MONTRÉAL - Le Canadien n’a pas seulement perdu samedi soir. Il s’est fait planter. Il s’est fait blanchir pour la troisième fois de la saison. Les trois fois au Centre Bell.

 

Si seulement les Jets avaient eu à trimer dur en attaque pour enfiler leurs cinq buts, on pourrait les féliciter. On pourrait reconnaître leur talent. Mais non! De Paul Stastny à Mathieu Perreault en passant par Nikolaj Ehlers, Andrew Copp et Andrew Forbort, les Jets n’ont eu qu’à attendre les grossières erreurs du Canadien ici, les pénalités du Tricolore là et les largesses de Jake Allen là-bas pour filer lentement, mais sûrement, vers la victoire.

 

À l’autre bout de la patinoire, Connor Hellebuyck a eu la vie facile. Non seulement le Canadien l’a mis à l’épreuve 19 fois seulement, mais bien peu de ces tirs se sont traduits par de grosses occasions de marquer.

 

Et ce n’est pas comme si le Canadien avait passé la soirée en contrôle de la rondelle ou avait mitraillé la cage des Jets sans arriver à lui toucher. Que non!  Le Canadien s’est contenté de décocher 38 tirs en direction de Hellebuyck. Une seule fois cette saison, le Canadien a décoché moins de tirs (35) et a cadré moins de rondelles sur la cage ennemie (18). C’était il y a un mois à Calgary où il avait bien sûr perdu. Mais le 11 mars dernier, le Canadien pouvait au moins prétexter avoir joué la veille à Vancouver. En plus, il ne s’était pas fait planter 5-0, mais avait limité les dégâts en perdant 2-1.

 

Samedi, il n’avait pas la moindre excuse pour justifier, ou à tout le moins tenter de justifier, une performance aussi désolante.

 

« La Ligne est mince entre une victoire et une défaite dans la LNH d’aujourd’hui. Et en ce moment, on est du mauvais bord de la ligne », que Dominique Ducharme a convenu après le match affreux qu’il venait de diriger ou de subir, c’est selon.

 

Parlant de Ducharme, l’entraîneur-chef se retrouve au milieu de sa première tempête depuis qu’il a hérité de l’équipe le 24 février dernier. Victime de 12 défaites après ses 20 premières rencontres derrière le banc (8-7-4-1), le coach par intérim vient de perdre quatre fois en temps réglementaire à ses cinq dernières parties. Le Canadien vient d’ailleurs d’encaisser trois défaites à la régulière consécutives pour la première fois de l’année.

 

Et comme si les choses n’étaient pas déjà assez difficiles comme ça, Auston Matthews, Mitch Marner et leurs coéquipiers des Maple Leafs de Toronto seront au Centre Bell lundi.

 

Situations différentes

 

La dernière fois que le Canadien a connu un tel passage à vide, Dominique Ducharme occupait le rôle d’adjoint. Une séquence d’une victoire en six matchs (1-3-1-1) a entraîné le congédiement de son ancien patron Claude Julien et sa nomination comme entraîneur-chef.

 

Le directeur général Marc Bergevin ayant assuré lors de la nomination de Ducharme que son poste était assuré d’ici la fin de la saison, l’intérim de Ducharme n’est sans doute pas menacé. Surtout qu’avec le couperet sur les transactions qui tombera à 15 h lundi, le directeur général du Canadien a bien d’autres choses à songer en ce moment qu’à procéder à un deuxième changement de coach.

 

Du moins il me semble...

 

Témoin privilégié de la glissade qui a mené au congédiement de Claude Julien, quelles comparaisons Dominique Ducharme dresse-t-il avec la glissade que son équipe traverse actuellement alors qu’il n’est plus seulement l’adjoint, mais le boss?

 

« Les situations sont différentes. Le hockey que les équipes jouent avec moins de 20 matchs à faire dans la saison n’est pas le même qui se jouait dans ce temps-là. À ce temps-ci de l’année, tu n’as pas besoin de faire cinq erreurs pour payer. Tu en fais une et tu payes direct », que Ducharme m’a répondu.

