MONTRÉAL - À 20 h 24 samedi, lorsque l’arbitre Gord Dwyer a déposé la rondelle entre Phillip Danault et Sidney Crosby pour lancer la série Montréal-Pittsburgh, la pression de gagner reposait uniquement sur les épaules des Penguins.

 

Lundi soir lorsque la mise en jeu donnant le coup d’envoi au deuxième match sera déposée, la pression sera encore plus grande sur les Penguins.

 

Pourquoi?

 

Parce que le Canadien qui n’a rien à perdre dans ce duel inégal a fait, samedi, ce qu’il devait faire pour mousser ses chances de faire mentir tout le monde. Non seulement il a battu les Penguins 3-2 grâce à un but de Jeff Petry en première période de prolongation, mais il a surtout déstabilisé ses adversaires qui passeront les deux prochains jours à se dire que non seulement ils auraient pu battre le Canadien samedi, mais qu’ils auraient dû gagner.

 

Vrai que les Penguins auraient pu gagner. Mais quand tu gaspilles autant d’occasions que les Penguins en ont gaspillées samedi soir, il est difficile de prétendre que tu aurais dû gagner.

 

Avec la force de frappe offensive dont ils disposent, les Penguins devaient faire mieux que se contenter d’un but en sept attaques massives. Surtout qu’ils ont amorcé la troisième période avec un surnombre de deux hommes pendant 92 secondes. Quatre-vingt-douze secondes qu’ont suivi du cachot Phillip Danault et Ben Chiarot. Deux joueurs très importants pour le Canadien lorsque vient le temps de se défendre à court d’un homme... ou de deux.

 

Avec la force de frappe dont ils disposent, les Penguins auraient dû capitaliser sur quelques-unes des très bonnes occasions qu’ils ont générées dans les premiers instants du match. Après cinq minutes, Pittsburgh aurait pu être en avant par un ou deux buts.

 

Mais c’est le Canadien qui s’est retrouvé en avant. Et pas seulement pas un but, mais bien par deux.

 

Comment?

 

Carey Price a joué un rôle de premier plan tout au long de la rencontre. Mais surtout dans les premières minutes de la rencontre.

 

Je sais, la comparaison est facile. Mais elle est inévitable. Confiné à un rôle de spectateur il y a dix ans alors que Jaroslav Halak a grandement contribué aux éliminations surprises des Capitals de Washington d’abord et des Penguins de Pittsburgh ensuite, Carey Price donnait l’impression hier de vouloir revivre le printemps Halak en le rebaptisant : l’été Price.

 

Très solide du début à la fin de la rencontre, fumant par moment, en plein contrôle, affichant cette forme d’intimidation qui le caractérisait lorsqu’il a gagné (2014-2015) les trophées Hart, Lindsay, Vézina en plus de partager le Jennings, Price a bloqué 39 des 41 tirs des Penguins.

 

Il aurait pu en ajouter un important en fin de rencontre lorsque Connor Sheary a obtenu un tir de pénalité. Mais bon! Price n’a pas eu à faire de miracle sur le jeu puisque Sheary a tiré à côté de la cible.

 

A-t-il été intimidé en fonçant vers le gardien du Canadien? Je ne sais pas.

 

Ce que je sais toutefois, c’est que les arrêts multipliés par Price combinés aux occasions ratées par les Penguins ont frustré quelques joueurs dans la bande à Crosby. Un Crosby qui a d’ailleurs été frappé souvent, rondement et pas toujours légalement. En plein le genre de traitement nécessaire pour déstabiliser la grande vedette.

 

Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien Tomas Plekanec qui me l’assurait dans le cadre de l’entrevue qu’il m’a accordée pour donner son opinion sur le duel Canadien-Penguins qui est maintenant bien lancé. Un duel dont Plekanec est d’ailleurs sorti gagnant en 2010.

 

Crosby s’est plaint aux arbitres de temps en temps. Comme à son habitude. Ce n’est toutefois pas le capitaine des Penguins, mais plutôt son complice Evgeni Malkin qui a semblé le plus déstabilisé par les insuccès de son équipe ou les succès du Canadien, selon vos allégeances.

 

On l’a vu perdre patience à quelques reprises et se mettre à tirer de partout et pas toujours de façon très convaincante afin d’arriver à trouver une faille dans le jeu du gardien du Canadien.

 

Malgré ses huit tirs qui ont atteint la cage défendue par Price sur les 16 – vous avez bien lu – qu’il a décochés, Malkin n’a pas marqué. Il n’a pas même récolté de point.

 

Suzuki et Kotkaniemi

 

Price a joué un rôle de premier plan dans la victoire du Canadien samedi. C’était à prévoir.

 

Ce qui l’était moins est que Nick Suzuki serait non seulement le meilleur centre du Canadien dans le cadre de ce match, mais le meilleur joueur du Tricolore un point c’est tout. Peut-être même devant Price.

 

À son premier match éliminatoire en carrière dans la LNH, Suzuki a plusieurs fois été confronté à Evgeni Malkin. Parfois à cinq contre cinq alors que leurs trios étaient opposés. D’autres fois en désavantage numérique.

