Alain Vigneault a donné un coup de main à Michel Therrien pour l’aider à effectuer le saut dans les rangs professionnels en juin 1997. Entraîneur-chef du Canadien, Vigneault avait alors milité en faveur de l’embauche de son ancien rival dans les rangs juniors derrière le banc du Canadien de Fredericton.

De Fredericton, Michel Therrien s’est rapproché de Montréal en 1999 lorsque le Canadien a établi son club-école à Québec. Le 20 novembre 2000, lorsque Vigneault et son patron Réjean Houle ont été emportés par un vague de congédiement qui a frappé l’état-major de l’équipe, Michel Therrien, à la demande du nouveau directeur général André Savard, a fait le voyage vers Montréal pour succéder à celui qui lui avait ouvert la porte de l’organisation.

Ironie du sort ou simple concours de circonstances, Alain Vigneault et ses Rangers ont offert à Michel Therrien une victoire dans le cadre de son 600e match en carrière derrière le banc d’une équipe de la LNH.

Michel TherrienEn fait non! Vigneault et les Rangers n’ont pas fait cadeau des deux points à Therrien.

Vrai que les Rangers ont commis quelques erreurs bêtes. Ils ont offert une échappée de la ligne rouge à Plekanec et Pacioretty qui ont étourdi Henrik Lundqvist – et une partie de la foule – avec une série de passes avant que le tchèque ne marque un but magnifique, son cinquième de la saison, en désavantage numérique s’il vous plaît.

Vrai que Marc Staal s’est fait prendre comme un enfant d’école par Dale Weise qui a refilé une passe parfaite à Max Pacioretty dans l’enclave pour donner un coussin de deux buts que Carey Price, au sommet de sa forme, n’allait certainement pas bousiller.

Vrai que les Rangers ont mal paru en jouant à la patate chaude devant le filet de leur gardien pour permettre à Lars Eller de secouer sa guigne et enfin briser la glace avec un but qui a racheté, un brin ou deux, les erreurs de son trio.

Mais le hockey a beau être un jeu d’erreurs, il faut qu’un club sache profiter des erreurs de ses adversaires pour marquer. Et c’est exactement ce que le Canadien a fait hier.

Quand on dissèque le match, il est donc bien plus juste de conclure que les deux points offerts en cadeau à Michel Therrien dans le cadre de son 600e match en carrière, ce sont ses joueurs bien plus que les Rangers qui les lui ont offerts.

Le Canadien a disputé un de ses meilleurs matchs de la jeune saison. Pas loin devant, ou tout juste un peu derrière, celui de mardi face aux Red Wings de Detroit.

Oui Carey Price a été solide. Il a réalisé de très gros arrêts. Il les a surtout réalisés en temps opportuns : en fin de première alors que les Rangers bourdonnaient après qu’ils eurent nivelé les chances. En milieu de période médiane alors qu’il a volé de la mitaine un but à Derick Brassard qui sortait du banc des pénalités. En fin de deuxième aussi pour protéger la mince avance de 2-1 du Tricolore. Et que dire de sa performance en troisième période avec ses 13 arrêts. Oui Price a effectué le même nombre d’arrêts en deuxième, mais en période médiane, le Canadien rivalisait avec les Rangers dans toutes les facettes du jeu. En troisième, il s’est retrouvé un brin trop sur les talons et ce sont les Blue Shirts qui ont dicté l’allure de 10 à 12 dernières minutes. Price s’est aussitôt imposé, assurant la victoire et sa première étoile.

Une étoile bien méritée.

Mais l’équipe devant lui a été solide. Vraiment. Autant en attaque qu’en défensive.

Si Price méritait d’amblée sa première étoile, d’autres joueurs du Canadien en méritaient aussi. Thomas Plekanec (5) et ses compagnons de trioPierre-Alexandre Parenteau (4) et Alex Galchenyuk (2) ont obtenu 11 tirs au but. À vue de nez, je dirais que ces 11 tirs ont offert au Canadien six ou sept bonnes occasions de marquer.

C’est énorme!

Plekanec et/ou Parenteau auraient pu être décorés.

Lars Eller a obtenu une étoile. Un beau cadeau. Tout comme le Québécois Anthony Duclair à qui on a réservé la troisième étoile en guise de souvenir de son premier match en carrière face au Canadien au Centre Bell. Remarquez que Duclair est loin d’avoir mal joué. Il a même prouvé que les Rangers ont eu raison de lui offrir l’occasion d’amorcer l’année avec le grand club. Il a aussi démontré qu’avec sa vitesse, sa finesse, sa vision et son sens du jeu, les Rangers pourraient – je me retiens pour ne pas écrire devraient – le garder pour de bon.

Mais je ne peux comprendre qu’on ait aussi écarté Dale Weise de la sélection des étoiles.