 

Cette réponse est un brin inquiétante. Car s’il est vrai que le niveau de jeu grimpe d’un cran dans la deuxième moitié de la saison, il semble tout aussi vrai que les joueurs du Canadien peinent à suivre la cadence depuis quelques rencontres.

 

D’ailleurs le Canadien n’a pas seulement commis une erreur samedi. Il les a multipliées. Offrant des buts bien trop faciles à ses adversaires. Jeff Petry et Shea Weber pour ne nommer qu’eux – ce qui est injuste tant leurs coéquipiers n’ont pas fait bien mieux – ont été particulièrement généreux en matière de cadeaux offerts aux Jets.

 

Et s’ils peinent à suivre en ce moment comme en témoignent les quatre revers lors des cinq derniers matchs, comment diable les joueurs de Ducharme s’en tireront lorsque le niveau grimpera plus encore dans le dernier droit du calendrier et davantage une fois en séries éliminatoires?

 

« Nos gars sont à l’aise. Ils comprennent bien ce qui doit être fait. Il faut juste est plus constant », que Ducharme a plaidé en rappelant que toutes les équipes connaissent à un moment ou un autre des séries de revers.

 

« L’important c’est comment tu réagis pour te sortir de ces séquences de défaites », que le coach a ajouté.

 

Incapable de coller des victoires...

 

Tout ça est bien vrai.

 

Champion en titre de la coupe Stanley, le Lightning a connu un passage à vide cette saison. Ils demeurent parmi les favoris pour gagner le gros trophée encore cette année.

 

Les Capitals ont perdu quatre fois de suite en temps réglementaire plus tôt cette saison. Ils sont premiers dans l’Est.

 

À Toronto, les Maple Leafs ont non seulement connu deux séquences de trois revers de suite en temps réglementaires de suite, ils n’ont gagné qu’une fois en sept matchs (1-6-0) entre les 4 et 19 mars.

 

Mais les Leafs ont aussi collé des victoires. Ils ont commencé la saison avec 18 victoires en 24 matchs (18-4-2-0) et ils débarqueront au Centre Bell lundi surfant sur des séquences de six victoires consécutives et de neuf gains à leurs 10 dernières parties (9-0-1).

 

Connor McDavid et ses Oilers n’avaient que trois victoires après neuf matchs cette saison (3-6-0). Ils ont d’ailleurs été blanchis 5-0 par Calgary samedi. Mais cette défaite était leur sixième lors des 17 derniers matchs (11-4-2-0) et ils ont signé 11 gains en 13 parties entre les 30 janvier et 25 février.

 

Les Jets qui viennent de battre le Canadien deux fois de suite et affichent maintenant six gains en huit matchs contre Montréal, n’ont pas encore perdu trois fois de suite en temps réglementaire cette saison. De fait, ils en ont encaissé deux consécutives une seule fois. Ils ont toutefois connu des séquences de sept victoires en huit parties et de six en neuf.

 

Contrairement aux Leafs, aux Jets et aux Oilers, le Canadien n’a pas fait contrepoids à ses passages à vide en surfant sur de longues séquences de victoires. Deux fois seulement, il a gagné trois fois de suite : une sous Claude Julien en début de saison lorsque l’équipe a connu ses meilleurs moments (7-1-1-1) une fois sous Dominique Ducharme.

 

Le Canadien pourrait se remonter le moral en se comparant aux Flames, aux Canucks ou aux Sénateurs. Mais ce serait indigne d’un club qui devrait facilement accéder aux séries avec les effectifs en place.

 

Mais attention! Bien qu’ils n’affichent que deux victoires à leurs dix dernières parties (2-8-0-0), les Flames ont encore cinq matchs à disputer contre le Canadien. Le Tricolore a beau avoir une avance de six points avec trois matchs de plus à jouer que les Flames, ces cinq duels Montréal-Calgary pourraient chambarder le classement si les Flames devaient maintenir leur domination aux dépens du Tricolore.

