Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Nick Suzuki : un joueur d'échecs et non de dames

Publié
Mise à jour

Avec moins de cinq secondes à faire en troisième, alors que son équipe bourdonnait depuis une bonne minute en zone ennemie après que Jake Allen eut été rappelé au banc à la faveur d'un sixième patineur, Nick Suzuki s'est retrouvé avec la rondelle le dos à la bande.

Le Canadien avait besoin d'un but pour pousser le match en prolongation et le temps filait dangereusement.

En désespoir de cause, le jeune capitaine aurait pu tirer en direction du filet.

Vrai que les chances de marquer semblaient bien minces. L'angle d'attaque était loin d'être optimal. Et comme si ce n'était pas déjà assez difficile de déjouer le gardien de cet endroit, les cinq joueurs des Flyers massés autour de Carter Hart formaient une muraille qui semblait bien difficile à percer.

Malgré tout, avec moins de cinq secondes à faire en temps réglementaire, tirer et espérer un miracle semblait la seule solution offerte à Suzuki. Et personne ne lui aurait reproché ce choix de jeu même s'il n'avait pas marqué.

Mais non!

Au lieu de faire ce que 100 % des communs des mortels et 99,9 % des joueurs alors présents sur la patinoire croyaient qu'il allait faire, Suzuki a plutôt acheminé une passe savante de l'autre côté de l'enclave où Cole Caufield se tenait prêt, des fois que...

Caufield et Suzuki étaient visiblement les deux seuls à croire aux chances de réussite d'un tel jeu. Car ils ont été les seuls à voir et à comprendre ce qui s'est passé dans la seconde et demie qui a suivi. Soit entre le moment où Suzuki a effectué sa passe, que la rondelle a glissé vers Caufield, que le petit ailier a tiré sur réception et que la rondelle a frappé le fond du filet pour niveler les chances 4-4 dans ce match que le Canadien allait ensuite gagner en tirs de barrage.

Comment Suzuki a-t-il pu mettre le match à pause, du moins dans sa tête, pour analyser toutes les options qui s'offraient à lui et déterminer qu'il valait bien mieux effectuer une passe que tenter un tir en désespoir de cause?

Comment a-t-il pu faire tout ça en beaucoup moins de temps qu'il n'en faut pour écrire ces deux questions?

« Parce que Nick joue aux échecs et non aux dames », que l'entraîneur-chef Martin St-Louis a imagé dans des commentaires d'après-match.

Rien contre les joueurs des dames, aussi bons soient-ils. Mais il est pas mal plus difficile de jouer aux échecs. Il est même immensément plus difficile de se hisser parmi les grands maîtres des échecs.

Je ne sais pas si Suzuki est un maître aux échecs, mais il est assurément déjà un maître au hockey. Un maître qui a les mains, l'imagination, la patience, la confiance et l'intelligence pour se hisser au rang de grand maître au hockey.

Il en a fait la preuve plusieurs fois depuis le début de sa carrière. Et il l'a fait encore samedi, aux dépens des Flyers, en distribuant des occasions de marquer avec générosité et adresse.

Il s'est surpassé sur le but de Caufield qui a poussé le match en prolongation.

Un jeu qui a fait oublier un autre, plus spectaculaire encore, réussi en milieu de période médiane alors que Suzuki y est allé d'une passe arrière aussi efficace qu'imprévisible, pour offrir à Mike Matheson son premier but en carrière avec le Canadien, dans le cadre de son premier match dans l'uniforme tricolore.

Et comme si ce n'était pas déjà plus que suffisant, Suzuki a marqué le but décisif en tirs de barrage. Le seul marqué aux dépens des gardiens, Hart et Allen. Un but enfilé après que Suzuki eut sorti le gardien des Flyers de ses patins en effectuant une feinte sur sa droite pour finalement couper sur le gauche.

Un but différent des deux autres buts magnifiques marqués plus tôt cette saison en tir de barrage et sur un tir de pénalité.

