MONTRÉAL - La ville de Manhattan Beach ressemblait, du moins un peu, à Montréal dimanche, couverte qu’elle était de nuages qui gardaient le mercure sous la barre des 20 degrés. Les nuages, le temps frais, presque froid pour cette région, et la pluie annoncée pour lundi aidaient l’agent Pat Brisson et les membres de sa famille à respecter le confinement imposé par les autorités californiennes dans la lutte contre la Covid-19.

 

Pas question de se plaindre toutefois.

 

« Il y a de pires endroits au monde pour être confiné », a convenu l’agent installé dans la région de Los Angeles où il a suivi son bon ami et ancien coéquipier avec les Olympiques de Hull Luc Robitaille après que ce dernier eut fait le saut avec les Kings il y a déjà plus de 30 ans.

 

Même si le soleil qui plombe habituellement sur le Sud de la Californie avait tenté d’égayer ce dimanche, Manhattan Beach aurait affiché un air maussade. Un air malade.

 

« La mer est à 10 minutes de marche, mais les plages sont désertes. Comme nos voisins, on se promène un peu dans le quartier, il y a quelques adeptes de vélo et des marcheurs qui défilent, mais je t’assure que les mesures de sécurité sont très respectées ici. La Californie est l’épicentre de cette pandémie dans l’Ouest alors tout le monde fait attention. On ne s’aventure pas trop à l’extérieur. On limite les déplacements. On va à l’épicerie, à la pharmacie, on va " jogger ", mais on reste le plus possible sagement à la maison », a indiqué Pat Brisson lors d’un entretien avec RDS.ca.

 

La lutte contre la Covid-19 a changé le visage de Los Angeles comme elle change le visage de toutes les autres villes au monde.

 

À Venice Beach, l’un des sites grouillants de Los Angeles, un endroit un brin mythique que les touristes se font un devoir de visiter, les petits terrains de tennis, le court de basket et même le gymnase en plein air où des mastodontes poussent fièrement de la fonte sous les yeux de ceux qui défilent autour sont vides. Les « surfers » n’ont plus le droit d’aller glisser sur les longues vagues avant qu’elles ne cassent sur le sable. Ceux qui défient les règles en plus de défier les vagues reçoivent des amendes plus salées (1000 $) que l’eau de la mer. Les adeptes de patins à roulettes se font rares. Et ceux qui roulent, cheveux au vent, le fond devant des portes d’aciers fermées et couvertes de graffitis puisque tous les commerces, ou presque, du secteur sont fermés.

 

Impossible de s’amuser quand des gens meurent

 

Même le volley-ball de plage, si populaire le long de la côte californienne alors que les terrains se comptent par centaines sont vides.

 

« Les filets ont été retirés pour s’assurer que personne ne vienne jouer », confirme Pat Brisson qui voit d’un très bon œil le fait que cette région si grouillante d’activités extérieures soit dénaturée par les conséquences de la pandémie qui sévit depuis des semaines.

 

« Je ne vois pas comment les gens de Los Angeles pourraient s’amuser en jouant au volley-ball sur les plages, pourraient faire du surf, se baigner ou prendre du soleil alors qu’il y a des dizaines de milliers de personnes qui sont mortes autour du monde depuis quelques semaines et qu’il pourrait y en avoir des dizaines de milliers d’autres qui vont mourir au cours des prochains jours et des prochaines semaines ici en Californie, ailleurs aux États-Unis et partout dans sur la planète. On vit une catastrophe mondiale. On doit tous le réaliser. On doit tous encaisser les conséquences. Plus le nombre de gens qui sont brimés par les contraintes sera élevé, plus les actions positives seront respectées et plus vite on arrivera à gagner cette guerre. Mais la guerre doit faire mal au plus grand nombre de gens possible pour qu’elle serve à quelque chose », a poursuivi l’agent de Sidney Crosby et de plusieurs des plus grands noms de la LNH.

 

Malgré les contraintes qui l’affecte lui aussi, Pat Brisson se concentre sur les aspects positifs que la pandémie pourrait avoir.

 

« Je ne suis pas un scientifique. Je ne sais donc pas si le virus qui frappe a des liens avec l’abus que nous faisons subir à la planète et à l’environnement. Mais ce que nous visons devrait nous aider à revenir à des vies plus normales. À nous obliger à être plus conscients de l’environnement et de ce qu’on doit faire pour le respecter davantage. C’est un message qu’on reçoit en ce moment. Du moins c’est ce que je crois », assure Brisson qui relève d’ailleurs déjà un bon côté des conséquences de la lutte contre la Covid-19. Un bon côté qui saute aux yeux et aux nez des résidents de la grande région de Los Angeles.

