Parce qu’ils occupaient les deux dernières places au classement général, parce que le Canadien disputait un premier match devant ses partisans après une séquence de quatre consécutifs à l’étranger, parce que le Kraken complétait, samedi soir, au Centre Bell, un voyage de cinq matchs au cours duquel il n’avait pas encore gagné, je m’attendais à tout sauf à un solide match de hockey.

Les trois arrêts de jeu sifflés lors des 42 premières secondes du match ont vite semblé vouloir me donner raison.

Soudainement : tout a changé.

Bon! le Canadien et le Kraken ont multiplié les erreurs, les mauvaises passes, les revirements. Le Tricolore a bousillé pas un, pas deux, pas trois, pas quatre, pas cinq, mais bien six attaques massives bien comptées. Yanni Gourde s’est d’ailleurs permis de donner les devants 1-0 à son équipe justement pendant une supériorité numérique. N’eût été une contestation du Canadien pour un hors-jeu initialement raté par les juges de lignes, le Kraken aurait même doublé son avance au cours de la même pénalité écopée par Ryan Donato.

Le Kraken a aussi connu ses moments difficiles.

Les deux clubs ont ainsi prouvé que ce n’est pas juste en raison des blessures et de la malchance qu’ils sont exclus de la course aux séries depuis longtemps. En fait, qu’ils n’ont jamais été dans la course.

Amateurs festifs et heureux

Mais voilà : en dépit toutes les erreurs relevées au fil de la rencontre, le Canadien et le Kraken ont toutefois offert un match enlevant, intéressant et très divertissant aux plus de 20 000 amateurs venus remplir le Centre Bell pour la première « vraie » fois depuis le 9 décembre alors que Marc-André Fleury avait blanchi le Tricolore 2-0 pour signer sa 500e victoire en carrière dans la LNH.

Si ce n’était pas toujours beau sur la patinoire, ce l’était dans les gradins où les amateurs étaient heureux. Ça se voyait. Ça s’entendait.

C’est d’ailleurs la foule qui a offert le principal fait saillant des 60 premières minutes de jeu. En fin de troisième période, même si leurs favoris avaient bousillé six attaques massives et qu’ils tiraient de l’arrière par un but avec moins de cinq minutes à faire, les amateurs ont uni leurs efforts et leur enthousiasme pour amorcer une vague qui a fait plusieurs fois le tour de l’enceinte.

Une vague quand le Canadien est en voie de signer une victoire convaincante, que Carey Price a multiplié les arrêts solides ou qu’une de ces vedettes a rempli le filet adverse, on a vu ça souvent.

Mais une vague lancée quand le Canadien est en voie d’encaisser une deuxième défaite consécutive, je ne me souviens pas d’avoir été témoin de ça bien souvent.

Et c’est de cette vague qu’est finalement sorti le but égalisateur dont Nick Suzuki a hérité après que le défenseur Adam Larsson eut fait dévier la rondelle derrière son gardien.

Cette vague a donné le ton.

Car non seulement a-t-elle contribué – d’une façon ou d’une autre – à la remontée de deux buts effectuée par le Canadien au dernier tiers, mais elle a mis la table à une prolongation enlevante au possible qui a été suivie d’une séance de tir de barrage plus enlevante encore. Une fusillade au cours de laquelle les gardiens Samuel Montembeault et Philipp Grubauer ont effectué 13 arrêts consécutifs avant que le gardien du Canadien n’accorde le but décisif à Marcus Johansson.

Malgré l’issue du match, la ferveur des amateurs n’a pas diminué. D’ailleurs, alors que Martin St-Louis et son équipe étaient déjà en route vers Dorval où l’attendait l’avion à bord duquel ils ont effectué l’envolée vers Philadelphie – le Canadien y croisera les Flyers dimanche soir – des partisans prolongeaient la fête dans plusieurs coins du Centre Bell.

Sélections intéressantes...

