BUFFALO - La croyance voulant que le premier rang du repêchage 2017 de la Ligue nationale de hockey ne soit accessible qu’à deux joueurs est largement répandue, mais elle ne fait pas l’unanimité. « Moi, je ne réussis pas à me rentrer ça dans la tête », avoue d’entrée de jeu Simon Boisvert.

D’abord, cet ancien recruteur pour deux équipes de la LHJMQ n’adhère pas au quasi-consensus  entourant Nolan Patrick, l’attaquant des Wheat Kings de Brandon que la grande majorité des évaluateurs de talent voient dans leur soupe. À ses yeux, le grand joueur de centre a perdu des plumes au cours de la dernière année et bien que son talent soit indéniable, il n’est pas dans cette classe à part à laquelle appartiennent les Connor McDavid et Auston Matthews de ce monde.

Boisvert se positionne encore plus dans la marge lorsqu’il ajoute que Nico Hishier, la sensation suisse des Mooseheads de Halifax, ne serait pas non plus son choix au tout premier rang de l’encan de la LNH. « Je l’ai troisième, mais j’aurais pu le mettre deuxième aussi. Avec lui, je peux comprendre, je ne vais pas m’obstiner avec personne », précise-t-il.

Lui, son homme, c’est plutôt Cale Makar. S’il avait à remettre une liste à un directeur général, c’est ce nom qui se retrouverait tout en haut.

Makar est un défenseur doté d’habiletés offensives hors du commun. Parce qu’il évolue dans une obscure ligue junior de l’Alberta, son apparition sur le radar des dépisteurs de la LNH s’est faite plus discrètement. Contrairement à Patrick, il n’est pas attendu depuis trois ans parmi l’élite de sa cohorte. Mais il ne fait pas de doute qu’il en fait aujourd’hui partie.

La Centrale de recrutement de la LNH le classe au neuvième rang sur son palmarès des meilleurs espoirs nord-américains. Craig Button, l’analyste de TSN spécialisé dans l’évaluation des espoirs, le place au troisième échelon sur la plus récente version de sa populaire « Craig’s List ». Makar ne peut donc pas être considéré comme une sélection du champ gauche. Où Simon Boisvert se démarque, c’est qu’il n’hésite pas à le qualifier de véritable coup de circuit.

« Je vois un défenseur offensif étoile du calibre d’un [Erik] Karlsson ou [Kristopher] Letang », compare celui qui collabore notamment à la station de radio TSN 1260 et au magazine « Recrutes ».

Boisvert a remarqué Makar pour la première fois l’année dernière au Défi mondial junior A. « C’est un petit tournoi obscur, mais si tu regardes la liste des joueurs qui y ont participé au cours des dernières années, certains vont te faire sursauter », promet-il. Effectivement, des joueurs comme Nikolaj Ehlers, Andrei Vasilevsky et Tyson Jost y ont fait accourir les recruteurs au fil des dernières années.

En décembre dernier, à sa deuxième participation à la compétition, Makar a amassé huit points en seulement quatre matchs. « J’ai été complètement renversé par ce gars-là. La compétition était bonne et il a été facilement le joueur le plus dominant », estime Boisvert.

« Cale a toujours bien paru contre ses pairs, fait remarquer le directeur de la Centrale de la LNH, Dan Marr. Depuis deux ans, au Défi mondial junior A, il affronte des joueurs plus vieux que lui qui proviennent de partout dans le monde - les mêmes qu’il affrontera éventuellement au niveau supérieur - et il parvient à tirer son épingle du jeu. »

Makar, dont les droits dans la Ligue canadienne appartiennent aux Tigers de Medicine Hat, a choisi d’évoluer avec les Bandits de Brooks, dans l’AJHL, afin de demeurer admissible à la bourse d’études qui lui a été offerte par l’Université du Massachusetts. La saison dernière, il a obtenu 75 points en 54 matchs dans une ligue qui n’était visiblement pas à sa hauteur.

« On réalise qu’on s’expose aux critiques en prenant un joueur qui évolue dans une ligue de calibre inférieur pour le placer dans notre top-10, dit Marr. Ça n’arrive pas très souvent. C’est arrivé avec Kyle Turris. Jost et [Dante] Fabbro méritaient ce genre de traitement l’an passé et Cale Makar appartient à cette catégorie de joueurs d’exception. »

« C’est certain qu’avec le calibre dans lequel il a joué cette année, c’était peut-être un peu difficile de se faire une idée précise de son potentiel, mais il a un talent énorme. Cette année, il se classe définitivement parmi les trois meilleurs défenseurs, croit un recruteur d’une équipe de la LNH interrogé par RDS. C’est un gars avec beaucoup d’attributs et une bonne tête de hockey. Quand il décide de changer le momentum d’un match, c’est fait! »

« J’aime les défenseurs mobiles qui transportent la rondelle et lui, il flotte sur la glace, illustre Boisvert. Il est capable de passer de gauche à droite, il zigzag, il fonce, il revient... Son coup de patin est exceptionnel et il a une vision incroyable. »

« De nos jours, le hockey est surtout axé sur la vitesse et l’intelligence et ce sont deux aspects de mon jeu sur lesquels je mise beaucoup, disait lui-même Makar lors de son passage au camp d’évaluation des espoirs de la LNH au début du mois à Buffalo. Il y a quelques faiblesses dans mon jeu défensif, mais je ne crois pas que ce soit suffisant pour m’empêcher de jouer dans la LNH. »

Simon Boisvert approuve. « Je n’ai pas de problème avec ça. De toute façon, il a tout le temps la rondelle! Et si quelqu’un le déjoue ou qu’il manque une couverture... pour trois erreurs dans une partie, il va transporter la rondelle 50 fois d’une zone à l’autre. Même Karlsson n’est pas parfait, mais il t’apporte tellement! »

Notre analyste est habitué de sortir des sentiers battus. En 2012, alors que la sélection de Nail Yakupov était peu contestée, il avait placé Filip Forsberg au sommet de sa liste de projections. L’avenir lui a donné raison. En revanche, il a fendu l’air en 2013 lorsqu’il a classé le Russe Valeri Nichushkin devant des choix plus conservateurs comme Nathan MacKinnon ou Aleksander Barkov. L’année suivante, Michael Dal Colle était son élu. À ce jour, il est l’un des quatre choix de première ronde de cette cuvée à ne pas avoir encore atteint la LNH.

Boisvert assume ses décisions antérieures et concède humblement que son œil n’est pas infaillible. Mais quand vient le temps de parler de Cale Makar, quelque chose lui dit qu’il voit juste. Et si tous n’ont pas son audace, le monde du hockey semble au moins être enclin au compromis. 

« Ce n’est pas trop mon habitude de faire des prédictions, mais s’il y a une transaction le soir de la première ronde du repêchage, il y a de bonnes chances qu’elle implique Cale Makar », prédit Dan Marr.