Philippe Veilleux, la sensation virale devenue espoir LNH
MONTRÉAL – Philippe Veilleux n'a que 13 ans lorsqu'une vidéo de ses prouesses tombe dans l'œil de Pavel Barber.
Vêtu du chandail de la supervedette des Maple Leafs de Toronto Auston Matthews, Veilleux y enchaîne les feintes et évite les obstacles placés à travers son chemin sur la patinoire avec une agilité déconcertante, avant de se mettre à tournoyer en fin de parcours.
La force d'inertie qu'il génère fait alors coller la rondelle à la lame de son bâton, tenu à la verticale, avant qu'il ne la propulse dans le haut d'un filet laissé désert.
Barber, lui-même une sensation des médias sociaux pour ses tours de magie du genre, partage alors la vidéo à ses centaines de milliers d'abonnés.
Parmi ceux-ci, le chanteur et partisan des Leafs Justin Bieber complimente le hockeyeur de Sainte-Julie pour son choix de chandail judicieux. Matthews, un ami bien connu de Bieber, n'hésite pas ensuite à apposer lui aussi son sceau d'approbation sous la publication. Dans le temps de le dire, la vidéo cumule les millions de visionnements.
« Philou » devient viral.
Ses prochaines publications, toutes aussi spectaculaires, continuent de capter l'attention de Barber. Veilleux se permet même parfois de le mettre amicalement au défi, tout comme Connor McDavid, qu'il parvient d'ailleurs à battre dans un exercice de maniement de rondelles.
Ne cherchez toutefois pas sur les médias sociaux cette vidéo où Veilleux surpasse le prodige des Oilers d'Edmonton. Vous ne la trouverez pas.
Les seules traces que vous parviendrez peut-être à dépoussiérer des exploits de Veilleux, sont celles présentées en 2020 dans un reportage de l'ancien confrère de TVA Sports Andy Mailly-Pressoir.
Veilleux explique près de cinq ans plus tard les avoir retirées de sa page Instagram – qui compte à ce jour plus de 21 000 abonnés – afin de présenter un profil « un peu plus professionnel ».
« Il doit y avoir pas mal de monde qui pense que je suis juste capable de faire ça, et que je ne suis qu'un gars de réseaux sociaux. Mais c'est loin d'être ça. Je suis plus un joueur de hockey qu'un gars qui fait des tricks dans les airs. »
C'est en tout cas ce qu'il prouve aujourd'hui, plus que jamais, dans l'uniforme des Foreurs de Val-d'Or.
L'ailier gauche de 17 ans connaît actuellement les meilleurs moments de sa carrière dans la LHJMQ. En trois matchs la semaine dernière, l'athlète de 5 pi 9 po et 165 lb a inscrit huit buts et récolté trois mentions d'aide en trois matchs – dont un de quatre buts –, prolongeant ainsi à huit sa série de rencontres avec au moins un point, et à six sa séquence de sorties avec au moins un but.
Fort d'une récolte totale de 28 buts et 59 points en 46 matchs cette saison, la sélection de premier tour des Foreurs en 2023 (11e) occupe le neuvième rang des pointeurs du circuit et a déjà surpassé sa production de la dernière campagne (47), la meilleure de l'histoire du club abitibien pour un joueur recrue de 16 ans.
« Sa confiance est à son summum et ça paraît », note l'entraîneur-chef et directeur général des Foreurs, Maxime Desruisseaux. « Ses passes, ses lancers, sont faits avec autorité. Il n'y a aucune crainte dans sa game. C'est : "Enweille, on s'en va par là et on avance". »
« Ma confiance augmente de game en game, atteste Veilleux. J'aime ça avoir la puck. Je veux la puck souvent. Je veux avoir la possession et je veux faire des jeux. »
Un état d'esprit qui contraste avec celui qui l'habitait en début de saison, alors que la rondelle, il « la voulai[t] peut-être moins. »
Meilleur pointeur des siens en 2023-2024, Veilleux a dû patienter jusqu'au 11e match de la saison pour déjouer son premier gardien, étant jusque-là limité à six mentions d'aide.
« J'avais peut-être obtenu 30 ou 40 lancers (25, NDLR) et je n'avais pas encore de but. Ça ne faisait pas de sens. Je me suis dit qu'à moment donné, ça finirait par débloquer, et ç'a justement débloqué.
