On est tous d'accord que rien ne sert de pleurer sur les conséquences d'un lock-out touchant tous ces gens riches et célèbres. C'est vrai que les athlètes d'aujourd'hui ne sont pas à plaindre, mais à l'occasion d'un arrêt de travail dont on ne peut pas prédire la durée, il existe néanmoins des situations plus difficiles que d'autres, sinon plus inquiétantes.

Plus de 200 joueurs sont actuellement sans contrat. Quand les activités reprendront, 80 pour cent d'entre eux ne recevront aucune offre. Peut-être qu'on verra 150 carrières prendre fin sous nos yeux.

Je pense aussi à tous les Francis Bouillon de ce monde. Bouillon a pu poursuivre sa carrière cet été parce qu'un entraîneur de la Ligue nationale, Michel Therrien, qui a déjà gagné un championnat avec lui, a plaidé en sa faveur. Mais à 37 ans, avec un contrat d'une seule année en poche, un lock-out qui s'étendrait sur plusieurs mois, signifierait sans doute la fin de sa carrière. Surtout avec les bons jeunes défenseurs qui sont sur le point de débarquer à Montréal.

Je pense aussi à un athlète d'un tout autre statut: Martin Brodeur. Recordman du hockey, gagnant de trois coupes Stanley et déjà assuré d'entrer au Panthéon de la Renommée à sa première année d'éligibilité, Brodeur a 40 ans bien sonnés. Or, un gardien de buts de 40 ans ne peut rester inactif durant une saison complète et espérer conserver la même efficacité entre les poteaux.

Si ce lock-out devait durer une autre saison complète, il serait logique de croire que Brodeur serait menacé d'une brutale fin de carrière.

« Pas s'il continuait de jouer quelque part durant le lock-out », précise son père Denis, lui-même un ex-gardien de but et médaillé olympique.

Martin songe effectivement à cette possibilité, mais pas dans l'immédiat. Il n'est pas intéressé par la Russie où le transport aérien constitue une aventure risquée. Mais il ne dit pas non à une ligue intéressante et crédible comme celle de la Suisse.

« Le climat de la présente négociation entre joueurs et propriétaires est très différent de ce que nous avons vécu la dernière fois, dit-il. Si la ligne de communication reste active entre les deux parties, je vais retarder ma décision. Par contre, si je constate vers la mi-octobre que les négos ne vont nulle part, je vais certainement aller jouer ailleurs. C'est important pour moi que ma condition physique reste au même niveau que la saison dernière. Ce n'est pas juste une question d'âge. Que tu aies 35 ou 40 ans, la coordination des mouvements est affectée quand on ne joue pas durant une saison complète. »

Brodeur est animé d'un certain optimisme. « Les négociations sont plus cordiales qu'en 2004, explique-t-il. Nous sommes mieux dirigés. Donald Fehr veut vraiment obtenir une entente pour le bien des joueurs et du hockey en général. Nous faisons des efforts dans ce sens-là, en souhaitant être compris par les propriétaires. »

En 2004, Brodeur avait participé à une activité baptisée « World Tour », puis aux championnats mondiaux de hockey. Deux projets sur lesquels il ne peut pas compter cette saison. Il devra donc éventuellement offrir ses services à une ligue européenne. Dès qu'il en manifestera le désir, quelques offres devraient pleuvoir sur lui.

Pas question d'abandonner

Une chose est claire pour lui. La retraite est hors de question. Peu importe ce qui se passera durant ce lock-out, il a bel et bien l'intention d'honorer le contrat de deux ans qu'il a paraphé durant l'été.

Voilà un super athlète qui détient déjà la quasi totalité des records attribués aux gardiens de but. Seul celui concernant le nombre de victoires remportées en séries, détenu par Patrick Roy (151 contre 113), est hors de sa portée.

Il s'agit du quatrième conflit syndical de sa carrière, des arrêts de travail qui l'ont privé d'un temps de jeu précieux. Il a vécu la grève de deux semaines en 1991-92 alors qu'il n'avait que 19 ans, en plus des deux lock-out suivants. En tout et partout, il croit avoir perdu plus de 100 matchs, ce qui donne encore plus de mérite aux records qu'il a établis.

« Quand tu essaies de placer tes records hors de portée de tout le monde, c'est clair qu'une centaine de parties de moins (plus celles à venir) pèsent lourd dans la balance, admet-il. Cependant, comme j'adore jouer au hockey, je ne me suis jamais trop attardé à ces choses-là. L'aspect le plus difficile, c'est quand tu te fais retirer le droit de jouer au hockey, comme c'est le cas en ce moment. »

À la fin des séries du printemps, il a étudié la possibilité de se retirer. Si aucune équipe ne lui avait proposé une entente de deux ans, il aurait mis fin à sa carrière.

Si j'ai insisté pour obtenir un contrat de deux ans, c'est parce que j'anticipais ce conflit de travail, dit-il. Je n'aurais pas voulu m'entraîner tout l'été, avec une entente d'un an en poche, pour me faire dire ensuite que j'étais en lock-out et que ma carrière était terminée. J'ai donc fermement l'intention de me rendre au bout de ce contrat. Même si nous perdions une saison complète, le mot retraite ne ferait pas partie de mon vocabulaire.»

Les absents au tournoi de golf du Canadien

Le syndicat des joueurs n'en est pas un comme les autres. S'il s'agissait d'un conflit de travail comme le Québec en vit régulièrement, les joueurs se présenteraient ce matin au Club de golf Royal Montréal, à l'occasion du tournoi de golf annuel de l'équipe, en brandissant des pancartes et en se faisant clairement voir et entendre par les nombreux annonceurs qui, en temps normal, paient le gros prix pour avoir le plaisir de les côtoyer.

Ils seront absents aujourd'hui. Ils avaient tous été invités, mais le lock-out a forcé le Canadien à rajuster son tir. On mettra donc toute l'emphase sur les nouveaux dirigeants de l'équipe. Marc Bergevin, ses adjoints et tous les gens de hockey qu'il a embauchés, tant à Montréal qu'à Hamilton, seront très visibles.

« Nous avions évidemment prévu un plan B dans le cas d'un conflit. C'était essentiel parce que le tournoi de golf est une activité excessivement importante pour la Fondation des Canadiens pour l'enfance. La Fondation existe depuis une douzaine d'années et le tournoi de golf lui a remis 3.6 millions de dollars, explique le vice-président senior aux communications, Donald Beauchamp. Les profits générés pour la Fondation justifient à eux seuls la présentation de ce tournoi. »

Le tarif pour un quatuor est de 10 000 $. Il y a même une liste d'attente. Le milieu des affaires apprécie chaque année l'occasion de se mêler aux joueurs. Malgré tout, il y a eu très peu de réactions négatives quand on a su que les vedettes de l'équipe n'y seraient pas.

Quatre ambassadeurs, Henri Richard, Guy Lafleur, Yvan Cournoyer et Réjean Houle et une foulée d'anciens Glorieux, dont de jeunes retraités comme Guy Carbonneau, Vincent Damphousse, Mathieu Dandenault et quelques autres, meubleront les quatuors.

Pas moins de 280 participants fouleront les allées de ce parcours de golf historique, le plus ancien club de golf en Amérique du Nord.