Il existe un Jeff Petry dans tous les environnements de travail. Cette nouvelle acquisition amenée par la haute direction afin qu'il contribue à un projet de haute importance. On sait ce qui se produit lorsque le contrat de ce dernier vient à échéance : les dirigeants tentent de déterminer si son apport justifie que l'on retienne ses services.

Les employeurs cherchent à savoir s'il s'est bien intégré à la culture de l'entreprise, s'il cadre bien avec les projets futurs de l'organisation, et s'il pourrait représenter un atout dans une perspective de long terme.

Marc Bergevin et le Canadien se posent présentement le même genre de questions au sujet du vrai Jeff Petry, ce grand défenseur au coup de patin fluide, rapatrié d'Edmonton à la date limite des échanges afin d'ajouter un arrière droitier à la brigade défensive montréalaise. Son ajout à la formation était perçue comme une pièce supplémentaire vers un but bien précis : la coupe Stanley. Maintenant qu'il a échoué dans sa quête, le CH doit sous-peser le pour et contre, et décider s'il doit offrir un nouveau contrat à ce joueur autonome sans compensations.

Le but de cette analyse n'est pas d'évaluer ses habiletés de patineur ou de déterminer s'il est ou non un coéquipier exemplaire dans le vestiaire. J'ai plutôt étudié des chiffres afin d'extrapoler les statistiques de Petry en possession de rondelle durant son passage avec le Tricolore. En premier lieu, j'ai comparé son ratio Corsi obtenu à forces égales avec les Oilers avec celui qu'il a présenté à Montréal.

Le ratio Corsi calcule le nombre de lancers dirigés vers le filet adverse (que ceux-ci aient touché le filet, raté la cible ou qu'ils aient été bloqués) comparativement aux tirs tentés par l'autre équipe. Autrement dit, plus de nombre de tirs décochés par l'équipe du joueur concerné durant ses présences sur la glace est élevé, et plus le nombre de lancers tentés par l'équipe rivale est faible, mieux s'en portera son ratio Corsi. Par le fait même, on dira que ce joueur contrôle le jeu. Puisqu'il ne sert à rien d'analyser les chiffres liés à la possession de la rondelle lorsqu'une équipe évolue sur l'attaque massive ou à court d'un homme, Corsi se limite aux situations d'égalité numérique.

Petry

Le premier graphique illustre le ratio Corsi de Petry lorsqu'il est sur la patinoire par l'utilisation des barres colorée. La ligne bleue elle sert à représenter le ratio lorsqu'il n'y est pas (donc, celui de ses coéquipiers quand il est au banc). La différence relative entre les deux ratios est une indication du contrôle qu'exerce le joueur sur le déroulement du jeu par rapport aux autres patineurs de l'équipe.

Je me pencherai sur le ratio Corsi de Petry pour débuter. Tout ratio dépassant les 50 % indique qu'un joueur (et ses partenaires de jeu) contrôle le disque plus efficacement que les éléments qu'il affronte. Les Oilers ont aligné pendant plusieurs saisons des formations médiocres. Ainsi, il n'est vraiment pas étonnant de constater que depuis 2011, Petry s'est souvent retrouvé sous la barre des 50 %. Son amélioration constante entre 2012 et 2015 à Edmonton est un signe encourageant. Toutefois, le Canadien devrait s'inquiéter de voir que son ratio a diminué drastiquement, à un niveau inférieur de celui de ses années en Alberta, lors des 19 matchs de saison régulière disputés à Montréal. Les plus grands défenseurs du jeune homme de 27 ans vantent ses habiletés en sorties de zone, mais les chiffres démontrent qu'il a connu maintes difficultés à ce chapitre durant le dernier droit de la saison.

Le Canadien doit aussi se pencher sur le ratio obtenu par ses coéquipiers pour disposer d'une vue d'ensemble plus globale. Durant son séjour à Edmonton, le Corsi de Petry a été relativement semblable à ses pairs, et parfois même lègrement supérieur. Logiquement, cette tendance aurait dû mener à un meilleur contrôle du disque en changeant de camp pour se joindre à une équipe possédant de meilleures statistiques de possession de rondelle. Pourquoi donc a-t-il autant traîné de la patte dans son nouvel environnement à partir du mois de mars dernier? De disputer plusieurs minutes contre le meilleur trio offensif adverse peut servir d'explication, et le fait de devoir saisir les nombreuses subtilités d'un nouveau système de jeu peut également contribuer.

Qu'en est-il des séries?

Si ce facteur figurait réellement parmi les principales sources d'explication, on en déduit que graduellement, une amélioration du ratio aurait dû être perceptible au fur et à mesure que Petry se familiarise à son environnement. C'est pourquoi j'ai étudié les résultats obtenus durant ses 12 matchs de séries éliminatoires. Comme vous le verrez, malgré l'échantillon relativement petit, la différence est carrément invraisemblable!

En fait, depuis la campagne 2013-2014, Petry avait amorcé le jeu en zone offensive entre 41 et 43 % du temps, signifiant que le défi est amplement plus élevé de contrôler le jeu qu'un joueur pour qui c'est le scénario inverse. Durant les séries 2015, le pourcentage de mises en jeu prises en territoire ennemi pendant que Petry était sur la glace a glissé sous la barre des 40 %, ce qui amplifie d'autant la portée de son excellent ratio.

PetryNon seulement Petry a-t-il connu un véritable virage de 180 degrés en calendrier d'après-saison, mais il a également fourni à Marc Bergevin des éléments de preuve qu'il peut remplir le mandat de relancer l'attaque au sein du deuxième duo de l'équipe. Est-ce que cet espoir est suffisant pour que le DG du Canadien débourse un montant supérieur à 5 M$ par saison? C'est le noeud de la décision qui attend la haute direction montréalaise. Quelles attentes peut-elle avoir envers lui à long terme? Après tout, les séries du CH n'ont duré que 12 rencontres. Bien que ce soit très peu, on peut affirmer que les chances de voir le ratio Corsi de Petry se situer entre celui obtenu en saison régulière et en éliminatoires sont passablement bonnes.

Supposons que Bergevin et ses acolytes décident que Petry cadre bien dans les plans à long terme de l'équipe. Combien doivent-ils être prêts à le payer? Peut-il espérer obtenir autant sur le marché libre qu'Andrei Markov, qui empoche 5,75 M$? J'ai ajouté quelques éléments comparatifs aux chiffres révélés par le tableau précédent. Ce graphique laisse croire que Petry ne devrait pas se retrouver parmi le groupe sélect des défenseurs payés 6 M$ ou plus. En 2014-2015, seul Dion Phaneuf parmi les 11 arrières empochant un salaire supérieur à 6 M$ a montré un ratio Corsi inférieur à 50 % à forces égales (42,5 %).

Petry

Une statistique qui s'avère favorable à Petry : la tendance de ses équipes à commencer le jeu en zone défensive avec régularité. Son ratio est admirablement élevé pour un défenseur qui est si souvent désavantagé. Pourtant, ça n'a pas semblé affecter son contrôle de la rondelle durant les dernières séries. Mentionnons que la plupart des arrières les mieux payés du circuit Bettman commencent le jeu en zone offensive dans une proportion de 50 % ou mieux.

Finalement, on remarque que le groupe de défenseurs empochant entre 5 et 5,99 M$ annuellement possède un ratio Corsi oscillant autour de 50 %. Ce chiffre baromètre représente une cible logique pour Petry en fonction de la progression constatée depuis 2011. On en conclue que Bergevin devrait négocier de manière à mettre Petry sous contrat à un salaire inférieur à 6 M$.