MONTRÉAL – Il y a les fameuses réalités de la Ligue américaine, celles que les habitués des points de presse de Joël Bouchard commencent à connaître par cœur. Il y a tous les imprévus liés à la persistante pandémie de coronavirus. Puis il y a la malchance pure, source des petits irritants qui vous tombent sur la tête au moment où vous jureriez que rien de pire ne pourrait vous arriver.

Dereck Baribeau a expérimenté les trois, parfois tous en même temps, depuis le début de la saison.

Allons-y dans l’ordre chronologique. Le 14 février, sur l’heure du souper, Baribeau a reçu un appel lui annonçant qu’il avait été rappelé par le Wild du Minnesota, qui venait d’inscrire le nom de Cam Talbot sur la liste des joueurs devant se soumettre au protocole lié à la COVID-19. Le jeune gardien de but a mis de l’essence dans sa voiture et a couvert les 400 kilomètres qui séparent Des Moines, la ville de l’Iowa où est basé le club-école, et St. Paul. Le lendemain après-midi, il a participé à son premier entraînement dans la Ligue nationale, puis s’est envolé pour la Californie avec ses nouveaux coéquipiers.

Baribeau faisait sa petite affaire sur l’escouade de réserve. Le 16, il a regardé le match contre les Kings de Los Angeles dans les gradins, peinard. Deux jours plus tard, il s’installait pour sa sieste dans une chambre d’hôtel d’Anaheim quand son téléphone a sonné. Appel manqué. Une vibration. Un texto du DG qui lui demandait de le rappeler.

De jeunes gardiens québécois à leurs débuts dans la LAH

« Je pensais que je me faisais redescendre dans les mineures. Finalement, c’était pour me dire que j’allais être sur le banc ce soir-là. »

Andrew Hammond, le remplaçant original de Talbot, venait lui aussi d’être identifié comme un potentiel cas d’infection. Un an après avoir occupé un rôle d’auxiliaire dans la ECHL, Baribeau allait enfiler l’uniforme pour un match de la LNH.

« C’est ça le hockey, c’est être à la bonne place au bon moment, constate l’ancien de la LHJMQ en entrevue avec RDS. C’est le fun, j’ai été capable d’être réserviste pour deux matchs. Je ne jouais même pas et j’étais quand même un peu stressé. Mais ça partait bien vite pareil. C’était une belle expérience. »

Baribeau a été de garde pour deux matchs contre les Ducks, après quoi il a repris la direction de l’Iowa. Aussitôt arrivé, sa nouvelle équipe s’est envolée pour le Texas pour une série de deux matchs contre les espoirs des Stars de Dallas. Mais à l’atterrissage, cinq joueurs, dont le gardien québécois, ont rendu des tests positifs à la COVID-19. Un match a dû être annulé et les gars qu’on croyait infectés ont dû passer trois jours isolés dans une chambre d’hôtel avant que leurs résultats soient identifiés comme des faux positifs. Quelques heures après avoir reçu la bonne nouvelle, Baribeau effectuait 33 arrêts dans une victoire de 5-3.

Mais les joueurs du Wild n’étaient pas au bout de leur peine. Au moment de quitter le Texas, deux jours plus tard, un bris mécanique a empêché leur avion de quitter le tarmac. Quelques voyageurs ont pu se dépêcher pour attraper un vol pour Kansas City, d’où ils ont pu rentrer à la maison dans une voiture de location. Les autres ont patienté 24 heures pour un départ pour Denver, où ils ont ensuite raté leur connexion pour Des Moines.

« Ça a été l’enfer », résume Baribeau, heureux d’avoir finalement retrouvé son lit.

Addition par soustraction

Le natif de Québec repense à cette infernale quinzaine avec le sourire, le même sourire en fait qui ne quitte pas son visage depuis son retour dans le Hawkeye State.

Un mois exactement après le match inaugural du Wild, Baribeau a déjà pris part à plus de matchs dans la Ligue américaine que durant toute la saison dernière, sa première chez les professionnels. Et il ne fait pas que participer, il excelle. Sa moyenne de buts alloués de 2,36 et son taux d’efficacité de ,920 le placent respectivement aux premier et deuxième rang parmi les gardiens du circuit qui ont joué un minimum de 300 minutes. Il a remporté trois de ses cinq départs et l’une de ses deux défaites a été subie en prolongation.

Le gardien de 6 pieds 6 pouces attribue notamment ces succès à la cure minceur qu’il s’est imposée durant le confinement qui a fait le pont entre la saison actuelle et la précédente.

La préparation, clé des succès de Baribeau

« L’an passé je me suis présenté au camp, j’étais vraiment plus gros, je pesais 225 livres. Je me disais qu’il fallait que je sois plus gros, plus gros dans mon filet. Mais cette année, je me suis dit que je voulais redevenir un gardien plus rapide. Pas besoin d’être plus gros, je suis déjà assez grand. Les dirigeants de l’équipe voulaient que je perde un peu de poids. Ils trouvaient peut-être mon taux de gras un peu trop élevé et voulaient me voir descendre à 220, 215. ».

Baribeau a engagé une nutritionniste et a peu à peu modifié certaines habitudes de vie. Il a aussi délaissé ses partenaires d’entraînement de longue date pour se joindre à un groupe dirigé par Hubert Genest, un joueur de deuxième division française qui pratique aussi le métier de kinésiologue. Avec d’autres pros de la Vieille Capitale, il s’est présenté à des rendez-vous quotidiens tantôt sur le terrain de football de l’école secondaire Roger Comtois, tantôt dans un coin des Plaines d’Abraham.

Quand il est arrivé au camp du Wild, il pesait finalement 25 livres de moins que la saison précédente.

« Je pense que ça a été le plus bel été de ma vie. On a réussi malgré la pandémie à tous se pousser encore plus dans des conditions moins faciles. On est allé chercher des choses qui sont peut-être moins accessibles dans un gym. À chaque jour j’arrivais avec le sourire. Je n’avais même pas l’impression de travailler, j’allais juste voir mes chums. »

Baribeau sent que sa nouvelle silhouette, combinée à un style plus économe qu’il a peaufiné avec son entraîneur de position de longue date Frédéric Chabot, a eu des effets concrets sur son niveau d’énergie durant les matchs et les séquences plus exigeantes du calendrier.

Il sent aussi qu’il aborde son métier avec une nouvelle attitude plus positive. Que son sourire, finalement, serait plus la cause que la conséquence de ses succès.

« Je pense que c’est ça aussi qui a changé, la partie mentale de ma game. Je suis arrivé prêt, mais je me suis dit qu’il fallait que je garde ce style-là toute l’année. C’est de même que je suis bon au hockey, quand j’ai vraiment du fun à jouer. »