MONTRÉAL – Comme si on venait de lui demander s’il avait l’intention de porter son masque à son prochain match, Antoine Coulombe paraît légèrement surpris lorsque la question arrive à ses oreilles : avait-il réalisé, en ce 6 octobre, qu’il avait déjà plus de victoires à sa fiche qu’il n’en avait obtenues durant toute la saison précédente?

« L’année passée, j’en ai eu quatre. Ce n’était pas difficile de s’en rappeler », répond poliment le gardien des Cataractes de Shawinigan.

Quatre victoires en 41 matchs. C’est tout ce que Coulombe a ramené à la maison après sa saison recrue dans la LHJMQ. Et ce n’est pas comme s’il pouvait s’encourager avec sa moyenne de buts alloués (5,19) ou son taux d’efficacité (,863).

Il fallait être fait fort pour garder les buts des Cataractes l’an dernier. Dix-neuf gardiens ont reçu plus de 1000 tirs en 2018-2019 dans le circuit Courteau. Du lot, seulement quatre ont été soumis à ce barrage en ayant passé moins de 2000 minutes devant leur filet. Coulombe est l’un de ceux-là. Son adjoint Justin Blanchette - qui a joué 13 de ses 36 matchs à Baie-Comeau - en est un autre.

Et beaucoup de tirs, ça veut généralement dire beaucoup de buts. La jeune mouture des Cats, qui était dans l’An 2 du projet de reconstruction supervisé par l’entraîneur-chef Daniel Renaud, en a accordé 347. C’est 209 de plus que les Huskies de Rouyn-Noranda, son adversaire en séries au printemps.

« Je n’ai pas tout le temps été dans des équipes dominantes, mais je n’avais jamais été dans une équipe comme l’année passée. Fait que c’était difficile, ne cache pas Coulombe. Des fois je donnais six ou sept buts, mais sur 55 tirs, des affaires de même. C’est tough parce que tu perds, mais à un moment donné, dans ces situations-là tu ne peux pas juste penser en termes de victoires et de défaites. »

De l’extérieur, le risque de fragiliser un espoir de premier plan, surtout à une position où la confiance peut être plus difficile à regagner, apparaissait comme un souci légitime. Mais jamais Renaud n’a craint d’écorcher l’armure de son gardien d’avenir en le livrant ainsi aux fauves.

« Tous les jeunes qu’on a gardés, on s’était donné comme mandat de leur donner le plus de responsabilités possible, affirme Renaud pour justifier l’utilisation de sa recrue. Alors on savait qu’en gardant Antoine à 16 ans, il aurait l’occasion de voir de l’action. Finalement, c’est le gardien de 16 ans qui a eu le plus de matchs dans toute la Ligue canadienne. Mais on était 100% convaincu de sa force de caractère. »

Le coach avait vu juste. À la fin de l’été, Coulombe s’est présenté au camp d’entraînement avec une fiche vierge et une garantie, la même qui avait été donnée à tous ses coéquipiers : le temps de jeu serait distribué au mérite. La promesse n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

Le premier gardien sélectionné au repêchage midget de 2018 est sauté sur la glace pour la troisième période du match inaugural des Cataractes, après que Blanchet eut accordé six buts sur 21 tirs aux Huskies. Il n’en est toujours pas ressorti depuis. Il a remporté ses deux premiers départs par jeu blanc et aligné un total de cinq victoires, améliorant un record de la LHJMQ en blanchissant l’adversaire pendant plus de 190 minutes pour débuter une saison. Après trois semaines d’activités, il domine ses pairs avec une moyenne de 0,75 et un taux d’efficacité de ,974.

Grâce à ses prouesses, les Cataractes n’ont concédé que dix buts à leurs six premières parties et occupent le troisième rang du classement de l’Association Ouest.

« Antoine fait un travail spectaculaire, c’est sûr et certain, ne peut que constater Renaud. En même temps, on travaille bien en unité de cinq. On donne moins de lancers, et surtout moins de lancers dangereux. Mais quand on a eu des défaillances, il a vraiment fait la job. »

Coulombe ne pouvait espérer un meilleur scénario pour lancer sa première saison d’admissibilité au repêchage de la Ligue nationale. Sous le radar de la majorité des observateurs il y a un mois, le natif de Montmagny commence à faire jaser. Dimanche, à Gatineau, il a reçu pour la première fois la visite d’un recruteur d’une équipe de la LNH.

Au centre de toute cette nouvelle attention, le jeune homme se fait un devoir de garder les deux pieds sur terre.

« J’aime pas ça m’enfler la tête, dit-il sur un ton calme. L’année passée, souvent ça n’allait pas bien et dès qu’on avait une bonne séquence, tout le monde partait un peu en peur. Le match suivant, on payait le prix. Je pense que j’ai appris là-dedans, j’ai appris à rester plus terre-à-terre quand ça va bien. »

La validité de l’échantillon produit jusqu’ici par Coulombe sera très bientôt mise à l’épreuve. Après avoir profité d’un début de calendrier plutôt clément, les Cataractes finiront le mois d’octobre en affrontant deux fois Chicoutimi, Sherbrooke et Rimouski. Avec devant lui une séquence de quatre matchs en six soirs et une autre de trois matchs en autant de jours, Daniel Renaud a déjà prévu réinsérer le vétéran Blanchette dans l’équation.

Pour combien d’occasions? D’ici la fin de la saison, la réponse sera entre les mains de son jeune partenaire.

« Je sais que j’ai juste 17 ans, mais je veux jouer le plus possible et devenir le goaler de cette équipe », clame Antoine Coulombe.