MONTRÉAL – Louis Robitaille ne compte pas ses heures. Heureusement. Avant de lire ce qui suit, prenez votre souffle.

Dans les 17 derniers mois, le directeur général et entraîneur-chef des Olympiques de Gatineau a coulé les fondations d’une puissance en devenir, supervisé son développement en pleine pandémie, géré une éclosion de 25 cas de COVID-19 tout juste avant les séries, participé au camp de développement estival d’Équipe Canada junior à titre d’entraîneur adjoint, dirigé son deuxième camp d’entraînement en Outaouais, mis la clé dans la porte du vétuste, mais légendaire Centre Robert-Guertin et déménagé ses troupes dans le flambant neuf Centre Slush Puppie.

Ah oui, on oubliait presque, il a aussi été courtisé par le Canadien de Montréal pour succéder à Joël Bouchard à la barre du Rocket de Laval...

« Disons que les deux dernières années, ça n’a pas été des années où j’ai pu prendre une semaine [de vacances], fermer mon téléphone et vraiment partir à l’aventure, oublier le hockey et juste penser à m’amuser. »

Tout ce qu’il s’est permis de s’offrir, ce sont trois jours de congé dans la région de New York au début septembre pour renouer avec son fils, qu’il n’avait pas vu depuis six mois. C’était non-négociable.

« Ça m’a fait du bien, témoignait Robitaille, émotif, lors d’un récent entretien avec le RDS.ca. Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu. C’était important pour moi. C’est mon seul garçon (né d’une union précédente et résidant avec sa mère à Hershey, NDLR). J’ai eu la chance d’aller le voir jouer dans un tournoi de hockey Bantam AAA à New York. On a assisté à un match des Yankees. On a essayé de maximiser nos trois jours ensemble avant que je ne revienne ici parce que je ne sais pas quand je vais pouvoir le revoir. Les frontières américaines ne nous permettent pas d’aller le visiter, ce qui rend la chose encore plus difficile.

« Ce sont les seuls trois jours de congé que j’ai pu prendre et je dirais que là-bas, entre ses games de hockey, je travaillais car je devais gérer des situations qui arrivaient ici. Les vacances, ça va être pour plus tard et c’est bien correct comme ça. »

En quittant son poste d’entraîneur-chef des Tigres de Victoriaville au printemps 2020 pour accepter les doubles fonctions de DG et entraîneur-chef des Olympiques, l’ancien défenseur qui a roulé sa bosse dans la Ligue américaine et joué deux matchs dans la LNH avec les Capitals de Washington savait très bien dans quoi il s’embarquait. On ne redonne pas ses lettres de noblesse au club le plus décoré de l’histoire de la LHJMQ à temps partiel.

L’épanouissement

Après trois éprouvantes saisons de reconstruction, les Olympiques ont finalement tourné le coin l’an dernier. L’insertion de quatre joyaux sélectionnés au premier tour du repêchage 2020 – Tristan Luneau (1er), Antonin Verreault (2e), Samuel Savoie (4e) et Noah Warren (8e) – a propulsé les Piques vers une première saison gagnante (16-11-2-2) depuis 2017-2018 et le 10e rang du classement général. Après une pause forcée de trois semaines occasionnée par une éclosion de cas de COVID-19 dans leurs rangs, les Olympiques se sont aventurés en séries, où ils ont été éliminés par l’Armada de Blainville-Boisbriand en quatre matchs (série 3e de 5).

L’avenir est donc plus que prometteur et les fidèles partisans de l’équipe peuvent se permettre de rêver à une 8e coupe du Président avant longtemps, mais il reste encore beaucoup à faire avant que ce noyau n’arrive à maturité, tempère Robitaille.

« On oublie souvent qu’on est encore une jeune formation. On a des joueurs plus âgés dans la profondeur de l’équipe, mais nos joueurs clés, ce sont des jeunes qui ont seulement une vingtaine de matchs d’expérience dans la ligue. »

« On est encore loin de la coupe, évalue Robitaille. Je leur ai dit, on est satisfait de la saison qu’on a eue, on a quand même terminé avec une fiche en haut de ,500, ce qui est très respectable avec une jeune formation, mais on a seulement gagné une game de séries. On peut penser qu’on est beaux, qu’on est bons et qu’on est fins, mais au bout de la ligne, comme toutes les équipes, on veut gagner notre dernier match. Il reste encore beaucoup de travail. On veut continuer à avancer parce que notre but c’est de ramener la coupe à la maison un jour. »

Pour y parvenir, le cœur de sa formation doit d’abord s’épanouir, apprendre à se valoriser dans la simplicité, insiste Robitaille. À commencer par Luneau, qui comme ses trois autres coéquipiers de marque de la cohorte 2020, est admissible au prochain repêchage de la LNH.