Car oui, les Flames ont gagné trois des quatre premiers affrontements jusqu’ici cette saison.

 

« On s’attend à une meilleure réaction de nos joueurs et on va prendre les moyens nécessaires », a assuré le coach après la dégelée de samedi.

 

Comment entend-il s’y prendre?

 

Passer moins de temps en zone défensive serait un coup de patin dans la bonne direction. Le Canadien passe tellement de temps dans sa zone soit à se laisser étourdir par l’adversaire, soit en multipliant les faux départs en relance, qu’il n’a plus de vigueur lorsqu’il se retrouve enfin en zone ennemie. Avec les conséquences néfastes que cela entraîne.

 

On l’a vu souvent lors des deux derniers revers aux mains des Jets.

 

Staal : en avant doucement

 

À l’image du reste de l’équipe, Eric Staal a connu un match bien ordinaire samedi. Exception faite des cinq mises en jeu qu’il a gagnées sur les neuf disputées et d’un différentiel de moins-1, aucune autre statistique, positive ou négative, n’est associée à son nom.

 

Après avoir marqué en prolongation pour compléter la remontée victorieuse de lundi dernier aux dépens des Oilers, Staal avance doucement. Conséquence de l’inactivité associée à sa quarantaine? Des premiers mois difficiles passés à Buffalo? De l’âge? Du manque de cohésion avec ses nouveaux coéquipiers?

 

« Ce n’est pas évident de rattraper le groupe, mais je ne suis pas du genre à chercher des excuses. La situation ne m’inquiète pas. Nous avons un bon groupe de joueurs ici. Nous devons juste jouer avec plus de cohésion pour s’appuyer davantage. On vient de connaître un match difficile. Ça arrive. Nous sommes tous en colère. Il faut que cela serve à nous regrouper afin de prendre le boulot demain (dimanche) pour être fins prêts pour le prochain match. Les parties se succèdent tellement rapidement, que tu dois vite les oublier pour passer à autre chose» , a indiqué Staal.

 

Leader respecté depuis des années dans la LNH et l’un des cinq membres du Canadien a déjà avoir soulevé la coupe Stanley, Eric Staal se sent-il déjà suffisamment à l’aise avec ses nouveaux coéquipiers pour prendre la parole afin de secouer le club?

 

« J’ai été très bien accueilli et je me sens chaque jour plus à l’aise avec le groupe. Cela dit, la meilleure façon d’assumer du leadership est de commencer par se regarder dans le miroir et de prendre les moyens pour être solide à l’entraînement et de transporter ça en situation de match. C’est ce que je compte faire dès demain (dimanche) dans le cadre de l’entraînement. C’est de cette façon qu’on se sortira collectivement de notre situation », a conclu Staal.

 

Allen : de bons arrêts, mais trop de buts

 

Un début de saison solide (4 victoires, 1 revers) combiné aux ennuis de Carey Price a valu à Jake Allen un appui immédiat des partisans du Canadien. Depuis, il n’a gagné qu’une fois en 10 parties (1-5-4-0).

 

Samedi, dans le cadre d’un troisième revers consécutif encaissé depuis qu’il a pris la relève à Carey Price pour lui permettre de soigner une blessure à une jambe, Allen a accordé cinq buts sur les 25 tirs des Jets.

 

Comme il l’a fait à plusieurs reprises dans cette séquence moins reluisante de dix matchs, Allen a réalisé quelques bons arrêts samedi. Mais il a accordé trop de buts. Dont un ou deux qu’il se devait de stopper.

 

Pas question ici de le lapider de critiques. Surtout dans la cadre du match de samedi alors qu’il a été très souvent abandonné par ses coéquipiers.

