J'avoue avoir sursauté en prenant connaissance d'un récent sondage dans lequel les fans du Canadien considéraient que leur équipe avait les meilleures chances de remporter la coupe Stanley après les Blackhawks de Chicago.

Ça nous ressemble, ça, de partir en peur de cette façon. J'en conviens, la progression du Canadien est intéressante après tant d'années d'improvisation et de cafouillage. Ce qu'on voit en ce moment est même plutôt encourageant. D'excellents jeunes joueurs se pointent à l'horizon. Avant longtemps, les fans auront plusieurs bonnes raisons d'être fiers de leur équipe, même s'ils le sont déjà beaucoup.

Sans doute que la victoire du Canadien contre les Bruins de Boston en sept matchs le printemps dernier a incité les inconditionnels des Rouges à croire leur équipe arrivée. On va se garder une petite gêne quand même. Même si le Canadien s'en va dans le bon sens, auriez-vous l'audace de parier votre maison sur sa présence en séries le printemps prochain? Le directeur général Marc Bergevin ne vient-il pas de déclarer qu'il vise d'abord une place dans les séries cette saison?

On peut en rêver, mais on n'est jamais certain de rien. Depuis que le Canadien a remporté sa dernière coupe Stanley, les Devils du New Jersey en ont gagné trois. Les mêmes Devils ont raté les séries trois fois au cours des quatre dernières années. Les Red Wings, qui ont paradé quatre fois avec la coupe durant la même période, sont venus à un cheveu d'être exclus des séries en avril dernier, même s'il s'agit de l'une des formations les mieux dirigées dans le hockey.

Disons que les chances du Canadien de participer aux éliminatoires semblent bonnes. L'équipe progresse petit pas par petit pas. Elle inspire confiance parce que son architecte ne déroge pas de son plan original qui est de présenter éventuellement une formation championne en faisant confiance à des jeunes acquis par la voie du repêchage. En attendant que les jeunes soient mûrs pour faire une différence, Bergevin colmate des brèches avec des Dale Weise, des Mike Weaver, des Tom Gilbert et des Manny Malhotra. Trois d'entre eux ont signé des ententes d'un an. Ces quatre joueurs totaliseront un peu plus de six millions sur la masse de l'équipe cette saison. Facile de deviner les intentions de Bergevin. Ils ne sont pas tous ici pour longtemps. Pour l'instant, ces contrats peu coûteux permettent de mieux équilibrer la masse salariale de l'équipe.

Quand on analyse ce qui s'est fait ces dernières années chez les plus grands rivaux du Canadien, les Maple Leafs de Toronto, il y a de quoi être rassuré à Montréal. Probablement que l'embauche de Brendan Shanahan contribuera à changer les choses là-bas, mais c'est loin d'être chose faite.

Bergevin est parti de loin lui aussi après avoir succédé à Pierre Gauthier, mais il a eu l'intelligence de bien s'entourer. Larry Carrière et Rick Dudley jouissaient déjà d'une vaste expérience au sein de la ligue. Le temps de le dire, il leur a greffé des Scott Mellanby, des Martin Lapointe et des Patrice Brisebois (parti depuis). Il a embauché un entraîneur-chef et lui a donné quatre adjoints. Il a trouvé un professeur qualifié pour veiller sur le meilleur investissement de l'équipe, Carey Price. Tout cela dans un quasi claquement de doigts. Bergevin est déjà beaucoup mieux secondé que le jeune président des Leafs.

On serait sans doute beaucoup moins emballé à Montréal s'il fallait que le Canadien ressemble aux Leafs, une organisation qui ne sait pas comment se remettre sur les rails. Vous auriez aimé que Bergevin accorde au gros David Clarkson un contrat débile comme celui que les Leafs lui ont consenti? Une entente de sept ans pour un peu plus de 37 millions. Clarkson a répondu par une production de cinq buts l'an dernier. Qui voudra de ce contrat si jamais les Leafs désirent s'en débarrasser? Personne, probablement. On aurait crié au meurtre si, comme les Leafs, Bergevin s'était fourvoyé en effectuant de mauvaises transactions ou en perdant de bons joueurs pour une chanson, comme l'ont fait leurs rivaux au cours des deux dernières années.

