MONTRÉAL – Si on lui avait dit, à l’époque où il donnait ses premiers coups de patins dans la Ligue américaine à l’âge de 19 ans, qu’il y serait encore six ans plus tard, Nikita Scherbak aurait sûrement ri jaune.

On peut s’en moquer aujourd’hui, mais Scherbak a déjà donné l’impression qu’il s’inscrirait dans la colonne des bons coups réalisés par le grand responsable du recrutement amateur du Canadien, Trevor Timmins. Il a fait le saut chez les pros un an après avoir été repêché et touché à la LNH quelques jours après son 20e anniversaire de naissance. À 21 ans, il maintenait une moyenne supérieure à un point par match dans la LAH.

Pourtant, de tous les joueurs sélectionnés en première ronde au repêchage 2014 de la Ligue nationale, un seul a joué moins de matchs dans la LNH que celui que le Canadien a choisi au 26e rang. Mais l’ancien espoir du Tricolore n’a pas dit son dernier mot.

Scherbak est présentement installé à Austin, au Texas, où il s’aligne pour le club-école des Stars de Dallas. Il y habite avec sa femme Laurie, une Québécoise qu’il a rencontrée lors de son passage dans l’organisation du Canadien, et leur fils de 5 mois. Loin des projecteurs, il découvre les joies et défis de la paternité et continue d’ajouter des mots de français à son vocabulaire, même s’il avoue, un peu gêné, qu’il ne fait pas autant de progrès qu’il ne le souhaiterait dans ce département.

Il tente aussi de remettre une carrière jadis prometteuse sur les rails. En 13 matchs au sein de l’une des attaques les plus productives de la LAH, il est à égalité au quatrième rang du classement des marqueurs de son équipe avec 11 points. Il a cadré plus de tirs au but (45) que tous ses coéquipiers, mais affiche le pire différentiel (-5) parmi les attaquants du club.

« À date, ça se passe bien et ça peut seulement aller en s’améliorant, atteste-t-il. J’essaie de rester heureux, de garder le cap. On a une équipe vraiment talentueuse, on joue du bon hockey, il y a une belle intensité ici. J’aime tout, des installations de l’équipe à la météo... Je ne peux pas me plaindre. »  

Scherbak s’avance les lèvres serrées, mais avec beaucoup d’humilité, dans le récit de sa carrière post-Montréal. À plusieurs reprises, il répétera qu’il n’a que lui-même à blâmer pour les contre-performances qui ont ultimement contraint le Canadien à inscrire son nom au ballottage quatre ans après lui avoir fait signer son premier contrat.

« J’ai eu mes opportunités et je ne les ai pas saisies, confesse-t-il. J’ai eu une bonne saison à Laval, j’étais en pleine confiance quand j’ai eu mon rappel et ensuite, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. J’ai vécu des moments d’adversité que je n’ai pas bien gérés. Tout est ma faute. »

« Je regrette beaucoup de choses, mais c’est dans le passé maintenant. C’est la vie. »

Gratitude

Le gazon n’est pas toujours plus vert chez le voisin. Scherbak l’a remarqué après avoir été réclamé par les Kings de Los Angeles. Son expérience là-bas n’a pas duré dix matchs, après quoi la pire équipe de la LNH l’a renvoyé dans les mineures. À 22 ans, son étoile avait pâli à un point tel qu’aucune organisation en Amérique du Nord ne voulait de lui.

Le Moscovite est donc rentré en Russie. Il a signé un contrat avec l’Avangard d’Omsk, une entente qui a été résiliée après 16 matchs, et a terminé la saison avec le Traktor de Chelyabinsk.

« Ça a été dur, admet celui qui avait joué son hockey junior au Canada, dans la Ligue junior de l’Ouest. C’est une autre culture, un autre style de hockey. Les choses se passent différemment là-bas et encore là, je ne l’ai pas bien géré. Il y a beaucoup de choses qui sont allées de travers, je pourrais en parler longtemps. Mais je n’ai personne d’autre que moi à blâmer. J’aurais peut-être dû agir différemment dans certaines situations. On peut dire que ça n’a pas été mon année. »

Scherbak avait toujours vu son retour en Russie comme un mal nécessaire, une solution temporaire à une situation qui était devenue hors de contrôle. Il était encore jeune et ne doutait pas qu’une autre porte s’ouvrirait éventuellement devant lui. Ses performances dans la KHL ont toutefois alourdi son dossier, puis la COVID-19 s’est mise de la partie.

C’est un profond sentiment de gratitude qui l’anime depuis que son agent lui est arrivé avec l’offre des Stars, un contrat à un volet de la Ligue américaine. C’est la deuxième chance qu’il espérait. Le point de départ, il l’espère, d’une belle histoire de rédemption.

« Je suis reconnaissant de pouvoir être de retour en Amérique du Nord, de renouer avec le style de hockey que je connais bien et que je préfère. Mon souhait, c’est de continuer à pousser pour mériter de nouveau ma place dans la Ligue nationale. Ça prendra le temps que ça prendra. Un jour à la fois, un match à la fois, un entraînement à la fois. Je veux juste être un bon coéquipier, être celui qui travaille le plus fort. Si ça fonctionne l’an prochain, super. Si c’est un peu plus long, je vais continuer de bûcher. »