On aura bien le temps d'analyser en détails le contenu du nouveau contrat de travail entre la Ligue nationale de hockey et ses joueurs au cours des prochains jours et je suis convaincu que plusieurs collègues le feront avec rigueur. Entre temps, permettez-moi certaines réflexions à chaud, quelques heures après l'annonce d'une entente de principe qui fait suite à un long conflit de 113 jours.

Du point de vue des joueurs, il sera probablement plus difficile de trouver des éléments positifs tangibles à tout le processus puisque dès le départ, ils se retrouvaient en mode défensif. Ils savaient que la LNH allait exiger des concessions majeures basées sur les « excès » du dernier contrat et sur les paramètres qui furent acceptés entre les parties lors des récentes négociations dans la NFL et dans la NBA. Pour Donald Fehr et l'Association des joueurs de la LNH, il s'agissait donc de sauver les meubles et de trouver la façon de forcer les propriétaires à concéder au moins quelques améliorations à la situation globale des joueurs pour les prochaines années. À première vue, il semble que ce soit du côté du fonds de retraite que les gains seront les plus appréciables, la ligue acceptant le principe de renflouer la caisse en cas de déficit.

Du point de vue des propriétaires, on peut parler d'une victoire majeure. Sur le plan financier, l'entente actuelle apporte dès maintenant des correctifs importants qui vont soulager sur le champ certaines équipes en difficulté. À plus long terme, le partage sera plus équitable et il y aura forcément un bien meilleur contrôle sur les dépenses, les contrats étant beaucoup plus encadrés autant sur leur structure que sur leur durée.

Personnellement, je retiens, à la base de cette entente de principe, un élément de très haute importance : la durée de la nouvelle convention. Pour un minimum de huit ans et peut-être pour deux années de plus, la LNH pourra se préoccuper de son véritable plan d'affaires, soit celui d'offrir le meilleur produit possible dans l'univers hautement concurrentiel du divertissement. Cette période de stabilité sera bénéfique pour consolider et polir ce qui fonctionne bien dans l'offre globale de la LNH. Elle le sera davantage pour tenter de trouver de nouvelles sources de développement pour la rapprocher un peu plus des autres grands sports majeurs.

Mais la durée de cette nouvelle trève aura surtout un impact de très haute importance sur les projets d'élargissement des cadres du circuit. Malgré ses réactions habituelles de mutisme, quand il est confronté publiquement à la notion d'expansion, il ne fait aucun doute que Gary Bettman rêve de pouvoir ajouter deux nouvelles formations à la LNH. L'intérêt manifesté par différents intervenants (Québec, Markham, Seattle) est bien réel et l'idée d'exploiter à fort prix cet intérêt est trop tentante pour la laisser passer. Or, le fait d'offrir aux éventuelles nouvelles équipes une paix « syndicale » se déployant au moins jusqu'au tournant de la prochaine décennie représente un cadeau d'une valeur exceptionnelle. Un cadeau qui justifiera en partie la somme astronomique exigée comme droit d'entrée.

Le chant du cygne pour Gary Bettman?

Ce pourrait bien être, d'ailleurs, le moment idéal pour Gary Bettman de tirer sa révérence en tant que commissaire de la Ligue nationale de hockey. En poste depuis 20 ans (il prit les rennes du circuit le 1er février 1993), l'avocat de 60 ans vient de livrer avec succès un combat épique contre un adversaire extrêmement coriace. Encore une fois, il vient d'offrir à ses employeurs une performance à la hauteur de leurs attentes. Si, en plus, il pouvait bientôt garnir chacun des 30 coffres actuels d'un joli montant d'expansion variant entre 20 et 30 millions de dollars, il pourrait ainsi quitter la tête bien haute.

Vu d'un autre angle, plusieurs diront aussi qu'il est temps que la LNH passe à une autre étape quant à son personnel de direction, pour des raisons bien différentes. Le bilan des 20 dernières années affiche de belles réussites, certes, mais à quel prix? Il me semble insensé, entre autres, qu'une entreprise cesse délibérément ses activités à long terme à TROIS reprises en moins de 20 ans, dans un marché hautement fragile, parce qu'elle est incapable de s'entendre avec ses employés! N'y a-t-il que la confrontation comme moyen de négociation, surtout dans un contexte voulu de partenariat et de partage? Même Bill Daly, le bras droit de Gary Bettman, s'est demandé publiquement à quelques reprises comment la LNH avait pu en arriver encore une fois à une telle impasse. Le vénérable Lou Lamoriello a, quant à lui, exprimé son indignation, pour ne pas dire son dégoût, à mots à peine couverts il y a quelques jours à peine.

De grands défis attendent la Ligue nationale de hockey au cours des prochaines années. Outre sa propre survie et éventuellement sa propre expansion, elle devra se pencher sur plusieurs dossiers importants comme la sécurité des joueurs, les opportunités de développement en Europe, la recherche d'un véritable contrat de télévision national américain, etc.

Bref, il faudra éventuellement des idées nouvelles et, par ricochet, de nouvelles façons de faire. Or, c'est souvent par le haut que les véritables changements surviennent de façon tangible et non l'inverse.