« Il ne doit pas se mettre de la pression à vouloir être un sauveur et montrer qu’il peut tout faire. Ce que j’ai aimé de Tristan en deuxième moitié de saison l’an passé, c’est qu’il a eu moins de glace, mais il a eu plus de glace de qualité », résume Robitaille, tout en louangeant le professionnalisme précoce de son défenseur no 1, dont le retour au jeu est attendu en début de campagne après une opération mineure subie cet été.

Luneau sera le meneur d’une brigade défensive qui misera sur le retour de six joueurs, notamment le vétéran Olivier Boutin, de même que l’espoir des Penguins de Pittsburgh Isaac Belliveau, le choix de 7e tour des Sharks de San Jose Evgenii Kashnikov et Warren, un colosse de 6 pi 5 po et 214 lb prêt à asseoir son autorité à la ligne bleue.

Antonin VerreaultVerreault, quant à lui, ne doit pas interpréter sa récolte de 29 points de l’an dernier – la meilleure des Olympiques à égalité avec le vétéran Metis Roelens – et ses 10 points en sept matchs préparatoires, comme le rôle qui l’attend cette saison au sein de l’attaque gatinoise, prévient Robitaille.

« Ce n’est pas à lui de leader l’équipe offensivement et se mettre de la pression si on ne score pas. »

Pour cela, Robitaille se tournera dans un premier temps vers son capitaine Manix Landry, récemment repêché par les Coyotes de l’Arizona, et surtout Zachary Dean, choix de premier tour (31e) des Golden Knights de Vegas en juillet dernier.

« On parle beaucoup [de Luneau, Verreault, Savoie et Warren]. Est-ce qu’ils vont sortir les quatre en première ronde? Je ne le sais pas, mais [Dean] c'est un choix de première ronde.

« Il a vécu de l’adversité l’année passée avec les blessures, enchaîne Robitaille. C’est un gars qui avait eu une bonne saison à 16 ans. Avec le stress du repêchage en moins cette année, on s’attend à ce qu’ils prennent une autre gear. L’an passé, on voulait qu’il devienne un joueur de 200 pieds difficile à affronter et qu’il ne triche pas pour faire des points. Il a embarqué là-dedans. Il n’a peut-être pas eu la production offensive qu’il espérait (10 buts et 10 passes en 23 matchs), mais les petits détails dont il s’est soucié ont fait en sorte qu’il est sorti en première ronde et qu’il n’est pas passé inaperçu. »

En plus de Dean et Landry pour montrer la marche à suivre, Robitaille compte également se fier sur la contribution de vétérans comme le joueur de centre Mathieu Bizier – « c’est un p’tit peu notre Phillip Danault à Gatineau » – et le gardien de 20 ans Rémi Poirier.

« [Poirier] a vécu les années sombres des Olympiques. Il a été repêché (par les Stars de Dallas) et il a eu une bonne saison l’an passé. [...] C’est un gars qui a le logo tatoué sur le cœur, un gars qui veut gagner. Il a perdu 15 livres et il est arrivé ici dans une condition physique extraordinaire. Ça envoie le message : "Je ne suis pas juste ici pour jouer mon année 20 ans et espérer avoir un contrat". Il sait que s’il veut jouer un jour professionnel, ça passe par avoir du succès à sa dernière année junior. C’est notre gardien no 1 et on s’attend à de belles choses de lui. »

À sa façon, petit à petit, Robitaille met son empreinte sur son équipe. Un groupe qui, il espère, saura honorer la riche tradition d’excellence que les Pat Burns, Alain Vigneault, Claude Julien et Benoit Groulx ont su enrichir avant lui.

« La seule chose qu’ils ont à faire, c’est d’arriver ici avec le sourire, être prêts à compétitionner (sic) et porter le chandail fièrement. »

Robitaille s’occupe du reste.