« Mais il faut dire que j'avais peut-être moins confiance, que je mettais peut-être un peu moins d'efforts. Je pensais que ça allait être plus facile. J'ai réalisé qu'il faut que je travaille chaque fois pour avoir les points. Il n'y a pas de statistiques faciles. J'ai changé ma mentalité de ce côté-là. »
Desruisseaux tient quant à lui à faire la part des choses dans l'état des faits quelque peu sévère présenté par son protégé. Ce n'est pas iniquement Veilleux qui en arrachait à Val-d'Or en début de campagne, mais bien un peu tout le monde, nuance-t-il.
« Assurément, il était moins sur la feuille de pointage. Mais je ne pense pas que c'était Philippe Veilleux en tant que tel, je pense plus que c'était l'équipe. Et automatiquement, ça avait un effet sur Philippe », fait remarquer celui dont la formation n'a signé que trois victoires à ses 10 premiers matchs du calendrier.
« L'équipe s'est replacée, et Philippe aussi. Quand ça a décollé son affaire, il a marqué 12 buts en 11 matchs. Les joueurs offensifs, quand ils sont dans leur élément, dans leur zone idéale, ça paraît. Il l'a retrouvée et depuis ce temps-là, ça n'a pas jamais arrêté. »
« Il est capable de la shooter et il a un lancer précis. Ses passes, c'est niaiseux à dire – et c'est là que le talent parle de lui-même –, sont dans le milieu de la palette. Elles ne sont pas sur le boutte. Elles ne sont pas un pied en avant, elles sont à la bonne place. »
Son différentiel, qui affichait un glacial moins-17 à la conclusion du mois de novembre ne s'en porte que mieux. Au moment d'écrire ces lignes, Veilleux montre un rendement de moins-11, alors que les Foreurs occupent l'avant-dernier rang du circuit pour les buts concédés (206).
« C'est dur de se rattraper, mais de savoir que ça descend tranquillement et que si je continue comme jusqu'à la fin de l'année, ça risque d'être dans le positif, c'est bon à savoir aussi. Ça veut dire qu'on fait aussi une meilleure job défensivement. »
Ces progrès, les éclaireurs de la LNH les ont remarqués. C'est ainsi que Veilleux a fait son apparition à la mi-janvier dans la plus récente mise à jour de liste des meilleurs espoirs en vue du prochain repêchage selon la Centrale de recrutement du circuit, se classant au 172e rang chez les patineurs nord-américains.
Au moment de publier sa première liste des joueurs à surveiller, à la fin octobre, l'organe de la LNH n'avait pas cru bon l'inclure.
« Je ne peux pas le cacher. Ça m'a affecté un peu. [...] Mais je ne peux pas leur en vouloir de ne pas m'y avoir mis. Je fais 5 pi 9 po, je n'avais pas vraiment de points, et j'étais dans les moins. Ce n'est pas quelque chose que tu veux mettre de l'avant. »
D'autres spécialistes sont plus optimistes dans leurs projections, notamment l'expert du réseau TSN Craig Button, qui le classait récemment comme un choix de fin de deuxième ronde, au 63e échelon.
Peu importe où Veilleux serait sélectionné, Desruisseaux est convaincu d'une chose, les dépisteurs auront comme lui remarqué que son fabricant de jeu hors pair affiche un jeu de plus en plus complet, qu'il est « rarement pris hors position » et qu'il n'est pas qu'une menace sur le jeu de puissance.
« À 17 ans c'est correct de faire des points, mais c'est surtout son calme avec la rondelle, sa vision, son QI hockey et sa compréhension de la game qui m'impressionnent », ajoute le coach.
« Tabarouette, ça, c'est au-dessus de la moyenne et ce n'est à ne pas négliger. Ce n'est pas tout le monde qui vient avec ces aptitudes-là, ce talent-là. »
Et avec une dextérité aussi singulière. Si bien que plane chaque soir pour l'équipe adverse la menace d'une manœuvre au potentiel viral. Un but Michigan? Pourquoi pas? Après tout, il en a déjà un à son actif dans les rangs M18AAA.
« Des fois, j'y pense, mais je ne l'essaie pas. Je pourrais toujours l'essayer... »
En cas de réussite, une mise à jour de sa page Instagram s'imposera assurément.