Les observateurs s'entendent à dire que les prochaines négociations entre les dirigeants de la Ligue Nationale de Hockey et ceux de l'Association des Joueurs seront difficiles et qu'elles seront, dans une certaine mesure, garantes de l'avenir de ce circuit professionnel.

La signature de la dernière convention collective fut laborieuse à plusieurs égards. Le hockey ne fut pas le seul sport professionnel à éprouver des ennuis à ce chapitre. Les autres circuits, baseball, basket-ball et football ont aussi été touchés. La redistribution équitable des profits parmi toutes les équipes des circuits concernés et la mise en place d'un plafond salarial ont été au centre des discussions.

Cela n'est pas nouveau. Loin de là. Dans son ouvrage « The Trail of the Stanley Cup » Charles L. Coleman fait état d'une situation de conflit de travail qui date de 1910. En voici les grandes lignes.

Il faut d'abord préciser qu'au mois de novembre 1910, on signalait dans les journaux que l'on était à créer un syndicat des joueurs afin de faciliter la possibilité de déclancher un arrêt de travail. Les propriétaires avaient convenu qu'ils ne pouvaient débourser plus de 5000$ en salaires pour la totalité des joueurs de chaque équipe. Chaque formation comptait une dizaine de joueurs et on disputait 16 rencontres.

Art Ross, qui a éventuellement donné son nom au trophée remis au joueur obtenant le plus de points en une saison, avait pris position et écrit une lettre ouverte à l'éditeur du journal Montreal Herald le 25 novembre 1910.

Il y mentionnait qu'il était temps qu'une personne se porte à la défense des joueurs injustement traités par certains membres de la presse. Il était, à son avis, tout à fait raisonnable qu'ils obtiennent des salaires respectables compte tenu qu'ils étaient les animateurs du spectacle présenté et que la limite de 5000$ par équipe ne pouvait permettre un traitement approprié.

Ross indiquait également qu'il était injuste de comparer les joueurs de hockey aux joueurs de baseball à cause du calendrier réduit au hockey. La plupart des joueurs, disait-il, n'ont d'autre choix que d'exercer une autre profession. De plus, les risques de blessures sont beaucoup plus élevés au hockey. Le hockey, précisait-il, n'est pas un passe-temps, pas de la façon dont il est joué par les grosses équipes. Le hockey, hormis le football et dans ce cas la saison ne dure qu'un mois, est le sport plus exigeant qui soit.

Advenant un arrêt de travail, ajoutait Ross, les promoteurs ont annoncé leur intention de faire appel à d'autres joueurs provenant des rangs amateurs. Ils croient même être en mesure de mettre la main sur de futures vedettes. Qui donc voudrait abandonner un bon travail, une bonne situation, perdre son statut amateur pour un revenu de 500$ ou moins ?

Art Ross ajoutait qu'en tant que joueur de hockey professionnel, son salaire, en 4 ans, était passé de mille à 2700$. Il était prêt à remettre chaque sous gagné afin de pouvoir à nouveau profiter de son statut amateur. Et selon lui, plusieurs joueurs professionnels partageaient son opinion.

Une fois devenu professionnel, les joueurs, selon Art Ross, veulent obtenir le maximum de revenus en fonction de leur talent. Ceux qui s'opposent à la limite salariale n'exigent pas des revenus princiers mais à peine ce que leur talent leur permet d'obtenir à titre de générateurs de revenus.

Toujours dans cette même lettre, Art Ross, mentionne également que cette limite salariale, de l'avis des promoteurs d'équipes, est essentielle afin de permettre de présenter un budget équilibré. Voilà qu'il est maintenant acquis, selon lui, que les Wanderers ont déboursé entre 10 000$ et 14 000$ annuellement depuis qu'ils embauchent des professionnels. Ottawa a payé entre 10 000$ et jusqu'à 25 000$ en salaires. Dans les deux cas, les équipes n'ont pas été déficitaires. Elles ont ou ont probablement enregistré des profits.

Ross devait conclure en indiquant que les joueurs ne veulent en fait qu'obtenir une entente loyale et équitable. Il soulignait ne pas vouloir, pour le moment, prendre une part active dans ce dossier mais ajoutait qu'il n'hésiterait pas, si nécessaire, à lutter pour cette cause.

Les propriétaires des équipes, réunis le 26 novembre soit le lendemain de la parution de la lettre, ont maintenu leur position.

Plusieurs transactions ont ensuite été effectuées compte tenu qu'il était impossible de respecter les nouvelles ententes en fonction des contrats préalablement signés. Ont suivi des tractations pour la mise en place d'un nouveau circuit. Les menaces ont été nombreuses dont celles du secrétaire de l'équipe d'Ottawa, Martin Rosenthal, qui indiquait qu'il quitterait le monde du hockey plutôt que de se faire dicter une ligne de conduite par les joueurs. À la suite d'une série d'ultimatums, on en est venu à faire plier les propriétaires qui envisageaient de limiter les salaires à 8 000$ par équipe.

Ce fut ensuite la confusion dans le camp des joueurs qui voulaient bien rejoindre le nouveau circuit. Mais les problèmes étaient nombreux. Par exemple, comment évoluer pour les nouvelles équipes alors qu'elles ne pouvaient avoir d'amphithéâtres pour présenter leurs matchs ?

Les joueurs ont finalement capitulé à compter du 14 décembre, sans avoir obtenu officiellement gain de cause.

Certains joueurs, en plus de leur contrat, avaient signé des ententes de bonis advenant de bons résultats. Là encore, ils ont perdu la bataille devant les tribunaux. Ce fut, entre autres, le cas pour Ernie Johnson et Jimmy Gardner, à qui on avait promis 200$ de plus si jamais leur équipe remportait le championnat, comme ce fut d'ailleurs le cas. Or le propriétaire s'y est opposé prétextant que le gérant qui avait promis ces bonis, n'avait pas l'autorité pour le faire. Cette fois, le propriétaire a eu raison.

J'ai bien hâte de voir à quoi ressembleront les prochaines négociations.