Le terrible accident survenu il y a quelques jours dans l’Ouest canadien n’a pas que décimé une équipe; il a anéanti des familles, une ville et un pays. En apprenant la nouvelle, j’ai été bouleversé. Mon premier réflexe n’a pas été celui d’un spécialiste en psychologie sportive, mais plutôt celui d’un parent.

 

J’ai pensé au nombre de fois où mon garçon, joueur de hockey, a pris ce genre de bus pour se rendre à une compétition. J’ai eu honte d’être heureux de n’avoir jamais reçu une telle nouvelle. On sait que le danger est présent, mais on préfère l’ignorer. Pour moi, l’horrible coup de fil n’est jamais venu et, égoïstement, j’en suis reconnaissant au hasard, à la vie, à Dieu et aux conducteurs de ces bus qui parcourent des milliers de kilomètres avec des jeunes pleins d’espoirs.

 

Tous les parents comprennent que leurs enfants doivent rivaliser avec les meilleurs de leur niveau pour développer leur talent et s’épanouir. C’est vrai dans tous les sports. C’est pourquoi on accepte qu’ils quittent la famille et la maison pour s’élancer vers leurs rêves. Ils partent plein de projets, de certitudes. À cet âge, on a une confiance infinie en soi, on se sent invulnérable et éternel. Et puis voilà... Un camion traverse la route...

 

Les prochains jours et les prochaines semaines seront effrayants. Pour la petite communauté de Humbolt, naturellement, mais aussi pour les parents de ces jeunes qui ont péri sans raison. Comment accepter une telle nouvelle? Un enfant ne doit jamais mourir avant ses parents. Jamais! Mais, encore une fois, c’est arrivé.  

 

Il est difficile de mesurer le degré d’horreur que quelqu’un vivra dans ces situations. Toutefois, peut-être l’avenir sera-t-il encore plus lourd et sombre pour ces jeunes qui ont survécu.

 

« Pourquoi moi? » se demanderont-ils. « Pourquoi mes amis sont-ils morts, alors que moi, je suis ici? »

 

Si je remets mon chapeau de docteur en psychologie sportive, je dirai que je souhaite d’abord qu’on leur offre (aux joueurs et aux parents) tout le soutien psychologique nécessaire. Ils en ont besoin. Et le plus tôt sera le mieux. Je suis d’ailleurs convaincu que ce processus est déjà en marche, parce que c’est comme ça qu’on aurait agi ici, dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. 

 

J’ai eu à m’occuper d’une situation du genre avec le Cirque de Soleil. C’était moins catastrophique, parce qu’il y avait moins de morts, mais pas moins dramatique. Il faut trouver les mots qui apaiseront, qui diminueront la colère et les remords. La souffrance de ces jeunes hockeyeurs est réelle et profonde. C’est un cauchemar qui les suivra pendant des années, sinon toute leur vie. Ils se sentiront coupables d’être vivants alors que leurs amis sont disparus. Il est possible que le choc post-traumatique et peut-être même la dépression les guettent. Il n’y a pas de justice dans ces drames. Il n’y a que des questions qui n’auront jamais de réponse.

 

Il faut montrer aux survivants qu’ils n’ont rien à se reprocher. Ils n’ont commis aucun acte blâmable. Ils ont simplement été témoins d’un hasard monstrueux qui a fauché leurs amis. Il faut leur faire comprendre qu’ils ne doivent pas se refermer sur eux-mêmes. En leur mémoire, en pensant à ces coéquipiers qui sont partis, ceux qui restent doivent, au contraire, vivre pleinement. Ils doivent le faire parce que c’est ce que les disparus auraient souhaité; parce que ce sera leur façon de continuer à être présents dans l’équipe, dans les familles, dans la ville. Il faut surtout éviter que périssent elles aussi ces 14 personnes qui ont été épargnées. On ne cesse pas de vivre uniquement quand le cœur arrête de battre. On meurt quand on n’a plus de projets, quand on cesse d’aimer, quand on oublie ses rêves, quand on arrête de rire, quand on pense qu’on n’a plus d’avenir. 

 

Il faudra donc trouver les mots pour guérir. Et ça prendra du temps. Tous ces gens affectés par le drame devront franchir certaines étapes extrêmement pénibles pour y arriver. Avant de commencer à se rebâtir, elles nieront la réalité, elles souffriront, elles seront en colère, elles auront de la peine. 

 

Cependant, au-delà de la douleur, il y a le souvenir et la vie. Elle doit continuer. Par respect pour ceux qui sont morts à cause de leur passion du hockey, il faut avancer. La route sera longue, mais elle existe. 

 

Aujourd’hui, je suis un Bronco. Comme eux, je n’oublierai jamais!