 

Pas question de prétendre ici que Suzuki a mis le grand Gino dans sa petite poche arrière. Mais quand même : Suzuki a largement contribué à faire monter le niveau de frustration de Malkin en marquant un but magnifique pour donner les devants 2-0 au Canadien – quel tir dans la lucarne au terme d’une descente à deux contre un – en plus de s’imposer en désavantage numérique contre une des meilleures attaques massives de la Ligue.

 

Si Suzuki a fait mentir ceux – ils étaient très nombreux et je faisais partie du groupe – qui insistaient sur le fait que le manque d’expérience au centre – Phillip Danault était le seul à avoir disputé des matchs de séries en carrière et encore, il n’en comptait que six avant samedi soir – on doit aussi souligner la qualité du premier match de séries de Jesperi Kotkaniemi.

 

Je suis de ceux qui croient toujours au talent et peut-être même grand talent de Kotkaniemi. Je suis aussi de ceux qui considèrent que le Canadien l’a hissé beaucoup trop vite dans la LNH et qu’il n’est pas encore prêt à assumer le rôle qu’on lui demande de remplir. Ça viendra. Mais à 19 ans, il n’est pas arrivé encore.

 

Cela dit, ça ne paraissait pas samedi soir. Du moins pas beaucoup. Et je ne parle pas ici du but qu’il a marqué pour donner les devants 1-0 au Canadien. Ça non. Ce but, un brin chanceux, a récompensé le fait que KK ait foncé au filet comme on lui demande de faire au lieu de tricoter en zone ennemie.

 

Mais au-delà ce but, ce sont les quelques incisives sorties de zone, les quelques bonnes passes qu’il a complétées et surtout le tir de qualité qu’il a décoché et qui a bien failli surprendre Matt Murray qui m’ont impressionné.

 

Je serai patient encore un bon bout de temps avec Kotkaniemi. Je suis même prêt à le voir évoluer à l’aile si cela devait être bénéfique pour lui et le reste de l’équipe.

 

Mais samedi, Kotkaniemi nous a donné tout plein de raisons de mousser notre patience et même de le laisser apprendre au centre.

 

Des notes moins généreuses doivent être décernées à Jonathan Drouin qui a écopé deux vilaines pénalités et qui a, comme Connor Sheary, bousillé le tir de pénalité qu’il a obtenu en prolongation s’il vous plait.

 

L’occasion ne pouvait être mieux choisie pour faire oublier ses présences discrètes plus tôt dans le match. Mais Drouin a perdu la rondelle en tentant une manœuvre sur sa droite.

 

En passant, les statisticiens de la LNH nous ont appris que c’était la première fois depuis 1923 que deux tirs de pénalités étaient accordés dans un match de séries.

 

Retour sur 2010

 

La victoire de samedi n’assure pas que le Canadien éliminera les Penguins de la ronde de qualifications pour se propulser en séries.

 

Je sais! Les statistiques compilées au fil de l’histoire de la LNH insistent sur le fait que le club qui gagne le premier match d’une série trois de cinq en est sorti gagnant 68 fois en 83 occasions pour une moyenne de 81,9 %.

 

C’est beaucoup. Énorme même. Mais contre une équipe aussi puissante que le Penguins, ce n’est pas sur cette statistique que le Canadien doit s’appuyer. Il doit s’appuyer sur le scepticisme des Penguins à son endroit.

 

L’entraîneur-chef Mike Sullivan et ses joueurs ont répété 20 fois plutôt qu’une qu’ils ne prenaient pas le Canadien à la légère. Qu’ils le craignaient même.

 

Je veux bien.

 

Mais en regardant le match à tête reposée dimanche, en consultant les statistiques avancées ou non, les Penguins verront qu’ils ont décoché 96 tirs au cours de cette première partie contre les 64 du Canadien. Brendan Gallagher a dominé son équipe avec neuf tirs cadrés sur les 11 qu’il a décochés.

 

Ils verront aussi qu’ils ont pratiquement doublé le Canadien en matière d’occasions de marquer de grande qualité.

 

Ils regarderont en boucle les occasions en or qu’ils ont bousillées.

 

Et s’ils se disent qu’en jouant de la même façon lundi, la logique sera finalement respectée et qu’ils nivelleront les chances dans la série, c’est là que le Canadien aura réalisé son meilleur coup samedi soir.

 

Car c’est quand il est regardé de haut que le Canadien surprend.

 

Le Canadien n’est pas aussi puissant, aussi bon, aussi expérimenté que les Penguins. On savait tous et toutes Carey Price capable de voler un match pour le Canadien. De là à lui donner une chance d’éliminer les Penguins, il y a un fossé très large à franchir.

 

Mais si les Penguins se contentent de se dire qu’ils finiront bien par gagner simplement parce qu’ils sont meilleurs que le Canadien et que la logique veut qu’ils gagnent et que toutes les prédictions les favorisent, et bien soudainement une élimination aux mains du Canadien deviendra vraiment possible.

 

Comme en 2010.