D’aussi loin que je me souvienne, j’ai rarement été témoin d’une telle sérénité à l’occasion du tournoi de golf annuel du Canadien. Il n’y avait pas une once de controverse dans l’air. On ne pouvait pas prétendre que c’était le calme avant la tempête, car il n’y avait aucune tempête en vue.

Tous les scénarios autour du contrat très souhaité de Carey Price étaient du passé. Max Pacioretty semblait de plus en plus solide dans ses responsabilités de capitaine. Les nouvelles des départs d’Alexander Radulov et Andreï Markov étaient déjà vieilles de quelques semaines. De son côté, la direction de l’équipe s’est gardé une petite gêne en évitant de faire allusion à une possible coupe Stanley.

N’eût été la déclaration de Marc Bergevin, qui a affirmé avec beaucoup de sérieux avoir amélioré son contingent de défenseurs malgré les départs de Markov, de Nathan Beaulieu et d’Alexei Emelin, personne n’aurait eu à écarquiller les yeux de toute la journée.

Bergevin, Geoff Molson et Claude Julien ne pouvaient quand même pas se présenter devant la cohorte des médias en affichant une inquiétude marquée au sujet de la prochaine saison. En y allant d’un optimiste modéré, ils ont juste essayé de ne pas trop en mettre.

Personne n’avait les épaules rivées au mur en appréhendant une question embarrassante. J’imagine que Donald Beauchamp n’a pas eu à travailler très fort pour les préparer aux questions «potentiellement dangereuses» qu’ils étaient susceptibles de recevoir. Disons qu’on était loin du malaise créé autour de Michel Therrien concernant Pacioretty l’an dernier.

Jonathan Drouin a répété ce qu’on lui a fait dire tout l’été. Shea Weber a admis se foutre royalement du partenaire qu’on allait lui désigner à la ligne bleue.

Généreux avec les gens prospères qui ont englouti quelques milliers de dollars dans cette activité très courue, Price semblait aussi presque content de revoir les journalistes avec lesquels il est pourtant si avare de commentaires, une fois l’hiver venu.

Si je me fie sur tout ce que j’ai entendu du premier fore jusqu’au dernier verre de vin de la soirée, l’opinion concernant la prochaine saison est quasi générale. On ne parle plus de la coupe Stanley. On est en mode attente. Le public le plus connaisseur se doute bien que ce n’est pas cette équipe-là qui peut patiner vers la terre promise.

Peut-être garde-t-on en mémoire les excitantes séries du printemps dernier au cours desquelles on a réalisé à quelque point le Canadien est encore loin de pouvoir se mesurer aux meilleurs jusqu’en juin. Ce n’était pas vrai que l’équipe était à un ou deux éléments près de gagner la coupe. Et imaginez, Radulov et Markov étaient encore sur place à ce moment-là.
 

Lundi, à Laval-sur-le-Lac. Les riches hommes d’affaires, qui permettent de remplir les coffres déjà bien garnis du Canadien année après année, semblaient prêts à attendre une année de plus avant de s’enflammer. Il y avait un fond de résignation dans l’air. Ils s’y connaissent en hockey eux aussi. Ils savent bien que l’attaque a besoin d’aide et que la défense a des failles évidentes. Bref, pour une vraie profession de foi, il faudra attendre.

Mais notez que tout cela pourrait vite changer. Si jamais le directeur général utilisait son importante marge de manoeuvre financière pour mettre la main sur une perle rare, un vent d’enthousiasme hors contrôle, comme on en voit si souvent, déferlerait sur le Québec.

Bergevin subit la critique, mais on ne peut pas dire que c’est un directeur général inactif et ce, même si le succès se fait attendre. Il tente des choses. Il tend des perches, mais le type d’oiseau rare qu’il recherche ne court pas les rues. Ses tentatives pour remplumer l’équipe lui ont valu d’ajouter Weber, Radulov, Danault, Byron, Shaw, Montoya, Benn, Schlemko, Alzner et Hemsky à la formation en moins de deux ans.

On n’a aucune idée de ce qu’il entend faire de la portion inutilisée de son portefeuille, mais comme il est payé très cher pour prendre des décisions corsées, c’est à lui de dénicher le joueur susceptible de faire la différence. On se surprend à souhaiter que la solution ne se trouve pas du côté du Colorado où les sons de cloche concernant Matt Duchene ne sont pas très positifs. Comme il est toujours un membre en règle de l’Avalanche, le geste qu’il a posé récemment, en patinant avec un chandail blanc, levant ainsi le nez sur celui de l’équipe, constitue un manque de respect flagrant envers une organisation qui lui a versé plus de 17 millions de dollars au cours des trois dernières années, tout en l’assurant d’une autre tranche de 12,5 millions durant les deux prochaines saisons. Moi, je me méfierais d’un jeune homme de 26 ans, déjà super riche, qui s’imagine plus important que l’entreprise qui le paie.

Par ailleurs, quand on tient compte de ce que Radulov a obtenu à Dallas, peut-on adresser le moindre reproche à Bergevin dans ce dossier? On souhaite juste aux Stars que les dernières années de contrat de leur gros ailier ne leur semblent pas interminables.

Certes, on aurait bien aimé que Markov revienne pour une dernière saison, mais ses dernières négociations avec l’équipe dénotaient une nette intention de sa part de rentrer à la maison. Le Canadien lui proposait une diminution salariale, tout en lui offrant certaines clauses à bonis qu’il avait assez facilement méritées dans le passé. Le vétéran défenseur se disait prêt à accepter un contrat d’un an assorti d’une augmentation significative. Markov, qui a probablement empoché plus de 70 millions durant sa brillante carrière à Montréal, n’a pas démontré une très grande allégeance à l’organisation s’il a vraiment tourné le dos au Canadien pour quelques centaines de milliers de dollars. Je préfère croire que le désir de retourner dans son pays, où il a épousé une magnifique compatriote durant l’été, a pesé plus lourdement dans la balance.

Markov aurait pu être utile la saison prochaine, mais pas au salaire d’un statut de super vedette qu’il ne possède plus. Reste néanmoins que s’il était resté pour un dernier tour de piste, on s’inquièterait moins des conséquences des nombreux chambardements qu’a subis la défense depuis que l’équipe a disputé son dernier match.

Therrien n'est pas un éclaireur

On est allé vite aux conclusions quand on a mentionné que Michel Therrien effectuera du travail pour le Canadien en Floride l’hiver prochain. Therrien, qui s’y établira en permanence, a l’intention de passer plusieurs soirées sur les galeries de presse à Tampa et à Sunrise. Il a simplement demandé à Marc Bergevin s’il pouvait profiter d’un laissez-passer l’identifiant au Canadien.

C’est clair qu’il lui arrivera à l’occasion de refiler une information ou deux à son ancien patron, mais il n’est pas tenu d’effectuer du boulot pour le Canadien durant l’année de contrat qu’on lui doit. Pour ceux qui se demandent pourquoi il aurait la générosité de donner un coup de main à l’homme qui l’a congédié, la réponse est fort simple. Therrien reconnaît sans doute que Bergevin est celui qui lui a mis plusieurs millions de dollars dans les poches depuis cinq ans.

On ne se contera pas d’histoires. En jetant un coup d’oeil sur toutes les équipes qui viendront affronter le Lightning et les Panthers, l’ex-entraîneur cherchera surtout à rester visible dans les cercles du hockey avec l’objectif premier de retourner derrière le banc.

En d’autres termes, Therrien ne travaille pas pour le Canadien. Il travaille pour lui-même.