Après avoir suivi trois des cinq premiers matchs de la saison du haut de la galerie de presse, Weise a compris ce qu’il doit faire pour éviter d’y retourner : il doit patiner, il doit frapper, il doit travailler. Eh bien samedi soir, il a gagné la trifecta disputant son meilleur match de la saison. Une performance digne de ses performances impressionnantes en séries éliminatoires le printemps dernier.

Peut-être un peu trop à son aise en début de saison, Weise fait partie de ces joueurs qui doivent comprendre qu’ils seront les premiers à écoper et à céder leur place aux autres qui attendent s’ils se rendent coupables d’une baisse de régime.

Et Weise semble avoir compris. Ce qui est une très mauvaise nouvelle pour Michaël Bournival.

À moins que Michel Therrien ne décide de faire comprendre à Rene Bourque qu’il est sur le point d’être dans cette catégorie de joueurs.

Travis Moen? Il joue mieux que ses détracteurs le laissent entendre. Il est efficace et ne plonge pas son club dans le pétrin. C’est exactement ce qu’on demande à un gars de 4e trio.

Des chiffres impressionnants

Plus encore que la 600e partie de Michel Therrien dans la LNH, ce sont les 14 points que le Canadien affiche après huit rencontres seulement qui impressionnent.

14 points en huit matchs, c’est un de moins que la meilleure récolte du Canadien depuis sa naissance. Oui ça fait longtemps. En 1961-1962 – je n’étais pas né et j’ai maintenant pas mal de cheveux gris, pour ne pas dire juste des cheveux gris – le Canadien avait récolté 15 points – sept victoires et un verdict nul – en huit matchs.

Trois autres fois seulement – en 24-25, en 43-44, en 77-78 – le Canadien a obtenu 14 points en huit rencontres. Ce n’est pas rien.

On sait tous que ça ne durera pas. Que le Canadien finira par perdre un match qu’il méritera de perdre ou pis encore qu’il perdra un match qu’il aurait dû gagner.

Mais les points qu’il multiplie en ce moment permettent de jouer en confiance et de s’offrir un coussin en cas de blessures répétées. Ce qui peut arriver.

Therrien récolte ce qu’il a semé

Le Canadien pourrait aussi tomber dans la complaisance diront certains. Ça, je ne crois pas vraiment que ça pourrait arriver.

Car après 600 matchs, après avoir surfé sur de belles séquences et avoir broyé du noir, et des fois beaucoup de noir, dans le cadre de séquences difficiles qui se sont prolongées, voire éterninées, Michel Therrien réagira promptement pour éviter pareil écueil. Et comme Therrien a pris de l’expérience, qu’il a pris du galon, qu’il est de mieux en mieux considéré autour de la LNH et que ses joueurs n’ont plus le choix de reconnaître qu’il affiche un gros bagage d’expérience et qu’il a su peaufiner son style et adoucir certains de ses côtés tranchants qui lui causaient des ennuis dans le vestiaire de son club, il est maintenant beaucoup mieux équipé pour traverser ce genre de séquence sans trop de heurts alors qu’à son premier passer derrière le banc du Canadien, une simple journée grise virait parfois à la tempête.

Si les joueurs s’améliorent avec le temps, qu’ils apprennent, qu’ils développent leur caractère et acquièrent de la maturité, ce doit sans doute être vrai pour les entraîneurs.

Et Michel Therrien en est un bel exemple.

Des 600 matchs qu’il a dirigés dans la LNH – 272 avec les Penguins de Pittsburgh –Therrien est rendu à 328 derrière le banc du Canadien. Il occupe le 5e rang dans l’histoire du Tricolore.

Le 24 mars prochain, à Nashville, il rejoindra Cecil Hart. Deux jours plus tard à Winnipeg, il le dépassera pour occuper seul le 4e rang de l’histoire du Canadien. Il faudra ensuite qu’il se rende très loin dans la prolongation de son contrat pour rejoindre Scotty Bowman (634). Dick Irvin (896) et Toe Blake (914) occuperont les première et deuxième places encore dans 100 ans!

Peu importe qu’il rejoigne un jour Bowman ou non, le simple fait de voir Michel Therrien bien en selle comme il l’est actuellement, en plein contrôle de son banc, de son vestiaire, de son équipe, au beau milieu d’une séquence presque historique en lever de rideau de la saison 2014-2015 représente tout un cadeau pour ses 600 matchs en carrière dans la LNH. C’est aussi un gage du travail qu’il a accompli pour se rendre à cette étape importante alors qu’il peut maintenant viser la barre des 1000 parties derrière le banc d’une équipe de la LNH. Un exploit que 18 entraîneurs-chefs, dont seulement six Québécois – Scotty Bowman, Pat Burns, Jacques Demers, Jacques Lemaire et les frères Brian et Terry Murray sans oublier Alain Vigneault qui atteindra sous peu le plateau des 900 matchs – ont réalisé dans l’histoire de la LNH.