BROSSARD – « Il est encore fou. » Avec son plus grand sourire accroché au visage, Jamie Benn a pris le soin de murmurer ces mots en s’assurant qu’Antoine Roussel ne puisse les entendre.  

La scène se passe, lundi, dans le vestiaire attitré aux Stars de Dallas pour leur entraînement au Complexe sportif Bell de Brossard. Benn, le deuxième meilleur pointeur de la Ligue nationale, peut bien se permettre de se payer la tête de son énergique coéquipier.

C’est vrai, Roussel se démarque par son efficacité cette saison. En 65 matchs, il a enfilé pas moins de six buts gagnants pour son équipe et il n’est devancé que par six joueurs à ce chapitre dans toute la LNH. Parmi eux, on retrouve les noms de Patrick Kane, Jonathan Toews et Joe Pavelski.

Le Français de 26 ans attire donc l’attention pour sa contribution dans les moments cruciaux, mais ça ne signifie pas qu’il a perdu toute sa fraîcheur et son intensité.

« Je le vois faire des pitreries tous les jours dans notre entourage », a informé Benn pour justifier son constat d’introduction sur Roussel.  

« Il procure beaucoup d’énergie à notre équipe, je dirais même qu’on souhaiterait tous avoir autant d’énergie que lui. Il est devenu un bon joueur pour cette équipe, il travaille si fort et il trouve le moyen de compter de gros buts », a enchaîné Benn avec un ton reconnaissant.

Mis au parfum, quelques minutes plus tard, du qualificatif employé par son capitaine pour le décrire, Roussel a réagi à sa manière.

« Est-ce qu’il est encore là ce maudit-là? », a-t-il lancé, à la blague, en utilisant un mot un peu moins joli.

En fait, le patineur de Roubaix partage la vision de Benn puisqu’il n’a aucunement l’intention de modifier son approche qui a lui permis de s’implanter dans le meilleur circuit.

« Il ne faut pas changer une recette gagnante. La recette de mamie sera toujours bonne », a justifié la petite peste qui a évolué pour les Saguenéens de Chicoutimi pendant quatre saisons.  

Sa recette inclut une grande dose de combativité, une énergie débordante, une participation offensive appréciable, une robustesse assurée, plusieurs minutes au banc de punition et quelques combats parsemés sur le dessus. S’il ne veut pas la modifier, Roussel admet tout de même qu’il a évolué dans son approche du métier.

« J’essaie d’être positif le plus souvent possible et j’essaie de le dire aux gars quand ça va moins bien aussi. C’est facile quand ça va bien, mais l’année passée, j’étais plus amer parfois et ça marchait moins bien. J’avais stagné après un bon début de campagne. Je me concentre donc à avoir plus de plaisir cette année », a résumé Roussel dont la personnalité est adorée par ses complices.

Des éloges de Lindy Ruff

Plus souvent qu’autrement, les entraîneurs détestent les joueurs souffrant d’indiscipline. Quand on remarque que Roussel se classe au 10e rang parmi les athlètes les plus punis de la LNH, on pourrait croire qu’il s’attire les foudres de Lindy Ruff assez souvent. Pourtant, c’est tout le contraire.

« Il comprend mieux quand on a besoin d’une dose d’énergie. De plus, certaines de ses punitions surviennent seulement parce qu’il veut donner un élan à l’équipe. Il faut ignorer ses punitions qui viennent de bonnes intentions », a cerné Ruff à propos de Roussel dont l'accent contient un mélange de la France, du Québec et des États-Unis. 

« J’aurais vraiment de la misère à trouver un gars qui travaille plus fort dans notre équipe présence après présence. Il joue physique en plus et se confronte aux gars les plus robustes de la LNH. Ce n’est pas tout, il a marqué six buts gagnants pour nous. Comme entraîneur, il faut en prendre et en laisser quand un joueur contribue de cette façon », a louangé Ruff sur celui qui a jeté les gants sept fois en 2015-16.

Antoine RousselParlant de ses passages fréquents au cachot, Ruff n’est pas du style à s’attarder à cette statistique.

« Je n’aurais même pas pu dire il avait écopé de combien de minutes (99 en 65 matchs), je ne regarde pas ça. Ce n’est pas important à mes yeux. On sait bien que les bagarres sont en baisse, mais je pense que le niveau d’intensité du jeu a été très bon sans ça. C’est aussi lié aux blessures sérieuses qui sont arrivées, je pense que la LNH et les joueurs sont plus intelligents dans ce sens », a développé Ruff sur cette question.

Quant au principal intéressé, on réalise rapidement qu’il maîtrise les statistiques et que son intelligence sportive ne fait aucun doute. La preuve, il a su ajuster son style depuis son arrivée dans la LNH en 2012-13.

Nettement plus sage qu’auparavant, il est surpris lui-même de ne pas avoir encore franchi la barre des 100 minutes.

« C’est vrai, c’est rien et j’en suis aussi étonné. En l’espace de trois ans, cet aspect a totalement changé. À ma première année, j’avais eu 210 minutes (209 pour être pointilleux) et maintenant, c’est à peine si ça brasse, c’est vraiment différent. On voit que les joueurs qui possédaient seulement cette dimension ne sont plus là », a convenu l’ailier de six pieds et 200 livres qui a écopé de 541 minutes de punition en 265 matchs.

À l’entendre, on croirait quasiment qu’il trouve ça plate.

« C’est le fun et moins le fun. Mais il y a moins de fous qui me courent après! », a exposé en éclatant de rires le numéro 21 qui pourrait devenir joueur autonome après la saison 2017-2018.

Même s’il se dirige vers une autre saison autour de 15 buts et 30 points – une production plus que convenable pour son utilisation – Roussel préfère vanter le travail de ses coéquipiers. Tout en admirant le talent des Benn, Tyler Seguin, Jason Spezza, John Klingberg et compagnie, c’est devant le filet qu’il remarque le changement le plus profitable.

« On a beaucoup plus de profondeur devant le filet. Quand il y en a un qui joue moins bien, l’autre arrive et il est excelle. C’est comme un lanceur A et lanceur B au baseball. On a ce luxe d’avoir deux gardiens et on a encore de la place sous le plafond salarial. Ça nous aide vraiment à gagner plus de matchs », a analysé le hockeyeur captivant qui est définitivement plus courtois avec les journalistes que Tyler Seguin.