MONTRÉAL – Comme le commun des mortels, Pierre-Luc Dubois admet qu’il aurait volontiers prolongé de quelques jours le long congé dont viennent de profiter les Blue Jackets de Columbus avant de retrouver ses coéquipiers à l’entraînement cette semaine. Mais s’il n’en tenait vraiment qu’à lui, l’attaquant québécois n’aurait jamais arrêté de jouer.

 

Les Jackets voguaient sur une séquence de six victoires, dont trois par jeu blanc, avant d’arriver à une halte de neuf jours synchronisée avec la pause du Match des étoiles. Plus impressionnant encore, ils n’ont subi que deux revers en temps réglementaire depuis le 9 décembre. Au cours de cette séquence, leur fiche est passée de 11-14-4 à 27-16-8, une poussée qui leur vaut, en date d’aujourd’hui, une place parmi les équipes qualifiées pour les séries éliminatoires dans l’Association Est.

 

Mais toute impression de confort serait trompeuse. Pour que ce gigantesque effort ne soit pas vain, les Jackets ne pourront se permettre aucun moment de répit au cours des deux prochains mois. C’est du moins dans cette optique qu’ils abordent leur programme double du week-end du Super Bowl qui les transportera à Buffalo samedi et à Montréal le lendemain.

 

« [L’entraîneur-chef John Tortorella] nous a juste dit que la façon dont on jouait récemment, la façon dont on pratiquait, ce sont des habitudes qu’il faut absolument garder pour le reste de l’année, disait Dubois en entrevue à RDS vendredi. Le classement est tellement serré, on ne peut pas se permettre de se donner un ou deux matchs pour se remettre dedans. Tout le monde est content de la façon dont la saison se déroule, tout le monde est content du mois qu’on a connu avant la pause, mais tout ça peut s’effacer assez rapidement si on ne recommence pas dès le premier match. »

 

Que les Jackets se retrouvent dans cette situation, à moins d’un mois de la date limite des transactions, est déjà une petite victoire en soi. Désertée en masse par la plupart de ses joueurs autonomes l’été dernier, la troupe de l’Ohio avait conséquemment été étiquetée comme une équipe en reconstruction. Il faudrait du temps, croyait-on, pour qu’elle se relève des départs assommoirs de Sergei Bobrovsky, Artemi Panarin et Matt Duchene, notamment.

 

En continuant plutôt sur la lancée amorcée avec l’élimination du Lightning de Tampa Bay lors des séries éliminatoires du printemps dernier, les Blue Jackets ont dressé un doigt d’honneur à tous ceux qui avaient décidé d’emprunter le chemin de la facilité en les comptant pour battus.

 

« Il y a beaucoup de monde qui se sont arrêté aux noms qui partaient pour se faire une idée de ce que notre équipe pourrait être. Mais je pense que ceux qui connaissaient vraiment notre équipe, ceux qui nous suivaient vraiment, voyaient les noms qui allaient arriver aussi, retrace Dubois, qui est, à 21 ans, le phare de cette relance précoce. Je pense à un gars comme Gus Nyquist, notre deuxième meilleur marqueur. Des jeunes comme [Alexandre] Texier et [Emil] Bemstrom sont arrivés avec beaucoup de confiance. [Oliver] Bjorkstrand avait connu une très bonne fin de saison l’an dernier et il était prêt à amener son jeu à la prochaine étape. Nous, on savait ce qu’on pouvait être aussi. Tout le monde avait confiance, c’était juste à nous autres de le prouver. On n’a pas connu le meilleur début de saison, mais ça s’est amélioré. Ce que vous voyez depuis la mi-décembre, c’est là que nos attentes étaient au début de l’année. »

 

« On est passé d’une équipe que les gens voyaient en finale de la Coupe Stanley à une équipe destinée à la loterie. Dans un sens, oui, on veut prouver à tout le monde qu’ils ont eu tort. »

 

Un sauveur nommé Elvis

 

Le tour de force des Jackets est d’autant plus remarquable qu’il a été accompli par un effectif décimé.

 

Cam Atkinson, auteur de 41 buts la saison dernière, a manqué douze matchs en raison d’une blessure à une cheville. Josh Anderson, un marqueur de 27 buts, en a raté 25 pour soigner une épaule en mauvais état. Le défenseur Ryan Murray s’est fracturé une main et n’a joué que 24 matchs. Bjorkstrand, Texier, Bemstrom et Sonny Milano ont tous dû s’absenter pendant une quinzaine de parties pour que guérissent divers bobos.

 

La tuile la plus potentiellement dommageable est tombée le 29 décembre quand le gardien Joonas Korpisalo s’est blessé à un genou dans une fusillade contre les Blackhawks de Chicago. Les Jackets ont alors dû se tourner vers le Letton Elvis Merzlikins, une recrue qui avait jusque-là perdu ses dix premiers départs de la saison.

 

Merzlikins n’a inspiré confiance à personne quand, une fois identifié comme le nouveau titulaire, il a annoncé qu’il ne s’adresserait plus aux médias afin de protéger sa concentration.

 

« Fallait juste qu’il prenne un petit break, défend Dubois en riant. Ça n’a pas pris trop de temps avant qu’il se remette à parler. »

 

Merzlikins est un véritable mur depuis que le filet lui a été confié par défaut. Il montre une riche de 9-2 à ses 11 derniers départs, séquence au cours de laquelle il a accordé moins de trois buts à sept occasions. Les Golden Knights de Vegas, les Bruins de Boston et les Devils du New Jersey ont tous été blanchis par le nouveau King en ville.

 

« C’est sûr que c’est dommage que ‘Korpi’ se soit blessé, mais dès le lendemain, ‘Torts’ est allé voir Elvis et lui a dit qu’il avait confiance en lui, que c’était à lui de saisir l’opportunité. Il n’avait pas encore gagné un match, mais le coach lui a dit dans le vestiaire qu’il savait que ça s’en venait. Je pense que ça lui a donné beaucoup de confiance. Il est rentré avec beaucoup de pression et c’est à cause de lui si on gagne depuis qu’il a le job de numéro un. »

 

Korpisalo voyage avec l’équipe en fin de semaine et d’ici deux semaines, Tortorella pourrait se retrouver avec un intéressant dilemme entre les mains. Il s’agira d’un heureux problème pour une équipe à qui plusieurs prédisaient une saison de malheur.

 

« Ça aide l’équipe chaque fois qu’un gars revient et en plus, les gars qui ont bien fait pour remplacer un blessé ont juste plus de confiance, raisonne Dubois. Ça fait juste plus de compétition dans l’équipe. Ça peut juste être bon. »​