Ainsi, pour avoir joué huit matchs avec les Ice Dogs de Niagara de la Ligue junior de l’Ontario en 2013-2014, Sam Berg va toucher 20 000 dollars. Telle est l'une des conclusions de l’entente entre les équipes de la Ligue canadienne de hockey et le groupe de joueurs initié par Berg, fils de l’ancien attaquant de la LNH, Bill Berg. 
 
Pour ceux qui ne sont pas au fait de ce dossier, retournons en 2014 alors qu'un groupe de cinq joueurs menés par Sam Berg, qui je le rappelle n’a joué que huit matchs dans la LCH, intente une poursuite de 180 millions de dollars contre la LCH et ses 60 équipes pour non-respect du salaire minimum. Dans la poursuite, Berg et ses avocats allèguent que les joueurs juniors de la LCH ne reçoivent que 40 à 60 $ sur une base hebdomadaire pour des semaines de 40-45 heures, ce qui contrevient à la loi régissant les normes du travail.
 

Vendredi après-midi, dans une lettre ouverte publiée par les trois ligues au pays, la LCH déclare qu’elle accepte de verser 30 millions de dollars à la poursuite sans admettre qu’elle est en faute, mais simplement pour régler le dossier et empêcher des frais légaux incontrôlables pour les cinq ou dix prochaines années qu’aurait pu durer un éventuel procès. Dans le jargon, on appelle cela « Un règlement sans admission ».
 
La police d’assurance de la Ligue canadienne de hockey, qui la protège contre d’éventuelles poursuites, devrait éponger environ 50 % de ces 30 millions de dollars et l’autre 50 % sera défrayé par les équipes (environ 250 000 $ pour chacune des 60 concessions). On a jusqu’au 20 octobre 2020 pour régler le dossier, selon le règlement. 

Sam Berg, qui n’a disputé que huit matchs dans la OHL, et Lukas Walter, un autre des cinq instigateurs de la poursuite, ont déclaré vendredi « avoir fait cela pour faire respecter les droits des joueurs et se disent fiers de ce qui a été accompli avec ce règlement. »
 
Que restera-t-il aux joueurs?
 
Si certains, à tort ou à raison, croient que les joueurs juniors se font « exploiter » pendant leur séjour dans la LCH, sachez qu’en plus de l’allocation de 40 à 60 dollars par semaine les joueurs voient aussi leurs frais d’hébergement, d’études, de livres scolaires, de soutien pédagogique et aussi leurs équipements sportifs supportés par les équipes et ce, sans compter les bourses d’études universitaires auxquelles sont admissibles les joueurs à la fin de leur stage junior. Si on veut être honnête, il faudrait comptabiliser tout ça dans le « salaire » des joueurs, mais ça... la poursuite n’en parle pas!
 
À la suite de ce règlement de 30 millions de dollars, il est permis de se demander combien il restera dans les poches des plaignants une fois la répartition des sommes effectuées. Il y a bien sûr les frais exorbitants d’avocats (impossible de savoir les honoraires, mais les firmes qui gèrent ces dossiers sont habituellement assez gourmandes).  Il y a les frais « honorifiques » des cinq joueurs instigateurs de la poursuite. Eux, dès le départ, ils se sont fait garantir 60 000 dollars soit : 20 000 dollars pour Berg, qui n’a joué que huit matchs dans la LCH, et 10 000 dollars pour les quatre autres : Lukas Walter, Travis McEvoy, Kyle O’Connor et le Québécois Thomas Gobeil, qui a disputé 155 matchs avec le Drakkar, les Saguenéens et les Foreurs entre 2010 et 2014. 
 
Peu importe le nombre de joueurs inscrits dans ce recours et qui se diviseront la cagnotte restante, ces cinq joueurs et leurs avocats sont, à mon humble avis, les seuls grands gagnants de ce dossier.
 
D’autres anciens s’élèvent contre ce règlement
 
Dès la publication de ce règlement tard vendredi en fin d’après-midi (un vieux truc de relations publiques pour que la nouvelle fasse le moins de bruit possible), plusieurs ex-joueurs de la LHJMQ se sont élevés en faux contre cette entente sur les médias sociaux.

Antoine Tardif, ancien gardien de but du Titan, des Voltigeurs et des Remparts, s’est dit désolé de voir que d'anciens joueurs aient tourné le dos à leurs équipes en ajoutant que « ses quatre années dans la LHJMQ ont été extraordinaires et que l’argent était loin dans ses pensées. » 

Dominic Jalbert, un ex-défenseur des Saguenéens, s’est aussi dit gêné de voir le dénouement de cette affaire. Il affirme : « Nous étions heureux, on jouait au hockey devant 3 000 spectateurs et tellement de jeunes auraient voulu être à notre place. »
 
Pour avoir consulté les médias sociaux pendant le long week-end, plusieurs ex-joueurs vont dans le même sens et certains suggèrent même aux plaignants de redonner l’argent reçu grâce à ce recours à leurs équipes respectives. 
 
L’impact de tout ce dossier
 
Au cours des deux dernières années, la LCH s’est assurée de faire en sorte qu’une telle poursuite ne se reproduise plus. Ainsi, dans chaque province ou état américain qui loge une équipe, il est maintenant inscrit dans la loi que les joueurs juniors sont des « athlètes étudiants » et donc pas soumis à la loi du salaire minimum. 
 
Il n’en demeure pas moins que certaines concessions ne roulent pas sur l’or et une facture additionnelle de 250 000 dollars, surtout avec l’incertitude reliée à la reprise des activités après la pandémie, va créer un trou béant dans les coffres de certaines équipes. Il est à souhaiter que cela ne mette pas en danger la pérennité, à moyen terme, de ces formations.
          
En terminant, je me demande bien si les quelque 1 100 joueurs qui recevront une fraction de ce recours collectif auront la décence de rembourser, à tout le moins, les frais de pensions assumés par leurs équipes respectives lors de leur séjour junior.

Quand tu es rémunéré au salaire minimum, c’est le genre de choses que les autres jeunes de ton âge qui travaillent au resto du coin et qui ne jouent pas au hockey assument...
 
Enfin, je me demande aussi maintenant si Sam Berg, qui empochera 20 000 dollars, lui qui n’a joué que huit matchs avec les Ice Dogs de Niagara en 2013-2014, trouve maintenant qu’il aura été suffisamment rémunéré pour son temps passé dans la Ligue junior de l’Ontario?