À quelques heures de l’entrée du Canadien et des 23 autres impliquées dans la relance de la saison 2019-2010 à l’intérieur des bulles de sécurité gonflées à Toronto et Edmonton, le commissaire de la LNH refuse de crier victoire trop vite.

«Depuis que nous avons stoppé la saison le 12 mars, je ne visais rien de moins que l’excellence dans toutes les phases mises de l’avant pour assurer la reprise de nos activités. Nous savons que tout n’est pas parfait. Nous savons que nous devrons composer avec certains ennuis et que nous devrons nous ajuster en cours de route. Malgré tout, nous sommes satisfaits de ce qui a été accompli jusqu’à maintenant et espérons que tout ira pour le mieux dans le cadre d’une aventure aussi inédite celle que nous vivons», a lancé Gary Bettman.

«Je ne suis pas du genre triomphaliste. Pour le moment, je vous assure que je suis d’abord et avant tout soulagé de savoir que je serai en mesure de remettre la coupe Stanley et de permettre aux champions de la soulever», a poursuivi Bettman.

Si tout va bien, la coupe sera soulevée au plus tard le 4 octobre prochain sur la patinoire du Rogers Place à Edmonton.

Pour maximiser les chances que tout aille bien, ou aussi bien que possible, la LNH doit miser sur l’étanchéité des bulles créées à Edmonton et Toronto, sur les protocoles très rigides qui ont été établis et qui sont et seront appliqués à la lettre et aussi sur la bonne volonté des joueurs.

Contrairement aux bulles telles qu’on les connaît et qui sont susceptibles d’éclater à tout moment, les bulles gonflées par la LNH à Edmonton et Toronto sont faites de matière très solide. De fait, les bulles ont bien plus des allures de prisons sans barreaux que d’une mince pellicule de savon à vaisselle flottant dans le ciel.

Dès leur arrivée à Toronto (association est) et Edmonton (association ouest) dimanche, les 52 membres des 24 équipes convergeront vers les hôtels où ils seront reclus pour les prochains jours, prochaines semaines, prochains mois puisque la reprise des activités dans la LNH pourrait s’étendre sur une période de 70 jours. Rien de moins…

Une fois à l’hôtel, les membres des organisations vivront en mini communauté. Ils mangeront ensemble. Ils se déplaceront en groupe. Exception faite de leur chambre où ils seront seuls, ils n’auront pas le droit de sortir de la bulle pour aller manger dans un restaurant qu’ils aiment bien, encore moins aller dans un bar. Ils ne pourront pas même se rendre au magasin du coin pour s’acheter un paquet de gommes à mâcher.

De fait, les joueurs devront parcourir des corridors de sécurité délimités par de hauts grillages pour aller de l’hôtel aux endroits où ils auront le droit de se rendre à pied. La LNH a dépêché près de 100 gardes de sécurité à Toronto et 125 à Edmonton pour contrôler les abords des hôtels et des passages sécurisés.

À défaut de déambuler dans ces corridors qui les garderont loin des amateurs, les joueurs et membres de leurs organisations devront voyager à bord d’autobus mis à leur exclusive disposition.

«Tout sera disponible dans les bulles. On a aménagé des restaurants pour offrir une grande variété de nourriture. On a embauché des concierges qui seront aux services des équipes afin de leur amener de la nourriture de l’extérieur si elles le veulent, aller chercher des trucs à la pharmacie ou faire toutes les emplettes nécessaires», a indiqué Steve Mayer.

Les membres des équipes auront des salles pour se réunir, des salles spécifiques pour aller au cinéma. Les 12 équipes qui débarqueront à Toronto pourront même profiter du terrain du Toronto FC au BMO Field pour y faire des activités extérieures. Mais aucune escapade à l’extérieure des bulles ne sera permise. Du moins pas avant que les 14 premiers jours soient passés.

«On offrira aux équipes des activités une fois les 14 premiers jours passés. Mais pendant les 14 premiers jours, on ne permettra pas même aux joueurs de fraterniser dans les hôtels où ils demeureront. De toute façon, nous sommes en séries éliminatoires. Avec les niveaux de compétition et d’animosité qui opposent nos équipes, je ne crois pas que les contacts entre joueurs de formations adverses soient nécessaires», a ajouté Mayer.

Le Canadien comme les 23 autres formations impliquées dans la relance des activités de la LNH doivent soumettre d’ici la fin de la journée vendredi la liste des 52 personnes (maximum) dont 31 joueurs (maximum) qui entreront dans les bulles.

Après une première participation des 32 joueurs invités au camp, on peut croire que le Canadien écartera deux joueurs si l’état-major tient toujours à faire une place au jeune défenseur russe Alexander Romanov bien qu’il ne puisse jouer. Si tel est le cas, je miserais sur Josh Brook et Laurent Dauphin à titre de joueurs qui ne feront pas le voyage à Toronto dimanche.

