LAVAL – La vie s’y prend parfois d’une drôle de manière pour nous ramener aux sources.

 

Sébastien Bordeleau avait 23 ans la première fois qu’il est arrivé à Nashville. Quelques mois avant l’entrée officielle des Predators dans la Ligue nationale, le Canadien l’y avait échangé en retour de considérations futures. C’était, à l’époque, le prix que le directeur général Réjean Houle avait accepté de payer pour que son homologue David Poile lève le nez sur le défenseur Peter Popovic au repêchage d’expansion.

 

Cette année-là, l’ancien choix de troisième ronde du CH a connu la saison la plus productive de sa carrière dans la LNH. Il a amassé 40 points en 72 matchs, bon pour le quatrième rang du classement des marqueurs du club.

 

Vingt-et-un ans plus tard, Bordeleau est de retour dans l’organisation pour laquelle il a joué pendant trois saisons. Depuis l’été, il occupe le rôle d’entraîneur responsable du développement des attaquants. L’ironie, c’est qu’il a décroché l’emploi un an après avoir été remercié par le Canadien, qui l’avait engagé pendant six ans comme consultant au sein de son club-école.

 

« Quand le Canadien m’a rencontré pour me dire qu’il ne renouvelait pas mon entente, j’ai mis mon CV à jour et je l’ai envoyé aux 30 autres équipes de la Ligue nationale, racontait Bordeleau lors du récent passage des Admirals de Milwaukee, le club-école des Predators, à Laval. J’ai fait ça en septembre, sachant très bien que tout le monde était déjà en place. Elles m’ont pratiquement toutes répondu, mais il n’y avait effectivement aucune ouverture. Je me suis tenu occupé, je ne manquais pas de projets. Puis en janvier, j’ai refait le tour et trois équipes se sont manifestées. »

 

À Nashville, Scott Nichol, le directeur général des Admirals et directeur du développement des joueurs, avait besoin de déléguer et Bordeleau comblait plusieurs critères sur lesquels il avait basé ses recherches. D’abord, il avait joué à un haut niveau : en plus de ses 251 matchs d’expérience dans la LNH, il a dominé pendant dix saisons en Ligue nationale suisse, Mais il possédait aussi des aptitudes en pédagogie. Depuis la conclusion de sa carrière de joueur, Bordeleau a développé une expertise dans l’enseignement des habiletés individuelles, un créneau qu’il a exploité auprès d’une vaste clientèle. Il a notamment travaillé avec l’équipe dirigée par son père Paulin au niveau Midget AAA, l’équipe nationale olympique féminine et une sélection de joueurs de la LNH qui font appel à ses services durant l’été.

 

« Si on regarde à travers les équipes de la LNH, il y a beaucoup de joueurs qui, dès qu’ils ont arrêté de jouer, sont allés directement dans le développement. Ils l’apprennent sur le tas, si on veut. Moi, ça faisait déjà cinq, six ans que j’enseignais à différents niveaux, autant avec des pros que des filles ou des enfants. Je touchais un peu à tout et ça a plu à l’organisation. Sans compter que j’ai un fils, un ‘2002’, qui est admissible au repêchage de la LNH cette année. C’est une génération que je connais, avec laquelle j’ai beaucoup travaillé. Ça a beaucoup joué dans la balance pour les Predators. »

 

Le deuil de la glace

 

Les Preds ont embauché Bordeleau pour s’occuper des espoirs de l’organisation en attaque et l’ancien des Penguins de Pittsburgh et des Kings de Los Angeles Rob Scuderi pour faire la même chose du côté des défenseurs.

 

Toujours basé dans la région de Montréal, Bordeleau estime passer une quinzaine de jours par mois sur la route dans ses nouvelles fonctions. Quand il n’est pas à Milwaukee pour prendre le pouls de l’équipe réserve, il se déplace d’une ville à l’autre pour rendre visite aux différents espoirs de son employeur.

 

« Je passe moins de temps qu’avant sur la glace. On a beaucoup de gars dans les universités américaines et les règles de la NCAA nous empêchent d’embarquer avec eux. Alors on fait beaucoup de vidéo. Je regarde leurs matchs, j’envoie ça et on partage, on échange. »

 

« J’essaie de faire attention pour ne pas les surcharger, poursuit Bordeleau. Ce n’est pas parce que je vais les voir qu’il faut qu’on travaille sur la glace. En général, ils sont entre bonnes mains avec leur coach. À Omaha, c’est [l’ancien défenseur du Canadien] David Wilkie qui est là. À Windsor, c’est Trevor Letowski, avec qui j’ai joué à Phoenix. À Niagara, il y a Jody Hull, que je connais un peu. Ils regardent ce que j’envoie et on essaie d’avancer comme ça main dans la main. On ne veut rien faire contre ce qu’ils essaient d’enseigner de leur côté. On veut aider nos joueurs, mais à travers leurs systèmes à eux. »

 

À l’extérieur de la glace, Bordeleau se décrit comme un « débroussailleur », la ressource désignée pour écarter les distractions et rassembler les outils mis à la disposition de ses élèves afin de faciliter leur ascension vers la LNH.

 

« Autant j’ai été fier de jouer pour le Canadien de Montréal, autant je l’ai été de jouer avec les Preds. C’est là que j’ai eu le plus de succès en tant que joueur avant de quitter pour l’Europe et je suis très content de pouvoir retourner avec eux. Si je peux aider les jeunes de la prochaine génération à se rendre à Nashville et faire en sorte qu’ils vivent une expérience comme celle j’ai vécue, je vais tout faire en mon pouvoir pour le faire. »