MONTRÉAL -  Le petit monde du hockey est un univers contingenté dans lequel il peut devenir difficile de manœuvrer sans un bon réseau de contacts. Dis-moi qui tu connais et je te dirai où tu risques de te retrouver.
 
Alors quand les Mooseheads de Halifax ont annoncé l’embauche surprise de Jean-Jacques Daigneault au poste d’entraîneur-chef, en début de semaine, quelques associations naturelles sont venues à l’esprit. Daigneault sortait d’une saison passée sur le banc du Rampage de San Antonio dans la Ligue américaine, où Éric Veilleux avait été entraîneur-chef pendant deux ans avant de le précéder à Halifax. Que l’un ait ouvert une porte pour l’autre semblait une possibilité fort réaliste.
 
Daigneault avait aussi croisé brièvement Bobby Smith, le propriétaire des Mooseheads, durant sa première saison à la ligne bleue du Canadien au tournant des années 1990. Sans doute les deux hommes avaient-ils jeté les bases d’une amitié qui avait résisté à l’épreuve du temps?

« Pas du tout », s’empresse de déboulonner Daigneault, rejoint mercredi dans les balbutiements de son déménagement. Pour décrocher son nouvel emploi, l’ancien entraîneur-adjoint du Canadien a fait comme le commun des mortels. Il a mis son CV à jour, a fouillé pour quelques adresses sur Internet et a tiré ses lignes à l’eau.
 
« J’avais commencé à regarder à la fin de la saison, révèle l’homme de 53 ans en entrevue. J’avais une clause dans mon contrat qui m’empêchait de commencer à regarder pour un autre emploi avant que la saison des Blues de St Louis soit terminée. Mais j’avais demandé la permission d’envoyer des CV un peu avant que l’équipe atteigne la finale de la Coupe Stanley. C’était au début du mois de juin. J’ai fait quelques appels, j’ai envoyé quelques courriels. Mais c’était pas mal tranquille. »
 
Le 26 juin, les Mooseheads ont annoncé que Veilleux quittait l’organisation après une seule saison pour retourner dans le hockey professionnel. Daigneault a envoyé ses coordonnées et on l’a rappelé. Moins de deux semaines plus tard, son retour dans la LHJMQ était officialisé.
 
« J’avais un contrat de trois ans et je ne pensais jamais partir avant la fin. Ce n’est pas vraiment commun de ma part de déménager à toutes les années comme ça », souligne Daigneault, qui a passé six ans dans l’organisation des Rangers de New York et six autres dans celle du Canadien avant d’être remercié par Marc Bergevin au printemps 2018.

Mais après 15 ans dans un rôle d’adjoint, l’ancien bras droit de Michel Therrien et Claude Julien sentait qu’il était prêt à essayer autre chose. Seul un mandat d’entraîneur-chef l’aurait fait quitter le club-école des Blues, au sein duquel il était en charge des défenseurs, l’aurait fait déraciner de nouveau sa famille.
 
« J’ai toujours pensé qu’un entraîneur devait faire ses classes. [Alain] Vigneault, Therrien, Julien, ils ont tous fait leurs classes à des niveaux plus bas. De mon côté, j’ai joué pro jusqu’à 35 ans, ensuite je suis retourné à l’école jusqu’à 40 ans. J’ai commencé à coacher quand même assez tard. »
 
« C’est important d’apprendre à prendre ses propres décision, à connaître les gens avec qui on travaille, à connaître les jeunes avec qui on travaille, apprendre des erreurs qu’on va faire, parce qu’on va tous en faire... C’est ça le processus et je trouve que ce processus est important. C’est pour ça qu’aujourd’hui je retourne dans le junior. C’est pour faire mes classes. »
 
« Une bête différente »
 
Pour Daigneault, l’une des premières étapes de ce processus sera d’ajuster ses méthodes à une nouvelle clientèle. C’est la première fois depuis qu’il a quitté les Chevaliers de Longueuil en 1984 que le natif de Ville-Émard sera entouré de joueurs d’âge junior. Il concède qu’une période d’ajustement sera nécessaire.
 
« C’est une bête différente. Mais ça m’a beaucoup aidé de retourner à un niveau plus bas l’an dernier parce que l’enseignement n’est pas aussi rigoureux dans la LNH, l’approche n’est pas la même. Le fait d’avoir travaillé avec des plus jeunes dans la Ligue américaine va m’aider dans le junior. »
 
Pour l’aider dans sa transition, il pourra compter sur Sylvain Favreau et Jon Greenwood, deux adjoints qui ont conservé leur emploi malgré le départ de Veilleux. Les Mooseheads avaient été bâtis pour tout rafler en 2019, alors qu’ils avaient été désignés comme l’équipe hôtesse du tournoi de la Coupe Memorial, mais Daigneault a fait ses devoirs et ne s’attend pas à un début de chantier trop difficile.  
 
« On a de bons prospects, on a fait des bons repêchages. Je pense à Justin Barron, un bon défenseur très mobile avec une bonne tête de hockey. C’est un jeune qui risque d’être repêché haut cette année. Il y a des bons joueurs qui vont s’attacher au club et prendre plus d’ampleur dans leur jeune carrière junior. »
 
« Les Mooseheads s’attendent à être compétitifs à chaque année. Les membres de l’équipe ne devraient pas être satisfaits d’où ils se sont rendus l’an dernier. C’est ce qui fait une carrière de hockey : ne jamais être satisfait des améliorations qu’on fait individuellement ou collectivement », dit Daignault, philosophe, avant de retourner à ses boîtes.