Ils auraient été plus nombreux si Ben Chiarot avait été en mesure de marquer sur le tir parfait qu’il a décoché de l’enclave au lieu de voir le gardien Grubauer lui voler un but gagnant avec un geste vif de la mitaine.

Ils auraient été plus nombreux à fêter si Rem Pitlick et Cole Caufield n’avaient pas raté la cible lors des deux premières chances du Canadien en tirs de barrage. Si Suzuki, Mike Hoffman et Paul Byron, n’avaient pas ensuite été victimes d’arrêt du gardien du Kraken avant que Joel Armia ne rate la cible à son tour et que Michael Pezzetta soit lui aussi frustré par Grubauer.

Vous avez bien lu.

Armia et Pezzetta ont été les deux derniers joueurs du Canadien à s’élancer en fusillade. St-Louis les a préférés à Josh Anderson, Brendan Gallagher et Artturi Lehkonen qui surfait pourtant sur une séquence de six buts à ses cinq derniers matchs. Six buts auxquels il aurait pu en ajouter un, deux, peut-être trois plus tôt dans le match tant il a encore, samedi, obtenu de bonnes occasions de marquer.

Pezzetta avait marqué plus tôt au cours de la partie qu’a indiqué St-Louis. Il aimait son comportement sur le banc. Il a senti que l’occasion était belle. Il a donc misé sur son gros marqueur de cinq buts alors que son meilleur franc-tireur est demeuré au banc.

Une critique à l’endroit de St-Louis?

Pas du tout! Les tirs de barrage n’ont rien à voir avec le vrai hockey. Parfois, des joueurs dont on sous-estime la touche offensive peuvent surprendre parfois. Inversement, d’autres joueurs plus doués peuvent décevoir plus souvent qu’autrement.

St-Louis avait un sentiment, il l’a suivi. À en juger par la réaction de la foule qui s’est levé d’un coup pour accueillir et encourager Pezzetta, il est clair que le coach n’était pas le seul à trouver qu’il s’agissait d’une bonne idée.

Surtout qu’un ancien coéquipier de Pezzetta avec le Rocket de Laval, Antoine Waked, a salué par le biais de Twitter la décision de St-Louis en expliquant que Pezzetta était l’un des bons joueurs du club-école en situation de tirs de barrage.

Il n’y a pas qu’en fusillade qu’Anderson et Gallagher ont été gardés au banc. Ils l’ont aussi été en prolongation. Une prolongation au cours de laquelle, St-Louis semble vouloir miser sur la vitesse d’abord et avant tout.

On a vu Suzuki et Caufield avec Jeff Petry. On a vu Pitlick et Hoffman avec Chiarot. On a vu Jake Evans et Lehkonen avec Brett Kulak. Et c’est tout.

Gallagher n’est pas armé pour briller en prolongation. Il n’a pas la vitesse pour compléter ses coéquipiers et contrer les adversaires.

Mais Anderson?

Il sera intéressant de voir combien de temps les combinaisons utilisées samedi dureront. Combien de temps il faudra aux entraîneurs pour décider de remplacer un Lehkonen par exemple par Anderson qui est un meilleur marqueur que l’infatigable patineur finlandais.

Il sera plus intéressant encore de voir comme St-Louis jonglera avec ses effectifs lorsque Jonathan Drouin et Christian Dvorak, qui se rapprochent d’un retour au jeu, viendront compliquer davantage les sélections; viendront les rendre encore plus intéressantes à analyser.

Bon! Ce ne sera pas pour dimanche soir alors que le Canadien a fait le voyage en direction de Philadelphie avec les effectifs requis pour le match – Drouin, Dvorak et les autres blessés sont demeurés à Montréal – mais ça viendra.

Comme quoi en dépit le fait que le Tricolore et son nouveau coach soient éliminés de la course aux séries, tout plein de facteurs rendront la fin du saison intéressante à suivre, à analyser.