 

« Je suis convaincu que les taux de monoxyde de carbone n’ont jamais été aussi bas à Los Angeles. Du moins pas depuis que je suis arrivé ici à la fin des années 1980. Il y a très peu de déplacements dans la grande région. Les autoroutes ne sont pas désertes, mais il n’y a pas de gros embouteillages comme ceux avec lesquels nous devons normalement composer tous les jours. La ville n’est plus enveloppée par le smog en fin d’après-midi et début de soirée. Ça se voit. Ça se sent. Il y a ça de bien. »

 

L’agent et le père sont affectés

 

La pause planétaire imposée par la Covid-19 touche bien sûr Pat Brisson et ses associés de la firme Creative Artists Agence (CAA), une firme dont il partage la direction du volet sportif (hockey) avec J.P. Barry.

 

« CAA, c’est 22 associés à travers le monde pour le volet hockey dont sept qui travaillent dans nos bureaux à Los Angeles. Mais c’est aussi 450 personnes – à L.A. seulement – qui s’occupent des artistes. Comme tout est arrêté dans le monde du sport, du cinéma, des spectacles, tout le monde travaille la maison. On fait des télés-conférences, on prépare les renégociations qui s’en viennent. Mais comme on ne sait pas quand et comment la LNH va reprendre, il est impossible de faire des projections. Les pertes de revenus auront des impacts sur le plafond salarial qui lui aura des impacts sur les futures négociations. Pour le moment, on se contente de finaliser les contrats d’entrées dont les impacts sont déjà connus. Pour le reste, on doit attendr e», a indiqué Pat Brisson.

 

Comme tous les agents, Pat Brisson prépare aussi ses plus jeunes clients qui frapperont à la porte de la LNH par le biais du repêchage qui se tiendra bien un moment donné.

Brendan Brisson

Brisson avait d’ailleurs bien hâte de se retrouver au Centre Bell dans le cadre du repêchage qui devait se dérouler à Montréal à la fin du mois de juin prochain. De fait, le père avait plus hâte encore que l’agent puisque c’est au Centre Bell que son fils aîné Brendan, 18 ans, aurait normalement dû entendre son nom résonner quelque part entre la fin de la première et le milieu de la deuxième ronde selon les projections de plusieurs experts.

 

« Brendan est meilleur que son père au même âge. Il est plus " tough " aussi », reconnaît Pat Brisson en riant.

 

Centre de taille moyenne (5’ 11’’ et 180 livres), Brendan Brisson a marqué 24 buts et récolté 59 points avec le Steel de Chicago dans la USHC. Il a récolté 12 points (5 buts) en six matchs avec Team-USA au Championnat du monde des moins de 19 ans. L’an dernier, à sa dernière saison à Shattuck St-Mary’s – école secondaire – Brisson a fait sauter la banque avec 42 buts et 101 points en 55 matchs.

 

« Brendan et son frère – Jordan, 16 ans – sont revenus à la maison à Manhattan Beach. On s’entraîne en famille pour garder la forme. J’ai bien hâte de voir comme les choses iront pour lui au repêchage, mais Brendan a déjà confirmé sa présence avec Michigan pour la saison prochaine », a expliqué un père qui s’assure de joindre l’utile à l’agréable en guidant son fils vers les rangs collégiaux américains.

 

Du hockey en juillet et en août

 

Bien que très réaliste face à la pandémie et aux conséquences qu’elle provoque, Pat Brisson garde une certaine dose d’optimisme face à une reprise des activités dans la LNH.

 

« Je ne sais pas si c’est moi ou l’agent qui parle vraiment, mais je crois qu’on pourrait avoir du hockey l’été prochain. Sous quelle forme? Je ne sais pas. En fait, personne ne le sait parce qu’il est impossible de prédire comme la guerre contre le virus se déroulera. Mais les conséquences économiques pour la LNH et les joueurs seront tellement graves si on perd tous les revenus associés à la fin de la saison et aux séries éliminatoires que je crois sérieusement qu’il faudra attendre le plus longtemps possible avant de tout annuler », affirme Brisson qui préconiserait un scénario catastrophe pour éviter de tout perdre.

 

« Je crois qu’il sera difficile de recommencer partout en même temps aux États-Unis et au Canada. Ça pourrait ouvrir à la porte à une forme de tournoi en zone neutre où toutes les équipes pourraient évoluer dans une ou des villes rapprochées. On pourrait alors tenir des séries dans le cadre d’un tel tournoi. Et comme NBC n’a plus les Jeux olympiques dans la grille horaire pour l’été, le hockey de la LNH pourrait garder sa vitrine habituelle avec son diffuseur américain. Je m’accroche à ce genre de scénario pour sauver ce qu’on peut encore sauver de la saison. Si c’est possible de le faire bien sûr », poursuit l’agent dont le client le plus en vue chez le Canadien est Max Domi.

 

Pat Brisson ne sait pas combien de temps encore il sera confiné à la maison avec son épouse Kim et leurs deux garçons Brendan et Jordan. Il ne sait pas non plus combien de temps encore il faudra attendre avant d’avoir vaincu la guerre contre le Covid-19.

 

Brisson est toutefois convaincu d’une chose : la vie après la Covid sera différente de cette qui prévalait avant. Il ne reste qu’à déterminer si ce sera pour le mieux.