MONTRÉAL – En 1984, le Canadien a frappé des circuits avec ses quatre premières sélections au repêchage : Petr Svoboda, Shayne Corson, Stéphane Richer et Patrick Roy. Ça s’est gâté par la suite, mais Gerry Johannson, le choix de cinquième ronde, s’est drôlement bien repris avec la formation montréalaise en devenant notamment l’agent de Carey Price et Brendan Gallagher.

« C’est là que tu sais que le monde sportif est tranquille quand on s’intéresse à de vieux choix au repêchage qui ont échoués. J’ai eu besoin de relire le message trois fois pour comprendre que vous vouliez me parler. Habituellement, les demandes sont toujours pour Price, Gallagher ou Brayden Point », a lancé d’emblée Johannson en riant. 

L’agent de 54 ans n’a pas tort, avouons-le. Mais il reconnaît que c’est fascinant de constater que c’est avec le Canadien qu’il possède le plus de clients (Price, Gallagher, Joel Armia, Brett Kulak et Artturi Lehkonen) depuis plusieurs années. 

Il faut remonter au printemps de 1984 pour découvrir comment il en est arrivé là. L’imposant défenseur de six pieds trois pouces et 210 livres ne croyait pas qu’il avait attiré les regards des recruteurs. 

« Je n’avais absolument aucune attente pour le repêchage. Je vivais à Swift Current, une petite ville en Saskatchewan, et j’ai entendu la nouvelle à la radio. C’est comme ça que je l’ai appris. Peut-être que je vivais dans une bulle old school. On ne voyait pas vraiment de recruteurs à nos matchs. Ma réaction ressemblait à ‘Oh, j’ai été repêché’ », s’est souvenu Johannson avant le lancement du marché des joueurs autonomes. 

Il a peut-être hérité de son sens de l’humour évident de l’un de ses oncles qui lui avait alors joué un savoureux tour. 

« Il m’a appelé en se faisant passer pour André Boudrias (qui était à ce moment l’assistant du directeur général Serge Savard). Il a sorti son meilleur accent francophone pour me taquiner et j’ai eu besoin d’une minute pour le démasquer », a-t-il raconté en souriant. 

Le repêchage a sans cesse évolué depuis 1984 et le Canadien avait sélectionné 14 espoirs durant cet encan, mais c’est tout de même étonnant d’écouter ses deux prochaines réponses. 

« Pour dire vrai, je n’ai eu aucune nouvelle de la part de l’équipe. Si je me souviens bien, c’était plusieurs mois après. Mais je ne pensais pas non plus que l’organisation me contacterait », a-t-il noté en rappelant que le temps avait prouvé qu’il avait été un mauvais choix. 

Deux ans plus tard, le Canadien l’a tout de même invité à un camp d’entraînement.  

« C’était après leur conquête de la coupe Stanley (de 1986). Mais, pour une raison que je peine à me rappeler, je n’y suis pas allé. Faut croire que je n’avais pas eu la bonne attitude. Si l’un de mes joueurs faisait ça aujourd’hui, je lui dirais qu’il n’agit pas de la bonne manière. C’était peut-être juste stupide aussi de ma part », a témoigné Johannson. 

Blessé à l’âge de 20 ans, Johannson a vu cet incident lui confirmer que sa carrière professionnelle ne serait pas celle de joueur de hockey. Il trouve parfois de surréaliste de penser qu’il a été choisi après Svoboda, Corson, Richer et Roy.  

« Ça s’est effondré après eux ou à partir de moi ! Au moins, je ne me sens pas mal pour le Canadien parce que les quatre premiers ont eu une très belle carrière, la cuvée a donc été bonne. Ça reste que c’est amusant », a admis celui qui a été repêché avant des joueurs légèrement plus connus comme Brett Hull, Cliff Ronning, Don Sweeney, Luc Robitaille et Gary Suter.

D’ailleurs, il avoue qu’il s’amuse à ce sujet avec Marc Bergevin, le directeur général du Tricolore, quand le contexte est cordial.  

« Je le taquine à propos du fait que j’attends encore MON contrat de joueur. Il n’a pas l’air trop pressé que ça se fasse. Un gros défenseur vieux et lent, voilà exactement ce que les équipes recherchent désormais », s’est-il amusé à dire. 

« Je ne l'ai jamais regretté une seule fois »

Lucide, il ne ressent aucun regret face à son parcours sur la patinoire. En fait, il se considère plutôt privilégié d’avoir pu enchaîner les étapes aussi rondement vers une nouvelle avenue. 

« Je ne l’ai jamais regretté une seule fois, j’ai compris que j’avais trouvé ce qui me convenait et ça reste génial d’avoir été repêché. »

Après avoir joué dans une équipe universitaire, il a fait le saut dans la Ligue junior de l’Ouest au sein des Bruins de New Westminster. En 1988, cette équipe a déménagé pour devenir les Americans de Tri-City, là où Carey Price a raffiné son art. 

De capitaine avec New Westminster, il s’est joint au personnel d’entraîneurs des Americans. 

« Nos ressources étaient limitées et on était peu nombreux à gérer l’équipe donc je faisais plusieurs tâches comme du recrutement. J’ai finalement abouti en tant que directeur général », a-t-il indiqué. 

Il a ensuite travaillé auprès de l’argent Ritch Winter qui avait déniché plusieurs clients européens comme Petr Bondra. Au moment de recruter des hockeyeurs canadiens, Johannson s’est avéré une ressource inestimable. 

« Je n’avais jamais pensé devenir agent, mais je connaissais tous les joueurs dans l’Ouest et cette ligue (WHL) par cœur. J’avais tous les contacts nécessaires. Le reste s’est fait très naturellement et j’ai été bien chanceux pour ça. Certains de mes clients ont été repêchés dans les premières rondes et tout s’est enchaîné », a expliqué Johannson qui se sentait à l’aise pour effectuer cette transition. 

« Je savais que ça irait bien pour bâtir des liens avec les joueurs. Je suis assurément devenu plus intelligent au fil des ans, mais je ne manquais certainement pas de confiance à l’époque », a-t-il ajouté avec humour. 

Les circonstances l’auront mené à gérer la carrière de plusieurs joueurs du Canadien. Il reconnaît que ça le fascine. 

« C’est spécial. J’ai eu cette connexion comme jeune homme avec le Canadien et je suis impliqué avec eux d’une manière intéressante. C’est étrange, mais très cool en même temps. Cette coïncidence particulière ne semble pas vouloir se défaire avec Montréal », a conclu le sympathique agent. 

*Avec la collaboration de Christian D'Aoust pour l'idée.