Jonathan Drouin et le Lightning de Tampa Bay ont enterré la hache de guerre. Et c’est tant mieux.

Tant mieux pour le jeune joueur, qui aura maintenant la chance de jouer du hockey professionnel alors qu’il était confiné à de l’entraînement avec les Lions du Lac St-Louis son ancien club midget AAA. Tant mieux aussi pour le Lightning de Tampa Bay, qui renoue avec son jeune surdoué repêché au troisième rang du repêchage de 2013.

Pendant que le Lightning se préparait à croiser les Flyers, lundi, à Philadelphie, Drouin se préparait à renouer avec ses coéquipiers du Crunch à Syracuse. Des coéquipiers qu’il a désertés le 20 janvier dernier lorsqu’il a décidé de quitter le club-école du Lightning dans la Ligue américaine afin d’obtenir la transaction qu’il attendait depuis novembre dernier.

À mes yeux, cette décision a toujours été une erreur. Une erreur imputable à qui? Au jeune joueur qui n’a pas su être assez patient? À sa famille qui l’a mal appuyé? À son agent qui l’a mal conseillé? À la direction du Lightning qui a mal géré son développement?

Je n’ai pas de réponse précise à ces questions. Oui, le joueur et son entourage sont certainement les plus susceptibles d’être pointés du doigt dans un dossier comme celui-ci. Surtout quand le joueur écoule la deuxième année seulement de son contrat; qu’il n’a que 89 matchs d’expérience dans la LNH; qu’il ne revendique que six buts et 40 points. Ce qui n’est pas une vilaine récolte cela dit.

Parfois, des détails passés sous silence nous privent d’un portrait complet et précis de la situation.

Parce que la direction du Lightning est muette sur le dessous de cette affaire et que l’agent de Drouin Allan Walsh – pourtant toujours très loquace et prêt à plaider la cause de ses clients – l’est tout autant, il serait imprudent de sauter à des jugements lapidaires à l’endroit de qui que ce soit. Les prochaines semaines, les prochains mois, les prochaines années nous permettront peut-être d’y voir un brin ou deux plus clair et de comprendre un peu mieux pourquoi un joueur si jeune, avec si peu d’expérience, mais autant de talent et promis à un si bel avenir a pu prendre une telle décision a pu courir pareil risque.

Pris dans son propre piège

Car oui, il a couru un grand risque. Même qu’en forçant la main du Lightning et de son directeur général Steve Yzerman, Jonathan Drouin est loin d’avoir aidé sa cause. Le fait que le Lightning se soit montré intraitable avec les nombreuses équipes intéressées à ses services – on parle d’une douzaine de clubs qui ont à un moment ou un autre soumis des offres pour conclure une transaction avec Tampa – en a fait la preuve par 100.

En fin renard qu’il est, l’agent Allan Walsh s’est assuré de mousser la valeur de son client en aiguillant les journalistes vers des transactions imminentes. Mais ces transactions ne sont pas venues aussi vite qu’il le croyait. Qu’il l’espérait. De fait, elles ne sont pas venues du tout.

Et dès que le couperet est tombé sur la date limite des transactions lundi dernier, Drouin s’est retrouvé prisonnier du piège qu’il avait lui-même tendu. Non seulement était-il toujours avec le Lightning, mais s’il voulait rejouer dans le hockey professionnel, il devait le faire avec le club auquel il a tourné le dos en janvier.

Heureusement pour tout le monde, le gros bon sens a prévalu et revoilà Drouin dans les rangs professionnels. Aucune condition spéciale n’a été exigée par le clan Drouin pour dénouer l’impasse. Aucune directive spéciale n’a été imposée par la direction du Lightning non plus.

Remarquez que sur ce point, le Lightning a simplement tenu parole. Car lorsqu’il a annoncé la suspension imposée à l’endroit de Drouin, lorsqu’il a confirmé son intention de l’échanger à condition qu’il obtienne une juste valeur en retour, Steve Yzerman a toujours répété que Drouin serait le bienvenu s’il décidait de revenir. Que les portes du vestiaire seraient toujours ouvertes.

Bon! On parle pour le moment des portes du vestiaire du Crunch et non de celles du vestiaire du Lightning. Mais il s’agit ici d’une étape nécessaire. Il semble toutefois très clair que la direction du Lightning n’hésiterait pas une seconde à rappeler Drouin avec le grand club en cas de besoin. Surtout si le jeune attaquant est en mesure de retrouver sa forme et sa touche rapidement.

En ce moment, tout va bien dans le meilleur des mondes pour le Lightning. Fort d’une séquence de neuf gains consécutifs et d’une fiche de 21 victoires à ses 26 derniers matchs (21-5-0) Tampa a rejoint et dépassé les Panthers de la Floride au premier rang de la division Atlantique. Mieux encore, le Lightning est épargné par les blessures qui ont miné sa formation en début de saison.

Avant de lorgner du côté de Tampa, Jonathan Drouin profitera de quelques jours d’entraînement avec le Crunch qui recevra Bridgeport et Rochester vendredi et samedi, à Syracuse, avant de se rendre à Spingfield dimanche. Trois matchs en trois soirs qui permettront à Drouin de mousser la production offensive timide de deux buts et trois points qu’il a générée lors des sept matchs qu’il a disputés avant de déserter.

Stamkos dictera l’avenir de Drouin

Que réserve l’avenir à Jonathan Drouin?

Est-il lié au Ligtning de Tampa Bay? Est-ce qu’il sera finalement échangé comme lui et son agent l’ont réclamé en novembre dernier?

Personne ne peut répondre à cette question pour le moment. De fait, c’est peut-être son ancien capitaine avec le grand club qui dictera la suite des choses.

Si Steve Yzerman trouve une façon de garder Stamkos à Tampa à très fort prix et pour de nombreuses années, il devra compter sur Drouin et son salaire « économique » des prochaines années pour laisser filer un ou des joueurs de talent que le Lightning ne pourra plus payer tout en respectant le plafond salarial.

À moins que Drouin soit alors impliqué dans une transaction visant à doter le Lightning d’un jeune défenseur promis lui aussi à un brillant avenir.

Si Stamkos quitte, Drouin pourrait alors être impliqué dans une transaction nécessaire pour permettre au Ligthning de combler le trou béant laissé par le départ de son capitaine. Un trou que Drouin pourrait combler un jour, du moins partiellement, sans l’ombre d’un doute. Mais parce qu’elle aura besoin d’un renfort immédiat et qu’elle aurait de l’argent à offrir, la direction du Lightning pourrait regarder vers un joueur de plus grande envergure pour pallier immédiatement la perte de Stamkos.

Peu importe le scénario qui prévaudra, il est clair que c’est l’été prochain que le sort de Drouin avec la Lightning se réglera. D’ici là, le jeune hockeyeur doit tout faire pour retrouver sa touche, générer de l’attaque comme il en est capable et faire gagner un club qui en arrache cette année (24-34-0-0) afin de redorer son image auprès des coéquipiers qu’il a abandonnés, de redorer son image auprès de l’organisation du Lightning, de redorer son image point.

Car s’il est vrai que la mémoire est une faculté qui oublie vite dans la LNH – autant les bons coups que les mauvais ont des durées de vie éphémères – Jonathan Drouin a tout intérêt maintenant de faire parler de lui pour les bonnes raisons. Et ainsi de mettre les chances de son côté et non contre lui comme il l’a fait en se transformant en kamikaze le 20 janvier dernier.