« Quand Nick effectue un jeu sur la glace, il pense déjà à ce qu'il pourra faire ensuite. Il est en avant sur les autres. En plus, il garde toujours l'adversaire sur le qui-vive parce qu'il s'offre plusieurs options sur un même jeu. Quand il annonce un tir, les adversaires doivent se méfier, car il est capable de décocher de très bons tirs. Mais si un de ses coéquipiers est ouvert, il sait en tout temps où il est et quoi faire pour le rejoindre », que St-Louis a expliqué.

Sur les traces de Crosby

Suzuki a récolté ses 11e et 12e passes samedi soir. Il revendique 23 points en 18 matchs. Ces 23 points le placent au 10e rang des marqueurs de la LNH, sur un pied d'égalité avec Sidney Crosby qui a disputé lui aussi 18 matchs.

Pas question de prétendre ici que Suzuki est l'égal de Crosby. Pas du tout. Mais Maxime Talbot qui a longtemps été coéquipier de « Sid the Kid » avec les Penguins de Pittsburgh, s'est permis de demander à Mike Matheson – invité à l'Antichambre samedi soir – s'il voyait en Suzuki un jeune Crosby dans sa manière de jouer.

Le vétéran défenseur qui a passé les deux dernières saisons avec Crosby, à Pittsburgh, a acquiescé.

Une comparaison qui, comme toutes comparaisons, peut sembler boiteuse. Mais cette comparaison donne quand même une idée de l'ampleur des qualités qu'affiche Suzuki au présent, tout en permettant d'y aller de projections plus grandioses encore pour le futur.

Parlant de Matheson, on ne pourra jamais lui reprocher d'être resté en retrait dans le cadre de son premier match avec le Canadien.

Après deux présences, alors qu'il n'y avait pas encore trois minutes d'écoulées au cadran, Matheson avait déjà été victime de deux buts des Flyers.

« Disons que ce n'est pas le début de match que je souhaitais à ma première partie », que Matheson a reconnu après la rencontre.

Comment s'est-il assuré de ne pas laisser ces deux buts miner son moral et lester ses patins de plomb?

« Je me suis retrouvé au banc avec les jeunes Arber Xhekaj et Jonathan Kovacevic de chaque côté. Je leur ai dit que le hockey demeurait un sport plaisant à jouer. Qu'il fallait passer par-dessus ces deux buts et retrouver du plaisir à jouer », que le vétéran défenseur a poursuivi.

Matheson a retrouvé le sourire avec son but. Il a aussi multiplié les présences solides au fil des 24 min 22 s qu'il a passées sur la patinoire. Une utilisation énorme considérant qu'il disputait un premier match après une longue absence en raison d'une blessure à l'abdomen.

Outre son premier but qui a permis au Canadien de prendre les devants 3-2 au deuxième tiers, Matheson a intercepté l'un des trois dégagements que les Flyers ont tentés et ratés alors que le Canadien jouait à six attaquants en fin de match. «C'est plaisant de marquer, mais ce dégagement intercepté m'a donné plus de satisfaction encore en raison de l'importance du moment dans le match», que Matheson a convenu lors de son entrevue à l'Antichambre.

Il faut dire que c'est dans les secondes qui ont suivi cette interception du défenseur à la ligne bleue ennemie, que Suzuki y est allé de sa passe qui a mené au but égalisateur de Caufield qui est rendu à 11 buts déjà cette année.

Une victoire qui voile de gros défauts

Avec ses deux passes savantes, avec son but aussi magnifique que décisif, Suzuki – sans oublier Caufield qui a marqué deux fois en plus d'ajouter une passe – n'a pas seulement donné la victoire au Canadien.

Il a permis d'effacer une sortie difficile du Tricolore. Il a permis de voiler de gros défauts dans la manière de jouer du Canadien. De grosses erreurs. Des défauts qui semblent s'installer. Des erreurs qui semblent devenir des tendances.

