TAMPA - À l’aube du premier match qui opposera le Lightning au redoutable Jonathan Toews et aux plus redoutables encore Blackhawks de Chicago, le gardien Ben Bishop assurait mardi que lui et ses coéquipiers n’avaient encore rien accompli.

C’est faux!

En dépit du fait qu’ils forment l’équipe la plus jeune de la LNH et qu’ils manquaient cruellement d’expérience en séries éliminatoires, Bishop et le Lightning sont en finale de la Coupe Stanley. Ce n’est pas rien!

Et ce n’est pas tout. Pour atteindre cette finale de la Coupe Stanley, Bishop et le Lightning ont surmonté un déficit de 2-3 pour éliminer les Red Wings de Detroit en première ronde. Mieux encore, ils ont éliminé la meilleure défense de la LNH en deuxième ronde et la deuxième défense du circuit en finale d’association en se défaisant coup sur coup du Canadien de Montréal et des Rangers de New York.

Je veux bien croire que Bishop et le Lightning ont les yeux rivés sur la coupe Stanley. C’est normal. Mais ils sont loin de se réveiller en grande finale au terme d’un rêve en couleurs. Cette place en grande finale, ils la méritent pleinement.

Contre les Blackhawks de Chicago, le Lightning de Tampa Bay se retrouvera en pays de connaissance. Pas que les deux équipes se soient déjà croisées en séries. Ça non! Mais comme ce fut le cas dans ses duels l’opposant au Canadien et aux Rangers, le Lightning croisera une fois encore une défensive solide. De fait, avec 189 buts accordés en saison régulière, les Hawks ont partagé le premier rang de la LNH avec le Canadien, permettant ainsi à Carey Price et Corey Crawford de partager le trophée Jennings.

Parce que le Lightning a terminé au tout premier rang du circuit avec ses 262 buts marqués en saison régulière et que Tampa est venu à bout du Canadien et des Rangers en séries, Jon Cooper et son club sont-ils en croisade pour démontrer que contrairement à l’un des clichés du sport, il n’y a pas que la défensive qui puisse conduire à un championnat?

La question a fait sourire Cooper. Il faut dire que l’entraîneur-chef du Lightning a le sourire facile à l’aube de sa première finale de la coupe Stanley en carrière. C’est d’ailleurs en bermuda et chandail de golf aux couleurs du Lightning que Cooper s’est présenté au point de presse en compagnie de son patron et directeur général Steve Yzerman, qui était en habit et en cravate…

« Nous sommes capables de marquer des buts et notre attaque est certainement un des atouts de notre formation. Mais regarde ce que nous avons fait pour arriver ici : nous avons blanchi Detroit 2-0 dans le septième match de la série en première ronde. Nous avons fermé le jeu complètement pour éliminer Montréal – victoire de 4-1 – lors du sixième match de cette série. Nous avons blanchi New York 2-0 lors des matchs 5 et 7 pour nous rendre en finale de la coupe Stanley. C’est bien plus la défensive que l’attaque qui nous a permis de remporter les victoires les plus importantes en séries jusqu’ici. Et je suis convaincu que ce sera encore le cas dans la finale qui commence demain », m’a répondu avec fermeté Jon Cooper.

Ce message semble avoir été non seulement compris, mais assimilé par les joueurs du Lightning : « On devra jouer en grande finale comme on l’a fait dans les matchs sept des séries contre Detroit et New York. Comme on l’a fait pour éliminer le Canadien aussi. Car quand on joue de cette façon, on sait que notre attaque nous donnera un ou deux buts et que ce sera tout ce que ça prendra pour gagner », assurait Alex Killorn, qui connaît des séries phénoménales en compagnie de Steven Stamkos au sein du premier trio du Lightning.

« C’est quand nous excellons en défensive que nous sommes à notre meilleur », a renchéri le capitaine du Lightning.

Toews et les Hawks assoiffés

Tout ça est bien beau.

Mais au-delà leur attaque dévastatrice, du fait que Ben Bishop soit en voie de faire mentir ses nombreux détracteurs en accumulant les victoires et les jeux blancs, le Lightning pourra-t-il venir à bout des Blackhawks de Chicago?

ContentId(3.1136317):Place à la finale de la Coupe Stanley
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Les partisans du Lightning le croient. De rares observateurs croient également que l’explosive attaque qui est venue à bout du meilleur gardien de la LNH en Carey Price et aussi d’Henrik Lundqvist, qui vient d’être devancé par le gardien du Canadien, saura venir à bout de Corey Crawford.

Mais c’est loin d’être acquis.

Quand on regarde les Hawks, Jonathan Toews qui est un monstre de leadership et qui est déjà assuré d’une place de choix dans l’histoire du hockey et non seulement celle des Hawks, la profondeur de leur attaque derrière leur capitaine, Patrick Kane et Marian Hossa, l’étanchéité de leur défensive gravitant autour de Duncan Keith, il est difficile de miser contre Chicago.

De fait, c’est presque impossible.

