MONTRÉAL – En 1969, la fusion de la Ligue provinciale de hockey junior et de la Ligue métropolitaine de hockey junior a donné naissance à ce qui allait devenir la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

 

La section Est du nouveau circuit, qui rassemblait les équipes de Québec, Shawinigan, Drummondville, Sorel, Trois-Rivières et Sherbrooke, était un entrepôt de feux d’artifice dans lequel les huit premiers marqueurs du circuit circulaient à leur guise, boîte d’allumettes sous le bras. Guy Lafleur, avec ses 103 buts, et Luc Simard, avec ses 174 points, en étaient les principaux visiteurs.

 

La section Ouest, qui regroupait quatre équipes de la région montréalaise et une autre de l’Ontario, ne comptait pas sur autant de joueurs vedettes, mais on y retrouvait les deux meilleurs gardiens de la Ligue. C’est d’ailleurs le souvenir que garde Gilles Meloche de sa première et unique saison dans la LHJMQ, il y a 50 ans : ses batailles épiques avec Billy Smith.

 

« C’était moi contre Billy », résume l’homme de 68 ans en plongeant dans ses souvenirs.

 

Meloche est né à Ville-Émard et a joué son hockey mineur à l’aréna de Pointe-St-Charles. « J’ai grandi dans la même organisation que Mario Lemieux. Premier joueur qui est sorti des Hurricanes à jouer dans la Ligue nationale », précise-t-il fièrement. À l’âge de 15 ans, il est passé directement des rangs bantam au junior B pour s’aligner avec les Red Wings de Verdun.

 

À 19 ans, Meloche est donc depuis longtemps la coqueluche de l’Auditorium quand l’amphithéâtre du boulevard LaSalle commence à accueillir des matchs de la Ligue Junior A du Québec. Ceux contre les Alouettes de St-Jérôme, une autre équipe rescapée de la ligue « Métro », sont les plus difficiles pour les Maple Leafs de Verdun. « Ils avaient une grosse équipe. Ils étaient physiques, ils étaient forts », se rappelle encore le cerbère, dont les rencontres favorites impliquaient plutôt les Royals de Cornwall et leur propre gardien vedette.

 

Les duels les plus mémorables ont lieu en première ronde des séries éliminatoires, alors que Meloche et Smith se retrouvent face-à-face dans un duel qui marquera ses protagonistes. « Ça avait été une grosse série de gardiens de but. Toutes les parties s’étaient terminées quelque chose comme 2-1 et 3-2 », se remémore approximativement Meloche. Dans les faits, les Maple Leafs remportent la série en six matchs au terme desquels ils n’accordent que 11 buts et en marquent 14.

 

Verdun frappe ensuite un mur au deuxième tour et est éliminé en cinq matchs contre St-Jérôme. Mais même s’il accorde 24 buts dans cette série, et même si son équipe avait encaissé plus souvent que tous les autres clubs de la LHJMQ à l’exception des Saints de Laval en saison régulière, Meloche est éventuellement nommé au sein la première équipe d’étoiles.

 

Et quand les Remparts de Québec, champions des séries éliminatoires, cherchent à tirer profit d’un règlement qui leur permet d’aller puiser des renforts dans les autres clubs de la Ligue avant de partir à la conquête de la Coupe Memorial, ils composent son numéro.

 

« Ça avait été un peu une surprise, mais j’avais entendu qu’il y avait des pourparlers. C’était encore entre moi et Billy. C’est Maurice Filion qui m’avait contacté directement. Il n’y avait pas d’agent, ça n’existait pas dans notre temps. Il avait pris deux joueurs de Trois-Rivières, Luc Simard et Richard Leduc. On avait passé quasiment un mois, et mois et demi à Québec. »

 

En quart-de-finale, les Remparts perdent les deux premiers matchs de leur série 4-de-7 contre les Islanders de Charlottetown avec leur gardien régulier, Daniel Ready, entre les poteaux. Au retour à Québec, Filion décide de confier le filet à Meloche. Ce dernier fait rapidement des miracles permet à son équipe adoptive de remporter les quatre parties suivantes.

 

« Pour un gardien qui avait été inactif durant plus d’un mois avant que Maurice Filion l’envoie dans la mêlée (...), Gilles Meloche se révèle décidément le héros de cette série »,  écrivait le journaliste Jacques Arteau dans les pages du Soleil après le quatrième match de la série.

 

Les Remparts sont finalement éliminés par les puissants Canadiens junior de Montréal en demi-finale. Dans le dernier match de la série, Meloche reçoit 59 tirs. On dira de lui qu’il a aidé son équipe à sauver la face... dans une défaite de 7-1!

 

Le dernier mot

 

Billy Smith a finalement le dessus sur Gilles Meloche au repêchage de la Ligue nationale, à l’été 1970. L’Ontarien est choisi au 59e rang par les Kings de Los Angeles alors que son grand rival québécois sort au 70e rang, propriété des Blackhawks de Chicago.

 

Vers la fin de sa première saison chez les professionnels, Meloche est rappelé de la Ligue internationale pour remplacer Gerry Desjardins. « J’ai joué mes deux premières parties à Vancouver et Oakland », chérit-il comme souvenir.

 

L’été suivant, après moult tractations, Meloche est échangé par les Blackhawks aux Golden Seals de la Californie, une jeune équipe d’expansion qui alignait un autre Montréalais, le défenseur Carol Vadnais.

 

« À Chicago, Tony Esposito a joué quinze autres années dans la Ligue nationale. J’aurais été backup longtemps, réalise-t-il avec le recul. J’avais 21 ans à l’époque, j’étais le seul gardien régulier en bas de 27-28 ans. J’ai joué 60 parties par année durant mes cinq ou six premières saisons. Je jouais avec des équipes pourries, mais je jouais dans la grosse ligue. »

 

Meloche a ensuite fait partie du déménagement des Seals à Cleveland, puis de la fusion avec les North Stars du Minnesota. « C’est un fait inusité : j’ai joué pour trois équipes de la LNH sans être échangé ni mis sous contrat comme joueur autonome! », souligne-t-il avec amusement. Il a terminé sa carrière avec les Penguins de Pittsburgh, pour qui il a ensuite été entraîneur des gardiens et est aujourd’hui dépisteur professionnel.  

 

Meloche a vécu les plus intenses moments de sa carrière avec les North Stars. Lors des séries éliminatoires de 1980, il a contribué à l’élimination du Canadien de Montréal, l’équipe de son enfance, qui était à l’époque en quête d’un cinquième championnat consécutif.

 

L’année suivante, il a atteint la finale de la Coupe Stanley pour la seule fois de sa carrière. « On parle des années de Bobby Smith, Al MacAdam, Craig Hartsburg, Dino Ciccarelli... On avait des bonnes équipes... », revoit-il, nostalgique.

 

Malheureusement pour lui, la formation des Islanders de New York qui le séparait de son moment de gloire n’était pas piquée des vers non plus. On y retrouvait Mike Bossy, Brian Trottier, Denis Potvin et, devant le filet, un certain Billy Smith.