Quarante arbitres et juges de lignes

Les joueurs et membres des 24 organisations ne sont pas les seuls à vivre à l’écart du reste du monde pour la durée de leur aventure estivale. Les arbitres et juges de lignes seront soumis aux mêmes contraintes.

Ces 40 officiels sont déjà arrivés à Toronto et Edmonton. La LNH a dépêché 10 arbitres et 10 juges de lignes dans chacune des deux bulles. Après avoir été soumis aux mêmes tests de dépistage que les joueurs, les officiels ont reçu le feu vert des autorités médicales. Ils seront testés aussi régulièrement que les joueurs afin d’éviter toute forme d’éclosion.

Responsable des officiels, Stephen Walkom a indiqué vendredi dans le cadre d’une visioconférence menée par la LNH que ses officiels sauteront sur la patinoire samedi. En plus d’avoir à maximiser leur forme physique d’ici la reprise du calendrier le premier août, ils devront se soumettre à des séances de travail pour aiguiser leurs connaissances et s’assurer que la pause des quatre derniers mois n’ait pas d’impact sur leurs performances.

Les arbitres craignent-ils d’être exposés à la Covid-19 une fois dans le feu de l’action?

«Pas du tout. Nos gars sont heureux et fébriles. Ils ont hâte de reprendre le travail. Comme pour équipes en lice, nos arbitres et juges de lignes tentent de se rendre le plus loin possible en séries alors que nous réduisons nos effectifs pour se rendre à huit officiels (deux équipes) en finale de la coupe Stanley. Une fois tous rendus dans les bulles, les chances de contagion sont réduites au minimum. Nos gars auront bien davantage peur des rondelles perdues ou des éventuels coups de bâton qu’ils peuvent recevoir lors d’une mêlée que du virus», a plaidé Walkom.

Gradins vides, glace de meilleure qualité

Pourquoi avoir misé sur Edmonton plutôt que Toronto pour les finales d’associations et la grande finale?

«Des questions logistiques nous ont poussés à prendre cette décision. Il est plus facile de contrôler les accès autour du Rogers Place à Edmonton que ce ne l’est autour du Scotiabank Arena à Toronto», a indiqué Kris King vice-président sénior aux opérations de la LNH.

Sérieusement secoué par les contrecoups d’un violent orage qui a inondé plusieurs secteurs de l’amphithéâtre dont la salle où sont orchestrées les présentations à l’écran géant et l’animation de foule, le Rogers Place est maintenant bien au sec. «Nous avons eu une petite frousse, je dois l’admettre. Mais les techniciens ont travaillé de façon magistrale pour tout rétablir. Tout fonctionne et nous sommes à peaufiner des derniers détails de plan d’animations mis de l’avant pour offrir à nos partisans une mise en scène qui saura faire oublier le fait qu’il n’y aura pas de partisans dans les gradins», a ajouté Steve Mayer, le gourou de l’animation et de la mise en marché de la LNH.

L’absence de partisans sera difficile à faire oublier. Mais contrairement à d’autres ligues qui ont tenté, sans grand succès, de combler les sièges vides avec des mannequins de toute nature, la LNH fera contre mauvaise fortune bon cœur. Pas question alors de trafiquer les images.

«On va profiter de l’absence de partisans pour modifier les plans de caméra et offrir de nouveaux angles et de nouvelles images qui mettront davantage en perspective la grande vitesse de nos joueurs et de l’action qui se déroule sur la patinoire», a jouté Mayer.

Parlant des deux patinoires, elles pourraient être les plus grandes gagnantes de l’absence de partisans. «Nous ne sommes pas habitués à présenter du hockey au mois d’août. Il est clair que la chaleur sera un obstacle. Mais le fait qu’il n’y aura pas de partisans dans les gradins permettra de garder une température plus stable dans les amphithéâtres. D’abord parce que le fait d’avoir 18 000 personnes dans les gradins entraîne un réchauffement à l’intérieur et surtout parce que les portes des amphithéâtres n’auront pas à demeurer ouvertes sur de longues périodes avant les parties pour permettre aux amateurs d’entrer. Ces deux facteurs permettront à nos spécialistes de garder des niveaux de température et d’humidité plus constants. Nous sommes donc confiant que la glace sera aussi bonne qu’en saison régulière», a ajouté Kris King.

Pour mousser les chances d’avoir des surfaces de qualité, les responsables des patinoires du Scotiabank Arena et de Rogers Place ont refait les patinoires en neuf au cours des derniers jours. Et bien qu’elles seront le théâtre de trois matchs par jour dans le cadre de la première phase, les surfaces de jeu ne seront jamais utilisées pour les entraînements matinaux ou les entraînements réguliers.