Les Hawks ont les joueurs. Ils ont la confiance. Ils ont l’expérience. La confiance et l’expérience acquise depuis 2010 alors que le jeune Jonathan Toews a soulevé la coupe Stanley pour la première fois de sa carrière. Cinq ans plus tard, il pourrait la soulever pour une troisième fois. Une deuxième en trois ans.

Mardi après-midi, dans le tumulte de la journée médiatique, Jonathan Toews parlait avec plaisir de ses deux premières coupes Stanley. Mais ces deux conquêtes étaient loin de le rassasier. Toews et ses Hawks sont loin d’être rassasiés. Ils sont même assoiffés de victoires.

« Ce qu’on a gagné dans le passé ne compte pas. On n’y pense pas. On pense au moment présent. À ce qui doit être fait pour gagner encore cette année. On a perdu par un but dans le septième match de la finale de l’Ouest contre Los Angeles l’an dernier. Si on avait gagné, on serait en grande finale pour une troisième année de suite. C’est ça notre équipe. On veut gagner et on prend les moyens pour y arriver », a expliqué le capitaine des Hawks.

Sur les traces de Sakic et Yzerman

Jonathan Toews idolâtrait deux extraordinaires joueurs de centre lorsqu’il donnait ses premiers coups de patin dans le hockey mineur : Joe Sakic et aussi Steve Yzerman.

Le capitaine des Hawks a esquissé un sourire gêné lorsque les journalistes l’ont mis au courant des commentaires du directeur général du Lightning à son endroit.

Appelé à dresser un parallèle entre le joueur qu’il était et Jonathan Toews, Steve Yzerman a amorcé sa réponse en soulignant qu’il portait le même numéro. « C’est la seule similitude que je peux dresser. Oui j’étais un leader à ma façon et j’ai connu du succès autant sur le plan personnel que sur le plan de l’équipe avec les Red Wings. Mais ces succès sont venus après l’intervention de Scotty Bowman qui m’a fait prendre conscience de l’importance du jeu défensif. C’est après cette intervention que je suis devenu meilleur. Que les Wings sont devenus meilleurs. Jonathan Toews est déjà en avance à un bien plus jeune âge. C’est un leader né. Il excelle dans toutes les facettes du jeu. Il est plus gros, plus fort et meilleur que je ne l’ai jamais été. Il est une menace depuis le premier jour qu’il a atteint la Ligue nationale. Il est simplement meilleur », a défilé Yzerman.

« Je ne crois pas un mot de ce qu’il a dit, a répliqué Toews sur un ton amusé. On en reparlera une fois ma carrière terminée, mais pour le moment il est impossible de dresser des comparaisons », a conclu Toews après que le collègue Bruce Arthur eut tenté de lui faire reconnaître que sa liste d’exploits était déjà pas mal garnie.

Chicago ou Tampa?

Revenons au sujet premier de cette chronique que j’étire volontairement sans doute parce que je ne suis pas encore convaincu de la réponse.

Est-ce qu’on y va avec la logique en choisissant Chicago pour gagner une deuxième coupe en trois ans, une troisième en six ans, une sixième en 89 ans?

Est-ce qu’on se laisse tenter par l’attrait d’une surprise en choisissant Tampa Bay?

Pourquoi hésiter ainsi?

Parce qu’au-delà la logique, j’aime le Lightning. J’aime le fait qu’ils soient revenus de l’arrière en première ronde contre Detroit. J’aime qu’ils aient marqué des buts en quantité contre Carey Price et Henrik Lundqvist. J’aime qu’ils aient aussi fermé le jeu quand c’était le temps de le faire.

Bon! Ce sera bien plus difficile contre Chicago. C’est évident. Mais ça ne veut pas dire que ce soit impossible.

Surtout que j’aime par-dessus tout le fait que le Lightning affiche une petite forme d’arrogance que l’entraîneur-chef Jon Cooper a décelée au fil des séries. « On a appris beaucoup l’an dernier en se faisant balayer en quatre par le Canadien. On a appris beaucoup encore cette année alors qu’on a dû revenir de l’arrière. Je sentais dans l’attitude des gars qu’ils me disaient – sans le dire – pas de problème coach, on va prendre les choses en mains. Ça me donnait des ulcères, mais en fin de compte, ils ont tenu promesse : ils ont pris les choses en mains et ils ont gagné», a expliqué Jon Cooper.

J’aime beaucoup Jon Cooper. Je le considère déjà parmi l’élite des coachs de la LNH. J’aime l’organisation du Lightning au grand complet. Et je l’aimerai longtemps, car cette équipe gagnera encore pendant bien des années.

Mais je ne peux me résigner à miser contre Jonathan Toews, les Blackhawks et surtout le United Center qui vibre au rythme endiablé de leurs fans et où les Hawks ont gagné sept des huit matchs disputés depuis le début de séries. Le United Center où Jonathan Toews soulèvera la coupe Stanley le 15 juin prochain.

Prédiction : Chicago en six