L’objectif était simple : libéré hâtivement par les Coyotes de Phoenix lors de leur dernier camp d’entraînement, renvoyé avant même d’avoir l’occasion de disputer un match préparatoire, Guillaume Latendresse devait profiter de son séjour en Suisse comme tremplin lui permettant de se hisser à nouveau dans la LNH.

Par le biais des Lions de Zurich qui lui ouvraient les portes de leur vestiaire, Latendresse devait s’expatrier pour retrouver la forme, prouver qu’il est en santé et qu’il est toujours en mesure de marquer des buts afin de convaincre un club de la LNH de lui donner une chance. Une autre…

Malheureusement pour le gros attaquant québécois, l’objectif n’a pas été atteint.

Miné par une commotion cérébrale, une commotion subie lors d’un simple entraînement de sa nouvelle équipe, Latendresse rentrera à Montréal lundi avec sa compagne et leur enfant. Il rentrera avec ses vêtements, ses patins, ses bâtons et son équipement.

Après seulement 12 matchs disputés dans l’uniforme des Lions, 12 matchs au cours desquels il a marqué trois buts et ajouté trois mentions d’aide, l’aventure de Latendresse est terminée.

Parce que Guillaume Latendresse ne pouvait assumer son rôle au sein de leur équipe, les dirigeants des Lions de Zurich ont libéré l’attaquant québécois qu’ils n’avaient pas l’intention de payer en attendant un éventuel retour au jeu. Cette réaction des Lions à l’endroit de Latendresse n’a rien d’exceptionnelle. Parce qu’on les paye bien, parce qu’ils sont logés, souvent nourris, parce qu’on leur fournit une voiture et que leur salaire souvent exempt d’impôt est déposé entièrement dans leur compte bancaire, les joueurs « étrangers » doivent performer. S’ils ne le font pas, ou pis encore s’ils sont blessés, ils sont vite libérés.

D’où le retour précipité de Latendresse à Montréal.

Une fois de retour à la maison, Latendresse aura le temps nécessaire pour retrouver ses esprits, pour surmonter les contrecoups de cette autre commotion qui le mine.

À moins que sa décision soit déjà prise, Latendresse devra aussi beaucoup réfléchir sur son avenir professionnel. Il devra se demander si, malgré ses 26 ans, malgré son potentiel immense, le temps n’est pas venu de prendre sa retraite. Déjà! Une réflexion qui pourrait donner bien des maux de tête à ce joueur au talent immense. Un talent que les blessures ont étiolé au point où Latendresse n’a jamais été en mesure d’offrir des performances à la hauteur des attentes de ses patrons, de ses coéquipiers, de ses partisans.

Latendresse n’est pas prêt à confirmer que c’est la fin. Il ne l’était pas hier.

Par le biais d’un échange de courriels envoyés et reçus pendant qu’il suivait le match de son frère aîné Olivier qui évolue en Autriche, Latendresse a indiqué qu’il tenait à réfléchir sur son avenir avant d’annoncer quelque décision que ce soit.

Cette réflexion est toutefois amorcée depuis un bon moment.

Guillaume LatendresseL’an dernier, alors qu’il défendait les couleurs des Sénateurs d’Ottawa, Latendresse s’est attiré les critiques de ses patrons, de plusieurs partisans des Sens et bien sûr de tous ses détracteurs en refusant de laisser tomber les gants pour se battre avec Ryan White au terme d’un tumultueux match de séries éliminatoires face au Canadien de Montréal.

Cette décision a chassé Latendresse de l’alignement. Elle l’a ensuite chassé d’Ottawa alors que la direction des Sénateurs a refusé de lui offrir un autre contrat.

Sur le plateau de l’Antichambre, Latendresse avait indiqué qu’en plus de penser à sa carrière, il devait penser à sa santé. Il devait penser à l’homme qui allait un jour avoir 50 ans. Un homme qui n’avait pas l’intention d’être miné par des ennuis cérébraux attribuables au fait qu’il avait fait fi des symptômes de commotion alors qu’il gagnait sa vie en jouant au hockey.

Voilà ce qui attend Latendresse lorsqu’il sera à la maison lundi.

Cela dit, s’il décide de prolonger sa carrière, Latendresse ne sera pas au bout de ses peines.

Boudé par les 29 autres formations de la LNH après que les Coyotes l’eurent libéré l’automne dernier, Latendresse n’a rien fait en Suisse pour faire fluctuer à la hausse sa valeur autour du circuit Bettman. Et cette autre commotion donnera plus de poids encore aux prétentions des clubs de la LNH qui l’ont identifié comme un joueur fragile.

S’il décide de prolonger sa carrière, Latendresse devra s’astreindre à un entraînement rigoureux s’il veut maintenir une forme optimale susceptible de lui ouvrir les portes d’un autre vestiaire.

Ne serait-ce qu’en Europe.

Car pour la LNH, la percée qui semblait improbable l’automne dernier deviendra pratiquement impossible le printemps prochain.

Bon! Il n’y a rien d’impossible. C’est vrai. Mais la réputation de Latendresse autour de la LNH est loin de l’aider.

Et c’est dommage.

Ce qui est plus dommage encore, c’est que les attentes des amateurs de hockey sont loin d’avoir aidé Latendresse en début de carrière.

Guillaume LatendresseAdulé après son premier match dans l’uniforme du Canadien, un match préparatoire de surcroît, Latendresse sera toujours considéré comme le joueur qui n’en a pas donné assez au Tricolore.

Seize buts enfilés dès sa première saison alors qu’il n’avait que 18 ans c’était pourtant un excellent début. Seize autres buts à sa deuxième saison le plaçaient parmi les meilleurs jeunes de l’histoire du Canadien. Quarante-six buts après ses trois premières saisons, c’était pourtant bien. Voire très bien. Mais ce n’était pas assez pour Guy! Guy! Guy! à qui on ne demandait pas seulement de marquer, mais aussi de frapper.

Choix de deuxième ronde du Canadien en 2005 (45e sélection) Latendresse a été victime d’attentes qui n’en finissaient pas de fluctuer au rythme des buts qu’il marquait. Quinze, ce n’était pas assez : il en fallait 20. Une fois à 20, il aurait dû se rendre à 30. Une fois à 30, on lui aurait demandé de se rendre à 40. Et peut-être qu’une fois à 50 on aurait commencé à lui donner le crédit qu’il méritait.

On ne le saura jamais.

Latendresse a aussi sa part de responsabilité. Il n’a jamais donné l’impression d’être le gars le plus actif au gymnase, d’être un monstre de la forme physique. D’afficher l’ardeur au travail d’un Brendan Gallagher qui satisfera les partisans du Canadien avec des statistiques similaires à celles affichées par Latendresse à ses débuts avec le Canadien.

Mais maintenant que les commotions semblent l’avoir adopté, peut-on vraiment reprocher à Latendresse de penser à sa santé? À sa vie de père de famille avant sa vie de joueur de hockey?

Ma réponse est non!

Et comme Latendresse sera toujours condamné à ne pas se hisser au rang du joueur qu’il aurait pu être, qu’il aurait dû être, il me semble évident que le temps soit venu de consacrer toutes ses énergies à réussir sa vie personnelle. Sa vraie vie.

On va souhaiter à Latendresse de prendre le temps nécessaire pour mener à bien sa réflexion. Pour qu’il prenne la bonne décision. La meilleure pour lui et sa jeune famille.

Cela dit, j’ai l’impression que cette décision est déjà prise, qu’il ne lui reste qu’à se convaincre qu’il s’agit bien de la bonne avant de passer à l’étape la plus difficile : la confirmer en annonçant sa retraite.