose que j'ai reprochée au Canadien ces dernières années, c'est d'être la plus petite équipe de la LNH. Sur ce côté-là, je pense qu'ils ont écouté Petry, qui avait dit qu'il était tanné. Je pense qu'on a grossi l'équipe et que c'est une bonne affaire. »

« Une cicatrice que ne sera jamais complètement guérie »

Sur une autre note, Savard n'a toujours pas oublié son congédiement, survenu il y a 25 ans.

« T'es pas obligé de sortir ces mauvais souvenirs-là », a-t-il lancé à la blague avant d'entrer dans le vif du sujet.

« C'est une cicatrice qui ne sera jamais complètement guérie, reconnaît-il. J'ai gagné la Coupe Stanley 18 mois avant et un mois avant mon congédiement, j'ai eu une rencontre avec Ronald Corey et je lui avais dit que j'avais un club pour gagner la Coupe Stanley. Aussitôt après mon départ, on s'est mis à faire des échanges et on a changé le caractère de l'équipe. [...] L'équipe ne s'est pas remise de ça. »