TORONTO - Le rapprochement est facile à faire. Peut-être trop. Mais la finale de la Coupe du monde opposant le Canada à l’Europe ravivera le débat Price-Halak qui a tant divisé les partisans du Canadien en 2010.

Six ans plus tard, il n’y a plus de débat. Même les plus ardents défenseurs de Jaroslav Halak n’oseraient plus clamer que le Canadien a fait une erreur en favorisant Price plutôt que son ancien coéquipier slovaque.

Mais quand même.

Le fait de revoir les deux gardiens sur la même patinoire, mais dans des uniformes ennemis fera jaser. D’autant que les rôles de fortement négligés face au Canada et à Carey Price assureront Équipe Europe et Jaroslav Halak d’un capital de sympathie certain. Est-ce que ce sera suffisant pour faire contrepoids à l’avantage du Canada et de celui qui est considéré comme le meilleur gardien de but au monde actuellement?

Non.

Mais le rôle de négligé va comme un gant au gardien slovaque, à son équipe et à ses coéquipiers.

Directeur général d’Équipe Canada, Doug Armstrong est aussi le directeur général des Blues de St Louis. Des Blues qui ont acquis les services d’Halak après la saison 2009-2010 en retour de Lars Eller. À ce moment, Halak était en pleine gloire à Montréal au terme des séries sensationnelles qu’il avait disputées sous les yeux de Carey Price alors confiné dans un rôle de spectateur et d’adjoint. Des séries au cours desquelles il avait grandement contribué aux éliminations surprises des Capitals de Washington et des Penguins de Pittsburgh avant de baisser pavillon contre les Flyers de Philadelphie en finale de l’Est.

Bien que les Blues aient décidé de l’échanger aux Sabres de Buffalo afin de mettre la main sur le vétéran Ryan Miller qu’ils croyaient plus en mesure de les mener aux grands honneurs, Doug Armstrong garde un excellent souvenir de Jaroslav Halak.

« C’est un excellent gardien. Il l’a d’ailleurs prouvé depuis le début du tournoi. C’est un gars très calme, concentré, un gars qui se plaît à demeurer dans l’ombre. Des caractéristiques qui se fondent très bien avec celles de l’Équipe Europe. »

Pour que l’Europe ait simplement une chance de tenir tête un tant soit peu au Canada, Jaroslav Halak devra offrir des performances similaires à celles qu’il a connues lorsqu’il est devenu un héros à Montréal au printemps 2010.

Il le sait très bien.

Mais lorsqu’il a été mention de sa confrontation avec Carey Price alors qu’il portait encore un survêtement imbibé de la sueur produite au cours de sa victoire aux dépens de la Suède, Jaroslav Halak a simplement répliqué : « Ce n’est pas de cette façon que j’entrevois la finale. Je vais simplement tenter d’égaler ses performances pour donner une chance de victoire à mon équipe. »

Carey Price se présentera devant les journalistes ce matin seulement. Mais je suis convaincu qu’il ne fera rien lui non plus pour attiser une confrontation dont il se passerait bien. Surtout qu’en raison de la puissance de l’équipe qui évolue devant lui, Price n’aurait pas grand-chose à gagner. Peut-être même rien. Car s’il a le dessus sur son vis-à-vis on dira que c’est tout à fait normal et que s’il devait être surpris par Halak et son club, cela relancera une polémique un brin ou deux inutile. Peut-être même trois...

Luttes fratricides

Le duel Canada-Europe en finale créera plusieurs confrontations bien plus directes que celle impliquant Price et Halak.

De fait, Jaroslav Halak devra davantage se méfier de son coéquipier John Tavares que de Carey Price. Car s’il ne peut rien de rien contre Price, Halak aura les mains pleines tant son capitaine avec les Islanders connaît un tournoi de qualité.

Capitaine de l’Équipe Europe, Anze Kopitar est aussi le capitaine des Kings de Los Angeles. Kopitar et Marian Gaborik croiseront régulièrement leur coéquipier défenseur Drew Doughty et peut-être aussi Jake Muzzin. « Je m’attends à recevoir quelques invectives et peut-être quelques coups de bâton », a indiqué Kopitar lorsqu’on lui a demandé de faire une projection sur ce que Doughty lui réserve en finale.

Marian Hossa croisera son capitaine Jonathan Toews et peut-être son gardien Corey Crawford.

Il sera intéressant de voir comment les défenseurs Zdeno Chara et Dennis Seidenberg réagiront devant Patrice Bergeron et Brad Marchand. Est-ce que la petite peste osera tenter de faire perdre la tête à son capitaine ou son ancien coéquipier dont le contrat a été racheté par les Bruins? Est-ce qu’inversement, Chara tentera de clouer Marchand dans la bande avec un bon coup d’épaule?

Roman Josi retrouvera son ancien professeur et parrain avec les Predators de Nashville en Shea Weber.

