MONTRÉAL – Le printemps 2020 était depuis longtemps dans le viseur de Yanick Jean. L’entraîneur-chef et directeur général des Saguenéens de Chicoutimi avait investi l’ensemble de ses pouvoirs et compétences afin de ramener, après une disette de 25 ans, la coupe du Président au Centre Georges-Vézina.

Derrière le banc, Jean avait su garder à flot un groupe doué, mais décimé par les blessures. Une semaine avant que la LHJMQ ne décide de suspendre ses activités, les Sags comptaient six joueurs réguliers à la clinique pour y recevoir des soins de longue durée. Hendrix Lapierre, l’un des plus beaux espoirs en vue du prochain repêchage de la LNH, n’avait joué que 19 matchs en raison d’une commotion cérébrale. Malgré tout, l’équipe bataillait avec les Wildcats de Moncton pour le premier rang du classement de sa division avec une fiche de 45-12-6.

Parallèlement, le DG avait été l’un des acheteurs les plus agressifs du circuit Courteau à la date limite des transactions. Il avait sacrifié un total de sept choix de première ronde, dont quatre en 2020, afin de faire l’acquisition des vétérans Félix Bibeau et Patrick Kyte en plus des attaquants Dawson Mercer et Raphaël Lavoie.

Jean avait poussé tous ses jetons au centre de la table. Les prochains mois devaient être la culmination d’un projet longuement mûri, l’heure du passage à la banque dans l’espoir d’y récolter les fruits d’importants investissements.

Tout ça s’est envolé en fumée lundi avec l’annonce de l’annulation des séries éliminatoires de la LHJMQ faite par le commissaire Gilles Courteau.  

« C’est certain que c’est difficile, reconnaît Jean, qui gardait malgré tout le moral lorsque rejoint à son domicile mardi matin. Pour nos partisans, premièrement. On avait en moyenne 4000 personnes par match en deuxième moitié de saison. Et nos joueurs, qui y croyaient. Avec la saison qu’on a eue, tout le monde se disait qu’avec tous nos joueurs qui seraient de retour pour les séries... ça donnait confiance. »

« Mais comme dans tout, ça va au-delà du hockey en ce moment. C’est difficile à accepter, mais c’est très facile à comprendre », relativisait l’homme de hockey.

Dans ses pensées pour ses joueurs, « qui ont gardé la tête haute dans l’adversité et qui se sont défoncés », Jean réservait une forme d’empathie toute spéciale à Kyte, Bibeau et son capitaine Rafaël Harvey-Pinard, ses vétérans de 20 ans « pour qui c’était la dernière chance ».

« Je vais les laisser décanter une couple de jours avant de leur parler, planifiait le coach. Ça ne sert à rien pour l’instant. Je suis convaincu qu’il y a de la frustration à évacuer de leur côté. »

Au repos forcé comme des milliers de travailleurs québécois, Jean se donnait quant à lui une semaine ou deux pour compléter son deuil avant de porter son regard vers l’avenir. « Là, je suis en train de faire un casse-tête avec ma fille », s’esclaffe-t-il, les deux pieds dans le moment présent, quand on le questionne sur ses occupations.

Tôt ou tard, le puzzle se transportera sur l’ardoise qui est épinglée au mur de son bureau. Avec le départ attendu de Lavoie pour le hockey professionnel et un droit de parole limité au prochain encan de joueurs midget, les Sags pourraient vivre des lendemains difficiles lorsque la prochaine saison se mettra en branle.

Mais Jean traversera le pont lorsqu’il sera rendu à la rivière.

« Ça fait partie de tout, mais on a encore une bonne équipe l’année prochaine, prévoit-il. Quand tu as des gars comme Lapierre, Mercer, [Artemi] Kniazev, [Alexis] Shank, en plus de [Samuel] Houde qui pourrait revenir, on est convaincu qu’on va avoir encore une très bonne équipe. »