Joël Bouchard semble posséder tous les atouts pour amener sa carrière à un palier supérieur. Il montre autant de clairvoyance dans ses responsabilités d’administrateur au niveau du hockey junior qu’il a démontré de courage durant sa carrière d’athlète.

L’homme qui s’apprête à se frayer un chemin jusqu’à l’organisation du Canadien a du vécu. Un défenseur de bonne carrure, il a évolué dans les Ligues internationale, américaine et nationale en portant les couleurs de 15 formations différentes, dont huit dans le circuit Bettman.

Il a souvent été blessé. Il même frôlé la mort en 2000, peu de temps après avoir été acquis à la fin de la période des transactions par les Stars de Dallas. Une méningite, qui lui a fait perdre 20 livres, a failli l’emporter. On est passé si près d’une tragédie dans son cas que sa famille avait même été convoquée à son chevet au cas où...

La maladie et les épreuves ont contribué à le faire grandir. Bouchard l’ignorait à l’époque, mais le hockey, qui n’a jamais fait de lui un candidat au trophée Norris, allait éventuellement le mener ailleurs. Après avoir remisé ses patins, il s’est forgé une carrière derrière le banc qui lui permet aujourd’hui d’être reconnu comme une tête de qualité dans le hockey junior canadien, au point d’être convoité par le Canadien pour un rôle qui a déjà été discuté entre Marc Bergevin et lui.

Bouchard a bâti des équipes qui ont connu leur large part de succès dans son triple rôle de président, directeur général et entraîneur. D’ailleurs, il a récemment été élu l’entraîneur de l’année dans la Ligue junior majeur du Québec. On présume qu’il se laissera tenter par l’approche du Canadien car dans ce milieu, quand le train passe, ce n’est jamais souhaitable de le laisser filer sans embarquer. Qui sait quand une seconde chance comme celle-là surviendra?

Un ami et un tuteur

Daniel Brière et Bouchard sont des amis et des partenaires financiers dans l’Armada de Blainville-Boisbriand. Leur amitié remonte à la saison 2000-2001 quand ils ont été des compagnons d’infortune au sein des Coyotes de Phoenix. Brière, qui avait 22 ans à l’époque, tentait toujours de faire sa place dans la Ligue nationale. Bouchard, de quatre ans son aîné, évoluait avec cette équipe parce que Phoenix était la seule formation qui avait voulu de lui après sa méningite. Ils ont eu pleinement le temps de faire connaissance et de développer leur amitié parce qu’ils avaient passé la majeure partie de la saison dans les gradins.

« Il a été très bon pour moi, rappelle Brière. J’étais jeune et immature. Il m’a beaucoup aidé à traverser des moments moralement difficiles quand je jouais peu au début de ma carrière. Il m’a enseigné à devenir un professionnel, à contrôler les seuls éléments que je pouvais contrôler et à saisir mes chances quand elles se présentaient. »

Dans son rôle improvisé de tuteur, Bouchard lui a conseillé comment réagir dans certaines situations, en insistant constamment sur le fait qu’il aurait sa chance s’il se montrait patient. Il ne voulait surtout pas qu’il perde son calme en commettant un geste stupide qui aurait pu lui nuire à long terme.

Brière, qui a connu une brillante carrière qui l’a rendu plusieurs fois millionnaire, a su profiter de ses judicieux conseils. Aujourd’hui, il est fort bien placé pour tracer le portrait de celui qui a un pied dans la porte du Centre Bell. Il parle de Bouchard comme d’un homme intelligent capable d’analyser et de bien saisir les gens, principalement les joueurs qui évoluent sous ses ordres. Avec l’Armada, il tente de les guider de la même façon qu’il l’a fait avec lui, il y a 18 ans déjà.

« Joël a un talent inné pour comprendre les joueurs qu’il dirige, explique-t-il. Il est capable de bien lire les situations en étant sans doute capable de se placer dans leurs patins. Cela lui a permis de connaître du succès avec des formations qui ne suscitaient pas de grandes attentes. C’est l’un de ses grands atouts. »

Brière le décrit aussi comme un homme de hockey qui a une grande capacité d’adaptation dans diverses situations. Il analyse avec précision le comportement de ses joueurs, une qualité qui n’est pas donnée à tout le monde, selon lui, parce que les joueurs ont tous leurs petites idées sur la façon de faire les choses. Sa force, c’est sa capacité d’obtenir ce qu’il veut de tout le monde.

« J’ignore si une organisation professionnelle va l’inciter à faire le saut, mais il n’y a aucun doute dans mon esprit qu’il est un excellent communicateur capable de faire une différence », dit-il.

L’expérience acquise par Bouchard dans un rôle de directeur général sera sans doute précieuse dans la prochaine étape qui l’attend. On croit souvent à tort que la mission d’un DG est surtout de concocter des transactions, mais il doit pouvoir évaluer le talent, être capable de projeter son équipe dans l’avenir et jouir d’une profonde connaissance de son sport et du milieu dans lequel il travaille. C’est un peu ce qu’on a vu de lui à Blainville-Boisbriand.

Brière et Bouchard ont souvent eu des échanges concernant l’évolution qui doit marquer le hockey. Le patron de l’Armada avait des idées très personnelles sur le sujet. Sa façon de décrire la direction que doit prendre le hockey et la manière de s’y prendre pour en assurer l’avenir font de lui un homme intéressant pour n’importe quelle organisation de la Ligue nationale. Encore plus pour une équipe comme le Canadien qui a grandement besoin de mettre ses méthodes au goût du jour.

Un match à Las Vegas

Daniel Brière n’est pas totalement désintéressé par ce qui se passe à Las Vegas où une équipe d’expansion est en train de faire un malheur dans la Ligue nationale. Il y a joué un match en 1998 quand les Coyotes lui ont demandé de disputer une partie avec le Thunder, de la Ligue internationale, afin de s’assurer qu’il était en mesure de retourner au jeu à la suite d’une blessure. Il a amassé un but et une passe dans ce match et il n’y est plus jamais retourné.

Il constate que la situation a beaucoup changé à Las Vegas. L’édifice abritant le hockey était d’abord reconnu comme une salle de concert. Il n’y avait pas de sièges derrière les buts.

« C’est fou ce qui se passe là-bas. On ne réalise pas à quel point c’est gros de recruter des joueurs mal aimés par toutes les équipes de la Ligue nationale, de les regrouper et d’utiliser cette force pour déjouer les calculs des experts », affirme Brière qui est en train de faire ses classes chez les Flyers de Philadelphie.

La fin d’une époque

Donald Beauchamp a rencontré une dernière fois ses confrères et consoeurs de travail, a ramassé ses effets personnels et a quitté son bureau du Centre Bell mardi. C’est une page importante qui a été tournée avec le départ de celui qui a dicté les règles du jeu entre les médias et la direction du Canadien pendant exactement 25 ans. Une tranche de vie sur le plan personnel.

Il est loin d’être inquiet pour la suite des choses. Le téléphone a déjà sonné, mais il ne faut pas s’attendre à connaître sa prochaine destination avant la fin de l’été. Entretemps, il profitera de la saison estivale pour décanter ses 25 années de hockey sans coupe Stanley.

On devrait confirmer sous peu l’identité de son successeur. Paul Wilson, du cabinet de relations publiques National, a déjà les deux pieds dans la place.