Chaise musicale dans les vestiaires

Les équipes de l’Est se partageront quatre vestiaires au Scotiabank Arena : celui des Maple Leafs, celui normalement occupé par les clubs visiteurs, celui des Raptors et un quatrième aménagé dans la salle des médias située entre les vestiaires des Leafs et des clubs qui leur rendent visite.

Les suites aménagées sous les gradins où s’entassent normalement les très riches détenteurs de billets de saison seront transformées en salle des entraîneurs et salle de réunion pour les joueurs. Les équipes devront jouer à la chaise musicale en raison du petit nombre de vestiaires, mais les salles de réunions seront à l’usage exclusif des 12 formations.

À noter que les joueurs des Leafs ne pourront pas toujours profiter de leur vestiaire. Pas plus que les Oilers dans l’Ouest.

«Les vestiaires des Leafs et des Oilers ont été modifiés afin de s’assurer que les équipes les occupant n’aient pas un avantage sur leurs adversaires. On a condamné certaines portions de ces vestiaires pour que toutes les salles soient comparables. À Toronto, les équipes jouant à midi seront dans les vestiaires de Leafs (club hôte) et des visiteurs. Les clubs qui joueront en après-midi iront dans les vestiaires des Raptors (club hôte) et dans le quatrième vestiaire aménagé. Une fois le premier match terminé, les deux clubs auront une heure pour quitter et envoyer leur équipement au centre d’entraînement Ford où se tiendront toutes les pratiques des 12 équipes. Une fois ces vestiaires vides, ils seront désinfectés, examinés ensuite par le personnel médical afin d’obtenir le feu vert pour que les équipes évoluant en soirée puissent s’y installer», a indiqué Kris King.

À Edmonton, les clubs auront six vestiaires à leur disposition. Ce qui rendra la gymnastique un brin plus facile. Mais les Oilers, comme les Leafs, devront partager leur vestiaire avec leurs adversaires.

Surveillance médicale étroite

Comme si toutes ces règles et contraintes à respecter ne représentaient pas déjà mille et un risques de faire effondrer le protocole de retour au jeu de la LNH, les risques d’éclosion flottant autour des 24 clubs fragilisent davantage cette structure savamment échafaudée.

Ce sera au médecin en chef de la LNH le docteur Willem Meeuwisse d’éviter que la Covid-19 oblige Gary Bettman à décréter une deuxième pause. Une dernière.

Conscient de l’ampleur du défi, mais très calme face à ce dernier, le Dr Meeuwisse a indiqué hier que lui et les autorités médicales du Canada, de l’Alberta et de l’Ontario – les niveaux de rigidité des règles sont différents selon les provinces – avaient déjà des plans d’action et de réaction déjà en place.

«Le gros du travail de prévention a été fait au fil des dernières semaines. Notre objectif est que nos joueurs arrivent en santé dans nos bulles et qu’une fois à l’intérieur les risques de contagion seront réduits au minimum. C’est clair qu’il pourrait y avoir des cas. Des cas directs ou des contacts indirects dont les conséquences seraient différentes. Nous composerons avec ces cas s’ils se présentent et savons déjà comment réagir selon la gravité des cas et leur nombre», a indiqué le médecin-chef de la LNH sans toutefois lever le voile sur un nombre de cas qui pourrait être alarmant, voire marquer l’atteinte d’un point de non-retour.

«Nous n’avons pas eu de cas déclaré cette semaine. Le fait que nous n’ayons eu que trois cas confirmés sur les quelque 800 joueurs qui ont été testés presque quotidiennement depuis le début des camps mousse mon niveau de confiance. Nous avons fait beaucoup de chemin. Il en reste encore beaucoup à franchir. Mais je dois admettre que mon niveau d’optimisme aujourd’hui est bien plus grand qu’il ne l’était il y a un mois», a ajouté le commissaire adjoint Bill Daly.

Et si un ou des joueurs sont contaminés; si une ou des équipes sont aux prises avec des éclosions dans leur vestiaire; à qui reviendra la décision de chasser un joueur ou de confiner une équipe?

«En fin de compte, la décision finale me reviendra, a admis le commissaire Gary Bettman avant d’ajouter : je ne prendrais toutefois jamais une telle décision sans obtenir toutes les informations et tous les conseils de nos médecins et des spécialistes qui les épaulent sans oublier que je travaillerais, comme on le fait depuis le début de cette aventure, avec l’association des joueurs pour que nous nous assurions conjointement de toujours respecter le point le plus important dans cette histoire : la santé et la sécurité de notre personnel, de nos joueurs et de nos partisans. Nous avons accompli énormément de travail au cours des derniers mois. Nous avons mis sur pied un protocole de retour au jeu. Nous avons renégocié une convention collective. Nous allons maintenant jouer au hockey et, je l’espère vraiment, couronner nos prochains champions et leur remettre la coupe Stanley.»