Bien sûr, les DG connaissent tous des moments de générosité mal calculée. À Bergevin, on pourrait reprocher l'entente de quatre ans à Travis Moen et le contrat garanti de deux ans, à un volet, accordé à un défenseur totalement inutile, Davis Drewiske. Blessé l'an dernier, il n'a disputé que neuf matchs. Actuellement, il ne compte pas du tout dans les plans. Quand on y pense, le salaire de 650 000 dollars qu'on lui versera cette saison, c'est sensiblement la somme d'argent qui permettrait de garder Francis Bouillon avec l'équipe.

Faudra être patient

J'inviterais les gens à se souvenir de ce qui se passe durant les séries une fois le Canadien en vacances. On assiste à de grands spectacles offerts par des formations plus puissantes et nettement mieux équilibrées. Des équipes bâties pour les séries, très souvent

Comment la ligne du centre du Canadien, petite et parfois fragile, se serait-elle défendue contre celle des Kings, plus costaude, plus forte physiquement et nettement plus productive? Les petits attaquants du Canadien auraient-ils eu suffisamment d'énergie pour se rendre jusqu'au bout? Il est permis d'en douter.

On veut bien reconnaître la somme de travail qui a été abattue par Bergevin, par ses adjoints et par le personnel d'entraîneurs, mais ils sont eux-mêmes probablement tous d'accord pour reconnaître (pas publiquement bien sûr) qu'ils sont à deux ou trois bonnes saisons de pouvoir tenir tête aux meilleures organisations de la ligue. La majorité des équipes peuvent toutes assez bien se battre entre elles durant l'interminable calendrier de 82 matchs. Cependant, quand arrivent les séries, quand il faut tout donner soir après soir sans même prendre le temps de reprendre son souffle, quand on est à la merci d'une blessure à un joueur-clé, ça devient une bataille très différente.

Pour éviter d'être déçu, il serait préférable de ne pas trop penser à un défilé l'été prochain. Bergevin va continuer de remplumer son équipe et Michel Therrien de diriger sa troupe avec la poigne qu'on lui connaît. Les jeunes joueurs vont prendre du galon en espérant les voir exercer beaucoup de leadership malgré leur manque d'expérience.

Il y encore quelques faiblesses dans l'organigramme du Canadien. Par exemple, qui nous dit que les jeunes défenseurs Nathan Beaulieu et Jarred Tinordi sont fin prêts pour la ligue? C'est le plus gros point d'interrogation en ce moment. Si on était sûr de ça, Francis Bouillon ne serait pas dans le décor.

S'il n'y a pas d'odeur de coupe Stanley dans l'air, on peut vivre d'espoir en se disant que Bergevin a fait davantage pour redonner de la crédibilité à l'équipe que Bob Gainey et Pierre Gauthier l'ont fait durant leur neuf saisons ensemble. C'est déjà un bel accomplissement.

Un grand monsieur

Le parcours de golf Le Cerf, à Longueuil, vient de perdre l'un de ses joueurs les plus sympathiques et les plus enjoués. Le merveilleux comédien et inimitable raconteur d'histoires, Gilles Latulipe, n'amusera plus personne.

Il était un joueur de golf fort respectable. Son sac était particulier puisqu'il ne contenait que des bois.

Un jour que je jouais derrière lui, je l'ai vu placer la balle à quelques pieds de la coupe sur une normale 3 intimidante, assortie d'un lac, d'une longueur de 160 verges. « Quel bâton avez-vous utilisé pour réussir ce très beau coup? », lui a demandé quelqu'un.

« J'ai pris mon bois numéro 16 », a-t-il répondu le plus normalement du monde.

Un bois 16, on n'a pas souvent entendu parler de ça.

 C'est l'une des rares fois où monsieur Latulipe a réussi à nous faire rire sans même le vouloir.