MONTRÉAL – Marc Saumier repensait récemment à une discussion qu’il avait eue avec le directeur général du Titan d’Acadie-Bathurst, Sylvain Couturier. Celle-ci portait sur leur attaquant chouchou, l’espoir du Canadien Riley Kidney.

Leur réflexion, si on la résume dans nos mots, ressemblait à ceci : pourquoi personne à plus de dix kilomètres des côtes de la Baie-des-Chaleurs ne s’intéresse à lui?

« Il est l’un des meilleurs marqueurs de la ligue, un des meilleurs passeurs d’une équipe de premier plan. Et ce n’est pas parce qu’il est dans une équipe de premier plan qu’il ramasse des points, c’est lui qui traîne l’équipe de premier plan, raisonnait Saumier. Comment ça se fait qu’on entend parler de Joshua Roy et des autres, mais on n’entend pas parler de Riley? À moment donné, ils vont en parler, ils n’auront pas le choix! »

C’était justement parce qu’on partageait un peu cet avis qu’on avait décidé de lâcher un coup de fil à Saumier, qui occupe le poste de directeur du développement des joueurs du Titan. Au moment de notre appel, il y a deux semaines, Kidney venait de faire son entrée dans le top-5 du classement des pointeurs de la LHJMQ. Il avait récolté au moins un point dans 19 de ses 20 derniers matchs. Une performance de quatre mentions d’aide dans une victoire de 5-1 contre Moncton ressortait du lot. Un match de cinq passes en Abitibi attirait aussi l’attention.

Tout ça ne semblait pourtant pas exciter grand monde. La mise sous contrat de Joshua Roy, une belle histoire qui méritait assurément d’être soulignée, a accaparé les manchettes pendant un moment. Les faits et gestes de Logan Mailloux ont été épiés dès sa suspension terminée. Avec raison, la participation de Sean Farrell aux Jeux olympiques a fait jaser. L’avenir de Jordan Harris et Jayden Struble a provoqué plusieurs débats. Dans ces pages, on s’est penché sur la progression de l’attaquant Luke Tuch, du gardien Jakub Dobes et du défenseur Kaiden Guhle.

Pendant tout ce temps, Kidney faisait ses petites affaires avec la régularité du réveille-matin de Bill Murray dans Le jour de la marmotte. Il était temps de s’y attarder un peu.

« Cette année, il a une grosse constance, corrobore Saumier. Il joue avec plus d’intensité, plus de confiance. Il sait que quand il a la rondelle, il va faire le jeu. Il est en avant de l’an passé. Pour nous autres, Riley Kidney, c’est un des cinq ou dix meilleurs joueurs de la ligue. »

Joueur de centre au gabarit modeste – le site de la LHJMQ le répertorie à 5 pi 11 po et 173 livres – Kidney est d’abord et avant tout un prolifique fabricant de jeux. Sa lecture du jeu et son calme en possession de rondelle lui permettent de compenser pour un coup de patin qui n’est pas exceptionnel pour identifier les espaces à exploiter et y attirer plusieurs adversaires afin d’isoler une cible. Ses mains habiles s’occupent ensuite du reste. Celui qui dit s’inspirer de Nick Suzuki domine actuellement le circuit Courteau avec 65 mentions d’aide en 61 matchs.

« Je retire énormément de plaisir à préparer un but pour un coéquipier, nous disait récemment Kidney au lendemain d’une performance d’un but et une passe à Rimouski. Je dirais que c’est la plus belle carte que j’ai dans mon jeu. J’aime utiliser ma créativité pour me déplacer et attirer tous les regards jusqu’à ce que je repère quelqu’un au bon endroit. Se faire complice d’un but, c’est probablement le meilleur feeling que je peux ressentir en jouant au hockey. »

Prêt pour un gros printemps

Kidney a toutefois le défaut de ses qualités. Ceux qui l’observent régulièrement lui ont longtemps reproché de télégraphier ses intentions en négligeant systématiquement son lancer. Marc Saumier était l’un de ceux-là. Il assure que l’observation a été maintes fois relayée au principal intéressé et que les résultats commencent à se faire voir.

« J’ai vraiment réalisé cette année qu’il est possible de se rabattre trop souvent sur l’option de passe, que c’est une mauvaise habitude dont il faut se débarrasser, admet Kidney, qui revendique jusqu’ici 28 buts. Je crois m’être amélioré. À chaque match, je m’applique à viser le but à des moments où je ne l’aurais pas fait auparavant pour surprendre les gardiens et les défenseurs qui connaissent maintenant mes tendances. »

Kidney admet que la nouvelle de la mise sous contrat de Roy lui a servi de motivation pour terminer l’année en force dans l’espoir d’obtenir la même récompense durant l’été. Avec six matchs à jouer à la saison du Titan, il partage le cinquième rang du classement des compteurs de la LHJMQ, 14 points derrière son compagnon de cohorte.

Cette production concorde avec les standards que le Néo-Écossais avait établi en octobre quand, en entrevue au confrère Kevin Dubé du Journal de Québec, il avait exprimé son intention de « détruire la LHJMQ ».

« C’est vrai que cet état d’esprit m’habitait en début de saison et j’ai l’impression d’y avoir fait honneur. Je travaille fort à chaque jour à l’entraînement et à chaque match, je sens que j’offre le meilleur de moi-même. J’avais mis la barre haute et je pense l’avoir atteinte. »

Et le meilleur pourrait être à venir. La saison dernière, c’est en explosant pour 17 points en neuf parties en séries éliminatoires que Kidney a augmenté sa cote et s’est positionné comme un futur choix de deuxième ronde – le CH l’a repêché au 63e rang – au repêchage de la LNH.

En épluchant ses statistiques depuis qu’il a franchi cette étape, on remarque que Kidney a été aussi performant, sinon plus, contre les puissantes formations de Charlottetown (15 points en huit matchs) et Saint John (12 points en huit matchs) que contre les équipes en reconstruction au Cap-Breton (11 points en huit matchs) et Moncton (15 points en huit matchs).

Avec le Titan qui est considéré comme l’une des équipes aspirantes aux grands honneurs dans le tournoi éliminatoire de la LHJMQ, Kidney se sent d’attaque pour un long et chaud printemps.