Parce qu’ils n’ont pas encore partagé le vestiaire des Sharks avec lui, Marc-Édouard Vlasic, Brent Burns, Logan Couture et Joe Thornton pour souhaiter la bienvenue d’une manière bien différente à Mikkel Boedker si jamais il est envoyé dans la mêlée pour une première fois du tournoi.

Sans oublier Claude Giroux qui pourrait croiser Mark Streit et Pierre-Édouard Bellemare si Mike Babcock lui fait confiance en finale.

Babcock c. Krueger

C’est d’ailleurs Mike Babcock qui aura le défi le plus étroit à relever face à l’Europe. Car Babcock a fait appel à Krueger pour l’appuyer au sein de son équipe d’adjoint lors des Jeux olympiques à Sotchi.

« C’est une excellente tête de hockey. Il est organisé. Il sait préparer une équipe, préparer ses joueurs. La preuve est faite avec leur présence en finale. Je n’avais pas hésité une seconde à faire appel à ses services en raison de ses connaissances du hockey européen. Je voulais m’assurer de prendre tous les moyens à notre disposition pour maximiser notre rendement sur une patinoire de grandeur olympique. Sa contribution avait été optimale », a convenu Babcock qui parle de Krueger comme d’un ami.

En passant, l’entraîneur-chef du Canada a déclaré plus tôt cette semaine qu’il avait dressé sa liste personnelle des quatre équipes qui devaient composer le carré d’as. Maintenant que la finale opposera son équipe à l’Europe, Babcock a indiqué que trois des quatre clubs dont il avait inscrit les noms se sont rendus dans le carré d’as. Il n’a pas voulu dévoiler l’identité des deux équipes qui l’ont fait mentir...

Est-ce qu’il sera dangereux d’avoir un tel « ami » à la tête du camp ennemi?

« Cet homme de hockey n’obtient pas le crédit qui lui revient. Il est clair qu’il connaît bien Mike (Babcock) qu’il nous connaît tous et qu’il connaît notre système sur la glace et notre façon d’opérer autour de l’équipe. Nous n’aurons donc pas de secret pour lui. Est-ce que ce sera un désavantage? Peut-être un peu. Cela dit, nous sommes une équipe qui dicte les choses sur la glace. Nous voulons que ce soient les autres clubs qui s’ajustent à nous et non le contraire », a mentionné Armstrong qui a lui aussi travaillé avec Ralph Krueger à Sotchi.

« Au-delà toutes ses connaissances et ses compétences, au-delà le travail exceptionnel que Ralph a fait à la barre de cette équipe qu’il a su mettre sur pied et façonner au cours des trois dernières semaines, nous aurons à prendre nos responsabilités comme équipe. Honte à nous et à nos joueurs si nous osons les prendre à la légère. Cette équipe compte sur d’excellents joueurs de hockey. Sur des gars qui ont gagné des coupes Stanley. Il y a du talent, il y a du leadership et il y a de la conviction de pouvoir gagner dans leur vestiaire. En plus, ils ont des structures solides et un système qu’ils ont acceptés et qu’ils appliquent à la lettre. Ce sera loin d’être facile », a poursuivi Doug Armstrong.

Prudent et méthodique

À l’image de son équipe qui joue du hockey très prudent et plus méthodique encore sur la patinoire, Ralph Krueger s’est bien gardé de triompher lorsqu’il a été question de l’affrontement qui l’attend contre ses amis Mike Babcock et les autres membres du groupe d’entraîneurs et Équipe Canada.

« Je tiens d’abord à remercier la LNH et l’Association des joueurs pour avoir eu l’idée géniale de mettre sur pieds l’Équipe Europe et m’avoir donné le privilège de la diriger. »

Malgré le travail formidable accompli jusqu’ici, malgré ses victoires contre les États-Unis et la Suède, des victoires qui ne sont pas sans rappeler l’exploit de l’équipe Suisse qu’il dirigeait aux Jeux de Turin et qui a sorti le Canada, Ralph Krueger ne rêve pas à un retour dans la LNH. Un retour qui lui permettrait d’effacer son expérience un brin difficile avec les Oilers d’Edmonton en 2012-2013.

« Je suis associé à l’Équipe Europe grâce à la compréhension et la coopération du propriétaire de l’équipe de football (soccer) de Southampton. J’ai un plaisir fou à travailler avec l’Équipe Europe, mais pour le moment, le football est tout ce qui me préoccupera une fois le tournoi terminé. Il ne faut jamais dire jamais, mais pour l’instant, je suis associé à Southampton. J’ai accepté le défi que m’offrait la Coupe du monde, car je savais qu’il serait très difficile et que l’expérience que j’allais en tirer me servirait dans mes autres fonctions. Et cela me servira dès mon retour avec Southampton », a conclu Krueger.

En passant, son équipe a gagné 3-0 dimanche contre West Ham. Et il a suivi le match à la télé jusqu’à la toute fin, soit une quinzaine de minutes avant le match de demi-finale contre la Suède...