La scène se passait il y a quelque temps dans le vestiaire du Canadien, à Brossard. À l'entraînement du matin, Michel Therrien avait annoncé que le robuste Brandon Prust serait le chien de garde au sein d'un trio formé des deux jeunots du Canadien, Alex Galchenyuk et Brendan Gallagher, en vue du match du lendemain contre la Floride.

Les médias étaient agglutinés autour de Gallagher qui tenait un discours amusant et totalement décontracté à 24 heures de sa première présence dans une rencontre de la Ligue nationale. Une fois cette entrevue terminée, les journalistes s'étaient déplacés du côté de Galchenyuk qui s'occupait de ses propres affaires après avoir eu son baptême de la ligue deux jours plus tôt contre Toronto. L'adolescent de 18 ans leur avait fait signe de la tête qu'il n'avait pas le goût de jaser. Les journalistes avaient tourné les talons et s'étaient dirigés ailleurs sans protester. Personne ne lui avait demandé d'expliquer sa réaction.

Le moment avait quelque chose d'irréel. Une recrue, qui n'avait pas encore complété sa période de probation de cinq matchs, exigeait qu'on le laisse seul. Admettez qu'il fallait un certain cran pour laisser en plan une quinzaine de reporters.

Si le jeune américano-russe était un petit baveux au-dessus de ses affaires, j'en connais qu'il lui aurait fait payer cher sa rebuffade. Mais, au contraire, c'est un garçon poli, posé, très à son affaire et plutôt sympathique.

La vérité, c'est qu'il se croyait justifié d'agir de la sorte. Il y a de ces matins où on n'a pas toujours le goût de socialiser. Galchenyuk n'avait rien de neuf à raconter, mais il n'a pas tenu compte qu'on pouvait néanmoins avoir quelques questions à lui poser. C'était sans doute anodin d'agir de cette façon à Sarnia devant un ou deux journalistes, mais Montréal n'est pas Sarnia. Montréal et les Canadiens, c'est très gros pour un jeune qui n'a pas un très grand vécu. Et qui, cette fois, n'a pas su comment réagir.

Personnellement, j'ai trouvé la scène plutôt amusante. Je me suis dit que le kid devait avoir un sacré caractère pour se comporter ainsi. Un sourire en coin, j'ai rapporté ce que je venais de voir au directeur des relations avec les médias, Dominick Saillant. «Je peux vous dire qu'il n'a pas répondu à une directive de notre part, a-t-il expliqué. C'est une réaction qui lui appartient. On va devoir lui en parler.»

Cela a été fait. Pas sur un ton de reproche, évidemment. On voulait savoir ce qu'il avait à fournir comme explication. Saillant a vite compris qu'il n'y avait aucune mauvaise intention de sa part. C'est juste qu'il ne connaissait pas très bien son rôle.

«Cet environnement est encore relativement nouveau pour lui, explique-t-il. Il veut savoir comment ça marche et ce qu'il faut faire. Depuis ce moment, Alex nous demande souvent la permission avant d'agir. Il veut savoir quand s'adresser aux médias et quand prendre congé de ses rencontres personnelles avec eux.»

On lui a fait comprendre que sa situation n'est pas différente de celle des autres joueurs. S'il est dans le vestiaire et qu'on désire lui parler, il doit se rendre disponible. C'est écrit noir sur blanc dans la réglementation de la ligue. Par contre, il n'est pas toujours obligé de s'y présenter. Avec raison, d'ailleurs. À 18 ans, ce n'est pas la période d'adaptation rêvée quand on se retrouve tous les jours avec des caméras dans le visage.

Galchenyuk est doté d'un talent rare. Bon passeur, patineur rapide, sa vision du jeu est remarquable. Comme si cela ne suffisait pas, il est discipliné et très concentré dans tous les aspects de sa jeune vie professionnelle. Il est le fils d'un joueur russe qui a connu une carrière de 22 saisons, dont cinq en territoire américain. Il a été bien guidé. Il a aussi la réputation d'une jeune qui sait écouter.

Compréhension dans les médias

Il y a des choses que Galchenyuk voulait tirer au clair concernant l'attitude qu'il doit adopter avec les médias. Il ignorait s'il devait répondre présent tous les jours. Il se demandait s'il avait la responsabilité de se dévoiler jour après jour devant eux. On l'a rassuré à ce sujet. Quand ce n'est pas lui qui représente l'histoire du jour, il n'a aucune obligation à se présenter sur place.

«Alex désire être guidé, c'est normal, ajoute Saillant. C'est une réalité avec laquelle il n'est pas familier. Il est brillant. Il est très concentré. C'est déjà un pro.»

Il est visiblement un garçon solide, tiré d'un moule spécial. Il est le premier joueur de 18 ans en 29 ans à se greffer au Canadien. On a tendance à l'oublier tellement sa maturité détonne.

Les médias en ont d'ailleurs tenu compte le jour où il leur a dit qu'il n'avait pas le goût de leur parler. Ce n'était pas la première fois qu'un joueur agissait de cette manière chez le Canadien. Dans ces moments-là, on n'en fait jamais tout un plat. Cela se produit habituellement quand la demande pour un joueur ou deux devient trop fréquente.

«Honnêtement, notre groupe de médias est très respectueux quand cela se produit, conclut Saillant. Il comprennent toujours la situation. Si un Desharnais ou un Bouillon demande un jour à ce qu'on le laisse respirer, cela ne causera aucun problème. Les journalistes acceptent cela.»

Une situation rafraîchissante

C'est rafraîchissant de voir des représentants de la direction du Canadien se pointer occasionnellement dans les médias. Dans le passé, personne n'avait le droit de participer à des émissions de télé durant la saison.

On a vu Marc Bergevin et Michel Therrien à Tout le monde en parle . Therrien et l'un de ses adjoints, Jean-Jacques Daigneault, ont participé à L'antichambre. Patrice Brisebois y est apparu, lui aussi, lundi.

L'entretien de Brisebois a été intéressant. Il a raconté des événements qu'il a pimentés d'éclats de rire. Une entrevue comme celles auxquelles Luc Robitaille nous a habitués. Il a été à la fois drôle et sérieux.

Il en a profité pour expliquer son rôle. Jusque-là, on ne comprenait pas vraiment ce que signifiait son titre d'entraîneur, développement des joueurs. Dans les faits, il rend visite et discute fréquemment avec les meilleurs espoirs de l'organisation à la ligne bleue. Et comme il lui arrive de sauter sur la glace avec eux, son titre d'entraîneur prend tout son sens.

Quand on lui a demandé d'établir la différence entre les deux défenseurs qui représentent l'avenir du Canadien, Jarred Tinordi et Nathan Beaulieu, Brisebois a été d'une remarquable franchise. Selon lui, Tinordi est tout près de la Ligue nationale. Beaulieu, qui a de belles qualités offensives, a quelques carences défensives à corriger. On voudrait qu'il y mette toute la gomme durant les entraînements afin de progresser plus rapidement. «Durant les entraînements que j'aie vus de lui, il n'a pas poussé suffisamment fort», a-t-il précisé.

C'est le genre de transparence à laquelle la nouvelle direction du Canadien semble vouloir nous habituer. On ne s'en plaindra pas.