MONTRÉAL – Confronté à la fin abrupte de sa carrière junior, Rafaël Harvey-Pinard fait contre mauvaise fortune bon cœur. Confiné au domicile familial d’Arvida, d’où il a vu les activités de la LHJMQ passer de « suspendues » à « annulées » en début de semaine, l’attaquant de 21 ans se console en préparant activement, avec les moyens du bord, la prochaine étape de sa carrière.

Parce qu’elle voulait s’assurer d’avoir un groupe bien préparé dans le cas d’une éventuelle relance, la direction des Saguenéens de Chicoutimi avait renvoyé tous ses joueurs à la maison avec l’équipement nécessaire pour suivre un programme d’entraînement qui leur avait été distribué. Harvey-Pinard, en bon capitaine, en a fait bon usage.

« Je pense que si la saison commençait demain, je serais 100% capable de reprendre où j’avais laissé. Et je vais continuer, je n’arrêterai pas pendant les jours qu’il nous reste en quarantaine », s’engageait le vaillant Jonquiérois lorsque joint par RDS mardi.

L’assiduité de RHP risque d’être mise à rude épreuve. À l’heure actuelle, il semble optimiste de croire que la période de confinement imposée par le gouvernement québécois ne se prolongera pas au-delà de la date du 13 avril récemment avancée par le premier ministre François Legault. Plus les semaines passeront et plus la monotonie et la redondance interfèreront avec la bonne volonté des isolés.

C’est toutefois un risque auquel notre homme se croit bien humblement immunisé.

« J’ai un objectif en tête pis la motivation pour m’entraîner ne sera pas difficile à trouver », clame-t-il avec assurance.

L’allusion est si peu subtile qu’on s’imagine presque Harvey-Pinard cambré sur son vélo stationnaire, suant à grosses gouttes devant un portrait de Joël Bouchard épinglé à un mur du sous-sol de ses parents. Il approuvera sans se faire tordre un bras : c’est avec le Rocket de Laval qu’il ambitionne de jouer l’an prochain. Et ce n’est pas en restant les bras croisés que ça va arriver.

« Je l’ai vu un peu au camp des recrues l’an passé. C’est sûr que [la Ligue américaine], c’est une autre coche en haut de ça, mais je pense que je suis prêt à passer au prochain niveau. Il va y avoir une adaptation, comme c’est toujours le cas quand tu changes de ligue, mais je vais être prêt avec l’été d’entraînement qui s’en vient. »

Harvey-Pinard est en deuil d’une saison courte, mais bien remplie. Repêché après son année de 19 ans, il a participé au camp de développement, puis au camp des recrues du Canadien. Il a fait bonne impression au tournoi qui opposait les espoirs du CH à ceux des Sénateurs d'Ottawa et des Jets de Winnipeg, obtenant du temps de qualité aux côtés de Ryan Poehling et Nick Suzuki.

Ce fut ensuite l’adaptation à de nouvelles couleurs, un nouveau vestiaire. Après avoir passé trois saisons à Rouyn-Noranda, dont la dernière couronnée par la conquête de la coupe Memorial, il est débarqué à Chicoutimi avec comme mission de montrer le chemin à une jeune équipe qui allait aspirer aux grands honneurs. Yanick Jean, son nouvel entraîneur-chef, a demandé à ce que le « C » soit cousu sur son chandail numéro 11.  

Sa saison a commencé par une léthargie : huit matchs sans marquer. Pour un gars qui avait enfilé 53 buts, séries éliminatoires incluses, l’année précédente, cette séquence a paru interminable.

« Au début de la saison, pour aucune raison, je pense que j’avais un petit manque de confiance. Je tenais mon bâton un peu serré et après deux ou trois matchs, je cherche le mot exact, mais disons que je commençais à capoter. Ça ne roulait pas comme je voulais, je doutais de moi et j’ai commencé à jouer frustré. Mais je suis revenu à la raison et une fois que j’ai marqué le premier but, tout a débloqué. »

L’un des rares joueurs des Sags à avoir été épargnés par les blessures, Harvey-Pinard a terminé la saison au sommet du classement des pointeurs de son équipe avec 78 points, dont 34 buts, en 62 parties.

« Je suis content de ce que j’ai livré, dit-il en rétrospective. J’aurais aimé en donner encore plus pendant mon début de saison plus lent, mais on s’en venait dans une période critique et je pense que j’aurais pu monter le niveau de mon jeu d’un cran dans cette période-là. Donc je suis content de ce que j’ai donné. »

Harvey-Pinard, qui profite de la pause forcée pour accélérer l’avancement de ses études collégiales en sciences de la nature, estime aussi avoir fait avec diligence les devoirs que lui avait prescrits la direction du Canadien avant de le retrancher à l’automne.

« Ils m’ont demandé d’améliorer ma vitesse et d’augmenter ma masse musculaire. Pour ce qui est de la masse, ça peut être difficile de l’augmenter au cours d’une saison, je pense que je l’ai surtout maintenue. Au niveau de la vitesse, je pense que le fait de jouer sur une plus grande surface à Chicoutimi m’a aidé parce qu’il fallait que je donne plus d’enjambées pour couvrir la distance entre deux points. Mais ça va surtout être durant l’été que je vais travailler fort pour améliorer ces aspects-là. »