« À bien des niveaux, on a moins bien joué ce soir que nous l'avons fait, jeudi, à Columbus où nous avons perdu (6-4). On a eu beaucoup de difficulté à sortir de notre zone et à entrer en zone adversaire en contrôle de la rondelle. Il faudra que je revoie le match pour bien l'analyser, mais nous avons commis beaucoup d'erreurs », a reconnu l'entraîneur-chef qui s'est assuré de souligner davantage le caractère affiché par ses joueurs que de donner plus d'importances aux erreurs multipliées lors du match.

Des exemples : les 26 revirements que les officiels mineurs ont imputés aux joueurs du Tricolore – contre six seulement pour les Flyers – auraient facilement pu couler le Canadien samedi soir.

Surtout qu.Allen s'est montré généreux lors de la rencontre au lieu de faire oublier les gaffes de ses coéquipiers avec de solides arrêts. Ce que le vétéran et son adjoint Samuel Montembeault ont fait régulièrement depuis le début de la saison.

Plus que satisfaits de la première remontée de deux buts en fin de première période pour niveler les chances 2-2, du but égalisateur avec moins de trois secondes à faire en troisième période, de la victoire arrachée en tirs de barrage, les partisans se sont couchés heureux. Ils ont assisté à un très bon spectacle qui a auréolé la neuvième victoire de la saison de leurs favoris (9-8-1). Une sixième en dix matchs disputés jusqu'ici au Centre Bell qu'ils ont quitté le sourire aux lèvres.

Mais de mauvais débuts de match comme celui dont le Canadien s'est rendu coupable encore samedi, de mauvais débuts de période comme le Tricolore en a multiplié depuis le début de la saison ne pourront pas toujours être rachetés par des passes savantes de Suzuki, des buts de Caufield des arrêts opportuns et importants des gardiens.

Après la mauvaise performance de jeudi dernier, à Columbus, et la défaite méritée qu'ils ont encaissée, je m'attendais à un bien meilleur match de la part du Canadien samedi.

Ce n'est pas arrivé.

Il sera intéressant de voir si St-Louis obtiendra une meilleure sortie de ses joueurs mardi, alors que les Sabres de Buffalo feront escale à Montréal, où si son équipe se « contentera » encore de miser sur ses chances de revenir de l'arrière pour effacer une autre mauvaise performance.

Entre les lignes

– À son premier duel contre son ancien coach et toujours ami John Tortorella, St-Louis a assuré ne pas avoir regardé en direction de son « mentor » lorsque son équipe a nivelé les chances en fin de match. « J'ai trop de respect pour lui pour faire une chose pareille », que St-Louis a d'abord plaidé. Mais quand les journalistes lui ont indiqué que « Torts » avait le sourire aux lèvres après le but marqué avec trois secondes à faire, St-Louis s'est empressé de répliquer : « Je riais moi aussi! »

– Caufield a obtenu six des 32 tirs du Canadien et décoché 13 des 66 tirs tentés par le Tricolore samedi...

– À l'image de Caufield, Owen Tippett a marqué deux buts pour son équipe et obtenu six tirs sur Allen. Il en a toutefois décoché un grand total de 17 alors que six ont été bloqués en défensive et cinq ont raté la cible...

– En plus d'être le joueur le plus occupé du Canadien samedi – 25 min 18 s de temps d'utilisation, c'est 56 secondes de plus que Matheson le défenseur le plus utilisé – et des deux passes qu'il a récoltées, Suzuki a gagné neuf des 12 mises en jeu qu'il a disputées (75 % d'efficacité)...

– Bien qu'il était au banc des joueurs, Mike Hoffman n'a pas joué en troisième période pas plus qu'en prolongation. « Il a subi une légère blessure et voulait demeurer au banc au cas où nous aurions une attaque massive. Ce n'est pas arrivé. Et comme il n'avait pas joué de la troisième, il était difficile de l'utiliser en prolongation », que St-Louis en ajoutant que son ailier subira des examens dimanche pour obtenir plus de précisions sur son état de santé...

– Le Canadien a obtenu sa première attaque massive de deux hommes samedi et il a su en profiter alors que Caufield a complété un jeu amorcé par Hoffman et poursuivi par Kirby Dach pour niveler les chances 2-2 en fin de première période...