 

En prime, il a été victime d’une décision défavorable des responsables de Toronto qui ont accordé un but aux Jets – Nikolaj Ehlers a marqué le deuxième but avec un tir anodin – même si Mathieu Perreault a empêché Allen d’effectuer l’arrêt en entrant en collision avec sa mitaine.

 

Dominique Ducharme a aussitôt contesté le but.

 

Après une longue discussion avec les arbitres, le responsable de Toronto a décidé d’accorder le but parce que l’impact était accidentel – Perreault tournait le dos à Allen lorsqu’il y a eu impact – et parce que la mitaine du gardien du Canadien était à l’extérieur de la zone de protection réservée au gardien.

 

Les prétentions des officielles sont exactes. Tout comme l’application textuelle du règlement.

 

Mais quand un gardien ne peut effectuer un arrêt parce qu’un adversaire – dans ce cas-ci il est très difficile de démontrer, comme la LNH le prétend, que Perreault a tenté d’éviter l’impact – déplace une de ses pièces d’équipement, il me semble que la nature même de la règle est bafouée.

 

« On n’a pas perdu le match à cause de ce but-là. Mais s’il n’y a pas de contact, c’est un arrêt facile au lieu d’être un but. Cette décision nous a coupé les jambes », a indiqué Dominique Ducharme.

 

Mais au-delà cette décision défavorable, les résultats du match de samedi et des neuf parties qui l’ont précédé démontrent qu’il n’est pas évident de passer du rôle d’adjoint de qualité au rôle de gardien numéro. Pour Allen comme pour tous les autres qui se sont succédé dans le vestiaire du Canadien au fil des dernières années.

 

Jake Allen doit porter une part de blâme dans le fait que le Canadien a accordé 30 buts dans lors de ses 10 derniers départs. C’est indéniable.

 

Mais il faut aussitôt ajouter que ses coéquipiers sont loin de lui avoir facilité la tâche. D’abord en jouant du hockey poreux en défense, ensuite en lui offrant seulement 17 buts – moyenne de 1,7 par match – dans le cadre de ces dix parties. Dont deux que le Tricolore a perdu par blanchissage.

 

On a déjà vu plus confortables comme coussins.

 

Entre les lignes

 

-      La défaite par jeu blanc a porté ombrage à l’entrée en scène du défenseur Otto Leskinen qui disputait samedi son premier match de la saison – cinquième en carrière – avec le Canadien. Âgé de 24 ans, jamais repêché, Leskinen a disputé un match honnête en relève à Victor Mete. En 15 présences totalisant 16:05 d’utilisation, il a été plus efficace et plus solide en zone défenseur que Victor Mete.

 

-      Le Canadien s’est retrouvé avec un recul de quatre buts – et bien sûr de cinq buts – à combler pour la première fois de la saison...

 

-      L’attaque massive a été blanchie en trois occasions samedi soir. Elle n’a pas marqué à ses quatre derniers matchs (0 en 9) et n’a produit qu’un but (1 en 21) à ses sept dernières parties...

 

-      Dominique Ducharme a décidé de renvoyer Corey Perry au vestiaire lorsque ce dernier a écopé une pénalité d’inconduite (10 minutes) en troisième période. Une décision qui a privé le vétéran de revenir au jeu en fin de rencontre. « C’était la meilleure décision à prendre. Il y avait de l’intensité. Il s’est passé beaucoup de choses entre la fin de la deuxième période et la troisième. De toute façon, il serait resté une ou deux minutes à faire au match », a plaidé l’entraîneur-chef.

 

-      On peut conclure que cette intensité était, disons, explosive et que c’est pour éviter le pire que le coach a pris la décision qu’il a prise. Surtout que l’issue du match était réglée depuis un bon moment...

 

-      Le Canadien s’entraînera dimanche et devrait profiter d’un congé lundi matin à quelques heures de la fin de la période des transactions (15 h lundi) et du sixième affrontement de la saison contre les Maple Leafs de Toronto...

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