Le style de jeu préconisé par les champions de la coupe Stanley exerce parfois une certaine influence sur les autres formations de la ligue. De tout temps, la tentation de plagier le comportement des équipes gagnantes a été invitante.

Quand les Flyers de Philadelphie ont remporté deux coupes Stanley consécutives sous un règne d'intimidation et de brutalité au milieu des années 70, certaines organisations ont cru nécessaire d'embaucher des bras pour pouvoir tenir leur bout dans cette forme de hockey.

Quand le Canadien a mis fin à la domination des Flyers en remportant la première d'une séquence de quatre coupes consécutives, on s'est senti soulagé que le jeu rapide et spectaculaire puisse triompher de la violence. L'ensemble de la ligue a respiré d'aise.

Quand Patrick Roy a remporté 10 victoires consécutives en prolongation pour conduire une équipe négligée à sa 24e coupe Stanley, la concurrence a compris que pour mériter un championnat, on a tout avantage à posséder un gardien de fort calibre, et ce, même si les gardiens dans son genre, qui se présentent chaque soir le couteau entre les dents, ne se trouvaient pas au bout de la route.

Finalement, plus récemment, quand les Kings de Los Angeles ont dompté leurs adversaires pour remporter la coupe grâce à trois joueurs de centre aussi costauds que talentueux, plusieurs organisations ont songé à se donner plus de prestance au centre.

On se doute déjà de la tangente que prendra la finale entre le Lightning et les Blackhawks. On ne jouera pas sur les talons. Tout en se souciant de leur défense, les deux finalistes favoriseront le jeu offensif. Même si les deux adversaires peuvent se tirer d'affaire défensivement, il y a de bonnes chances que la prochaine coupe Stanley soit attribuée à l'attaque la plus opportuniste.

Marc Bergevin, qui doit passer à un autre échelon dans la relance du Canadien, se laissera-t-il influencer par le spectacle qu'il aura sous les yeux ou s'il persistera à favoriser un style hermétique qui consiste parfois à jouer pour ne pas perdre? Une stratégie qui se fait au détriment du spectacle certains soirs.

Manque de confiance ou de moyens

C'est vrai que la défense a souvent valu des championnats, mais la prochaine finale fournira la preuve qu'il y a d'autres façons d'atteindre le sommet. Quand on préconise un jeu défensif à outrance comme c'est le cas à Montréal, c'est souvent attribuable à un manque de ressources ou de confiance en ses capacités.

Michel Therrien sait fort bien qu'il ne pourra pas remporter le tout dernier match de la saison avec une attaque aussi déficiente. Alors, pour sauver les meubles, il joue prudemment. Il insiste sur le fait qu'il faut absolument limiter les erreurs, ce qui brime peut-être certains attaquants dans ce qu'ils ont de mieux à offrir.
Les équipes de Tampa et de Chicago n'ont pas cette préoccupation. On ne sent pas les mêmes préoccupations chez leurs joueurs qui offrent un spectacle offensif nettement plus excitant.

On ne s'attend pas à ce que Bergevin construise éventuellement une équipe comme celle qui lui a tout enseigné, les Blackhawks. Voilà une organisation assise sur du solide grâce notamment à des choix de repêchage hâtifs (Kane, Toews, Seabrook et Teravainen en première ronde) de même que Keith, Crawford, Saad et Bickell au deuxième tour. Une organisation doit avoir beaucoup souffert pour pouvoir réclamer Kane et Toews, respectivement au premier et troisième rang de la ligue. C'est la conséquence de neuf exclusions des séries en 10 ans pour les Hawks.

Par contre, on s'attend à ce que le patron du Canadien retienne quelque chose de concret de ce qu'il a vu durant l'élimination face au Lightning et de ce qu'il s'apprête à visionner en finale. Tampa Bay est un rival dans sa propre division. Il l'aura régulièrement dans les jambes la saison prochaine, surtout que cette jeune équipe aura grandi en maturité après s'être payée le scalp de trois formations originales (Detroit, Montréal et New York) et s'être mesurée à une quatrième en finale. Même si la mission de cette belle équipe habilement dirigée par Jon Cooper n'est pas terminée, sa saison peut déjà être considérée comme un immense succès.

Même s'il en a déjà une très bonne idée, c'est durant cette finale que Bergevin va noter ce qui lui manque pour pouvoir aller plus loin. Quand il a imputé une partie de son élimination à la malchance, en invoquant notamment 12 ou 13 poteaux touchés par ses joueurs, on a tous compris que cette subtile diversion servait à masquer d'autres faiblesses. Tampa possède une machine supérieure à celle du Canadien, plus personne n'en doute.

On ne pourra pas éternellement se retrancher derrière le fait qu'il est difficile de greffer de futures vedettes à l'organisation quand on ne repêche pas parmi les premiers. Tyler Johnson, qui n'a jamais été repêché, Nikita Kucherov (58e choix) Alex Killorn (77e) et Ondrej Palat (208e choix) sont tous des éléments qui ont fait des dommages dans les séries sans être issus de la première ronde.

Attention aux belles promesses

En septembre prochain, quand on procédera à la présentation de l'édition 2015-2016 dans le cadre de tournoi de golf annuel, on ne pourra pas nous raconter que l'équipe est à deux pas de la coupe Stanley après avoir joué de malchance contre les actuels finalistes dans l'Association Est. Ce refrain, on l'a entendu en 2011 quand les Bruins de Boston, après avoir battu difficilement le Canadien en prolongation dans un septième match, sont allés gagner la coupe. Pierre Gauthier voyait donc une coupe se profiler à l'horizon.

Or, malgré la promesse d'un avenir meilleur faite par Geoff Molson et Gauthier au camp d'entraînement, le Canadien a piqué du nez et terminé au dernier rang dans l'Est dès la saison suivante.

Le Canadien vient de disputer une série de moins que l'an dernier. J'espère qu'on se gardera une petite gêne si jamais Bergevin ne réussit pas à améliorer pour la peine l'attaque de sa formation au cours de l'été car malgré une production de 110 points attribuable en majeure partie au brio de Carey Price, le Canadien ne méritait pas de se hisser dans le carré d'as. Ça risque de nous sauter aux yeux encore davantage durant la finale.

Le fait que Jeff Petry soit enrôlé pour les six prochaines saisons constitue une excellente nouvelle, un point extrêmement positif. Ça consolide le secteur de prédilection de Bergevin, la défense. Cette décision, qui arrive très tôt durant la période estivale, lui offrira le temps nécessaire pour tenter de revamper une attaque qui ne fait peur à personne.

Peut-être a-t-il un autre lapin dans son chapeau, qui sait? L'été est jeune. Laissons-le nous préparer une surprise.