(RDS) - Cette saison le trophée Bill Masterton sera vraisemblablement décerné à un joueur québécois. Cette récompense qui est remise annuellement au joueur qui démontre le plus de persévérance, d'amour du hockey et d'esprit sportif devrait se retrouver entre les mains du défenseur Joël Bouchard. Symbole par excellence de ce que représente le Masterton, Bouchard n'est pas le hockeyeur le plus connu au Québec, mais son histoire mérite d'être racontée à travers toute la Ligue nationale. Et avant que la fée clochette se fasse entendre une première fois, il faut vous avouer que Joël est un ami personnel avec qui j'ai partagé sur une base presque quotidienne les chapitres de l'histoire qui suit.

Repêché par les Flames de Calgary en sixième rond en 1992, Joël a grandi dans cette organisation avant d'être réclamé par les Prédateurs de Nashville au repêchage d'expansion de 1998. Un des patineurs les plus rapides du circuit, il connaissait une carrière honnête. Capable d'effectuer une bonne première passe, il se tirait fort bien d'affaires, surtout en raison de la qualité de son jeu en défensive. Pour vous tracer un portrait plus précis, disons qu'on pourrait tracer un parallèle avec un joueur comme Craig Rivet. Puis l'an passé, les Stars de Dallas ont fait l'acquisition de Joël tout juste avant l'heure limite pour les transactions.

Quelques jours avant que les séries éliminatoires débutent, alors qu'il est à Dallas avec l'équipe, Joël se sent très mal. Il se rend à l'hôpital mais on le retourne chez lui. A la maison, son état continue de dépérir. Couché sur le canapé du modeste appartement qu'il a loué avec sa copine Keana, il transpire. Il fait beaucoup de fièvre, au point même de délirer. Devant les souffrances de son amoureux, Keana insiste et le traîne de force à l'hôpital. Sans le savoir, elle venait de sauver la vie à l'homme qu'elle aime. Atteint de méningite, Joël passe quatre jours en quarantaine et pendant cinq jours, le thermomètre indiquait 105.1 de fièvre. Devant la gravité de la situation, les médecins demandent à ses parents et ses proches de venir immédiatement à son chevet car nul ne sait ce qui peut arriver. Après cinq nuits à l'hôpital, la fièvre tombe et il rentre enfin chez lui où il poursuivra sa convalescence pendant encore douze jours. Une vingtaine de livres en moins, il partage les étapes de cette épreuve avec sa famille et quelques autres amis proches. Même ses coéquipiers des Stars ne connaissent pas l'histoire car il est de mise de ne pas déconcentrer les joueurs, surtout que les Stars aspirent encore à la Coupe Stanley et le mot méningite est un mot qui effraie. Même s'il se refait rapidement une santé, le printemps 2000 est très pénible. Après tout, frôler la mort change la vie d'un homme.

Joël a eut besoin de l'été au complet pour se refaire une santé et retrouver ses capacités physiques. Son contrat étant terminé et son statut incertain en raison de la maladie qui venait de le frapper, les équipes ne se sont pas bousculées pour lui offrir des offres raisonnables. Le Canadien a démontré de l'intérêt mais Réjean Houle a préféré retenir les services de deux vétérans complètement finis, Enrico Ciccone et Darryl Shannon. Les deux sont aujourd'hui à la retraite. Quatre ou cinq formations plus sérieuses lui ont donc proposé des offres intéressantes. Phoenix est l'organisation qui lui garantissait le moins mais Joël avait déjà été dirigé par Bobby Francis dans les rangs mineurs et ce dernier lui avait personnellement téléphone pour lui garantir un poste avec les Coyotes. De passage à la maison la veille de la signature, Joël était tellement nerveux. En fait, à seulement 26 ans, il avait le sentiment de déjà jouer son avenir. Et il était hanté par un mauvais présage en pensant à l'équipe de l'Arizona.

Finalement il a pris le chemin de Phoenix où Bobby Smith écoulait ses dernières heures en tant que directeur-général des Coyotes. D'entrée de jeu, Joël a vite constaté que Smith était le véritable patron. Se permettant même de retrancher des joueurs sans en parler à Francis, le grand patron en menait large, très large (on se souvient d'ailleurs qu'il a chassé Wayne Gretzky du vestiaire). Ainsi, Smith a décidé qu'on faisait place aux jeunes, et malgré les décisions prises par son entraîneur, il a décidé que Joël prenait le chemin de la Ligue américaine, et ce, malgré un camp d'entraînement exceptionnel. Persuadé être victime d'injustice, Joël a failli tout laissé tomber à ce moment. Il est retourné auprès de sa fiancée et après quelques jours de réflexion, il s'est dirigé vers Grand Rapids au Michigan. Et plutôt que de s'acharner sur son sort il a pris les bouchées doubles. Dominant, il était choisi parmi les trois étoiles presque à chaque match mais le téléphone ne sonnait jamais pour lui annoncer qu'il devait s'acheter un billet d'avion pour Phoenix. Finalement, des joueurs ont été blessé et le 29 novembre il endossait enfin le chandail des Coyotes…et il est encore à Phoenix depuis. Les joueurs blessés sont revenus au jeu. Malgré toutes les embûches, il a regagné sa place dans la LNH.

Joël ne remportera jamais le trophée Norris remis au meilleur défenseur, mais il y a longtemps que cet homme sincère et jovial a gagné mon amitié et mon respect et voilà pourquoi je tenais à partager cette histoire avec vous. Bonne chance Joël!

P.S. Mario Lemieux ne peut plus être candidat pour l'obtention de ce trophée, l'ayant déjà remporté à une occasion.